Liban : un important rapport d'Amnesty International

Des crimes de guerre impliquant une responsabilité pénale individuelle

Israël - sionisme et lobby


Amnesty international a publié le 23 août son rapport sur les actions de l'armée israélienne au Liban, intitulé « Destructions délibérées ou “dommages collatéraux” ? Les attaques israéliennes sur les infrastructures civiles ». En voici quelques extraits.
En introduction, le rapport cite Jan Egeland, sous-secrétaire général des Nations unies pour les affaires humanitaires, qui, le 10 août 2006, affirmait : « La population civile au Liban et dans le nord d'Israël est la plus grande perdante du cycle de violence qui dure exactement aujourd'hui depuis un mois... Les civils auraient dû être épargnés dans ce conflit, mais ce n'est pas le cas. »
Amnesty commence par un bilan humain et matériel de l'action de Tsahal : « L'aviation israélienne a lancé plus de 7 000 attaques aériennes contre quelque 7 000 cibles au Liban entre le 12 juillet et le 14 août, tandis que la marine effectuait 2 500 autres bombardements. Très nombreuses, les attaques ont été particulièrement concentrées sur certaines régions. Outre les victimes civiles directes - on estime que 1 183 Libanais, dont un tiers d'enfants, ont été tués, 4 054 autres blessés et 970 000 déplacés -, les infrastructures civiles ont été gravement endommagées. Selon le gouvernement libanais, 31 “points vitaux” (aéroports, ports, stations hydrauliques et d'épuration, centrales électriques) ont été totalement ou en partie détruits, de même qu'au moins 80 ponts et 94 routes. Plus de 25 stations-service et environ 900 entreprises ont été touchées. Plus de 30 000 habitations, bureaux et magasins ont été détruits. Deux hôpitaux publics - ceux de Bint Jbeil et de Meiss ej Jebel - ont été complètement détruits par les attaques israéliennes et trois autres ont été gravement endommagés.
Plus de 25 % de la population de ce pays, qui compte moins de quatre millions d'habitants, a pris la route. On estime que 500 000 personnes se sont réfugiées dans la seule ville de Beyrouth ; beaucoup d'entre elles sont restées dans des parcs et autres lieux publics, sans eau ni possibilité de se laver. »
Amnesty arrive ainsi à la conclusion suivante : « On a de bonnes raisons de penser, d'après les éléments disponibles, que, loin d'être des “dommages collatéraux” - c'est-à-dire des dommages aux civils et aux biens de caractère civil causés incidemment par des attaques contre des objectifs militaires -, la destruction de grande ampleur des ouvrages publics, des installations et réseaux électriques, des habitations et des équipements industriels était délibérée et faisait partie intégrante de la stratégie militaire. » Et d'expliquer : « Les destructions de grande ampleur d'appartements, de maisons, d'installations électriques et de distribution d'eau, de routes, de ponts, d'usines et de ports, s'ajoutant à plusieurs déclarations de responsables israéliens, portent à croire qu'Israël avait pour politique de punir le gouvernement libanais et la population civile dans le but de les amener à se retourner contre le Hezbollah. Les attaques israéliennes n'ont pas diminué et leur forme n'a pas semblé se modifier même lorsqu'il est apparu clairement que les victimes des bombardements étaient essentiellement des civils, ce qui a été le cas dès les premiers jours du conflit. »
« Si affaiblir la volonté de lutte d'une population était considéré comme un objectif légitime, la guerre ne connaîtrait pas de limites »
Amnesty procède ensuite à l'analyse de ces attaques au regard du droit humanitaire international : « Dans un conflit armé, les forces militaires doivent établir une distinction entre les biens de caractère civil, qui ne peuvent être attaqués, et les objectifs militaires qui peuvent l'être sous certaines conditions. Le principe de distinction est un fondement des lois de la guerre. Les objectifs militaires sont ceux qui “par leur nature, leur emplacement, leur destination ou leur utilisation apportent une contribution effective à l'action militaire et dont la destruction totale ou partielle, la capture ou la neutralisation offre en l'occurrence un avantage militaire précis”. Les biens de caractère civil sont “tous les biens qui ne sont pas des objectifs militaires”. Les biens qui sont normalement considérés comme des “biens de caractère civil” peuvent, dans certaines circonstances, devenir des objectifs militaires légitimes s'ils sont “utilisés en vue d'apporter une contribution effective à l'action militaire”. Toutefois, en cas de doute quant à une telle utilisation, le bien doit être présumé de caractère civil. »
Sont également définies les expressions « attaques indiscriminées » et « attaques disproportionnées » : « Les attaques directes contre des biens de caractère civil sont prohibées au même titre que les attaques menées sans discrimination, lesquelles frappent sans distinction des objectifs militaires et des biens de caractère civil. (...) S'il est établi que deux édifices d'un quartier résidentiel abritent des combattants, le bombardement de tout le quartier n'est pas légal. Les attaques disproportionnées, qui sont également prohibées, sont celles dans lesquelles les “dommages collatéraux” sont considérés comme excessifs par rapport à l'avantage militaire direct qui est attendu. »
Amnesty cite les justifications avancées par Israël : « Israël prétend que, dans cette optique, l'avantage militaire “n'est pas celui retiré de l'attaque particulière mais de l'opération militaire dans son ensemble”. » Mais le rapport rappelle : « Cette interprétation est trop large. Il arrive souvent que la notion d'avantage militaire soit interprétée de façon trop large, ce qui permet de justifier des attaques visant à affaiblir l'économie d'un État ou à démoraliser sa population civile. De telles interprétations mettent à mal l'immunité des civils. Un avantage militaire légitime ne peut se résumer à un “avantage indéterminé ou éventuel”. Si l'on considérait comme un objectif légitime des forces armées le fait d'affaiblir la volonté de lutte de la population ennemie, la guerre ne connaîtrait pas de limites. »
Autre méthode de combat interdite par le droit humanitaire international : « Il est également interdit d'utiliser la famine comme méthode de guerre ou d'attaquer, de détruire, d'enlever ou de mettre hors d'usage des biens indispensables à la survie de la population civile. Le choix de certaines cibles - par exemple des stations de pompage d'eau et des supermarchés - laisse supposer qu'Israël a probablement violé la règle qui interdit de viser des biens indispensables à la survie de la population civile. »
La présence de combattants du Hezbollah se servant de civils comme boucliers humains ne peut pas non plus être invoquée par l'armée israélienne pour justifier ses actes : « Israël a affirmé que les combattants du Hezbollah s'étaient mêlés à la population civile dans le but de créer des boucliers humains. L'utilisation de civils pour protéger un combattant contre une attaque constitue un crime de guerre, mais le droit international humanitaire prévoit que cet acte ne délie pas l'adversaire de son obligation de protection de la population civile. »
Amnesty conclut, sur la question du droit humanitaire, à une responsabilité pénale individuelle pouvant être invoquée n'importe où à travers le monde par l'exercice d'une juridiction universelle : « Bon nombre des atteintes aux droits fondamentaux exposées dans le présent rapport constituent des crimes de guerre entraînant une responsabilité pénale individuelle. C'est notamment le cas des attaques visant directement des biens de caractère civil et des attaques disproportionnées ou menées sans discrimination. Les personnes à l'égard desquelles il existe de fortes présomptions de responsabilité dans de tels crimes peuvent être amenées à rendre compte de leurs actes devant des juridictions pénales du monde entier en vertu de l'exercice de la compétence universelle. »
En plus des dégâts subis par les infrastructures civiles, les attaques ont également eu de graves conséquences environnementales :
« L'attaque contre la principale centrale électrique du Liban, à Jiyyeh, a eu des conséquences néfastes immédiates pour la population mais aussi des répercussions durables sur l'environnement et l'économie. Les forces israéliennes ont bombardé le 13 juillet, puis le 15 juillet, la centrale de Jiyyeh, située à environ 25 kilomètres au sud de Beyrouth, ainsi que ses réservoirs de carburant. L'incendie qui a fait rage pendant trois semaines a recouvert les régions voisines d'une fine poussière blanche de béton pulvérisé et rempli l'air de suie noire. Qui plus est, cette attaque a entraîné le déversement de 15 000 tonnes de fioul lourd dans la mer. La marée noire, qui a contaminé le littoral libanais sur plus de 150 kilomètres, s'étend vers le nord jusqu'aux côtes syriennes. Selon le Programme des Nations unies pour l'environnement (PNUE), il s'agit d'un des pires désastres environnementaux jamais vus dans la région. Les opérations de nettoyage des côtes coûteront, selon les estimations, 120 millions d'euros et pourraient demander jusqu'à un an. »
Amnesty conclut son rapport en demandant au Conseil de sécurité et au Conseil des droits de l'homme des Nations unies d'inviter le secrétaire général de l'organisation à créer une commission d'experts indépendants, disposant des moyens nécessaires pour enquêter sur les violations du droit humanitaire international par chacune des parties du conflit, à savoir Israël et le Hezbollah.


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