Marc Garneau veut quitter le Québec au lendemain de l'indépendance. Il ne s'imagine pas vivre dans un Québec indépendant, sans son Canada chéri qu'il a si bien servi sur Terre et dans les airs et qu'il veut maintenant servir sur la planète Ottawa. Peut-on imaginer un Québécois manifester un tel dédain pour sa terre natale au point de ne pas vouloir y vivre dès qu'elle aura rejoint la grande famille des nations libres? Peut-on imaginer un Québécois refuser de vivre dans un pays ou le français serait la langue majoritaire et préférer un statut de minoritaire dans un pays dominé par l'anglais? On voit bien là le syndrome du colonisé et les ravages causés chez l'individu colonisé par des siècles de domination étrangère.
Et on voit aussi l'étendue des ravages causés par une histoire nationale mal enseignée, une histoire financée à grands renforts de commandites dans laquelle on nous présente le Canada actuel comme étant le pays fondé par Jacques Cartier et Samuel de Champlain, comme étant notre pays. Je me demande ce que penseraient ces deux grands découvreurs s'ils voyaient leur Canada aujourd'hui : un pays majoritairement peuplé d'Anglais et dont les institutions sont anglaises. Pour moi, ce Canada-là n'est pas le pays de Cartier et Champlain. Le Canada post-Conquête n'est pas mon pays et ne le sera jamais.
« Ce serait une catastrophe si le Québec devenait indépendant », de dire l'astronaute libéral. Ben oui, on la connaît, la vieille rengaine apocalyptique! On sait tous que l'indépendance entraînera des catastrophes naturelles, qu'un Québec indépendant sera fasciste, intolérant, xénophobe et replié sur lui-même. Y en a-t-il encore qui croient à ces histoires de Bonhomme Sept-Heures? S'il y en a, je les plains sérieusement. Non mais on nous prend pour des caves ou quoi? La vie dans un Québec libre ne sera certainement pas plus pire que dans le Québec-province si cher à Garneau.
On ne désire pas faire l'indépendance pour créer un paradis terrestre. L'indépendance n'est pas la solution miracle à tous les problèmes mais elle va régler une fois pour toutes la question de notre statut politique. Et une fois cela réglé, on pourra mieux s'attaquer aux défis auxquels nous sommes confrontés mais nos colonisés purs et durs semblent penser que le fédéralisme asymétrique unitariste de M. Dithers est une bien meilleure solution. Comme si un peuple subordonné pouvait mieux régler ses problèmes en ne disposant pas de tous les moyens nécessaires, en laissant le « partenaire » fédéral imposer ses vues et s'immiscer dans nos affaires.
Garneau prétend qu'on regretterait « amèrement » d'avoir choisi l'indépendance. Est-ce que les anciennes colonies françaises, anglaises regrettent amèrement d'avoir choisi de prendre leur destinée en main? Dire une niaiserie de la sorte, c'est laisser entendre que le peuple québécois n'est pas capable de voler de ses propres ailes, que son développement doit se faire « au sein de la fédération canadienne ». Hors du Canada, point de salut! Comme si le génie québécois n'était pas la cause de nos grandes réalisations, que nous devions tout à nos chers conquérants venus nous sortir de la barbarie, comme les USA apportant la liberté et la démocratie (et les attentats-suicides, qu'on ne voyaient pas sous Saddam...) aux Irakiens opprimés.
Une nation conquise et annexée ne peut passer son temps à entretenir sa dépendance; elle doit contrôler pleinement son destin pour se développer pleinement et non pas se faire dicter ses choix par les autres. Et pour nous, la période coloniale et néo-coloniale a été une étape de notre histoire mais maintenant, nous sommes arrivés au stade ou nous devons voler de nos propres ailes et nous débarrasser de ce pouvoir fédéral néo-colonial et encombrant. C'est ce qu'ont compris une majorité de peuples depuis 60 ans et qui a donné naissance au mouvement de décolonisation des années 50, 60 et suivantes. Il n'y a que nous qui faisons encore du surplace parce qu'il paraît que la santé et l'éducation sont plus importantes que la liberté politique.
Mais pour revenir à notre voyageur interplanétaire en campagne, est-ce que l'Algérie regrette amèrement d'avoir fait l'indépendance? Est-ce que l'Inde et l'Irlande s'ennuient du temps ou elles étaient des colonies anglaises? Regrettent-elles amèrement l'époque de la Grande Famine, du massacre d'Amritsar, du mépris, de l'exploitation et de la servitude? Le Timor oriental est un des pays les plus pauvres du monde mais les Timorais préfèrent-ils l'indépendance ou la dépendance? Ils ont choisi de prendre leur destin en main et ils l'assument et ne veulent sûrement pas retourner à l'état de dépendance. Chaque pays vit des situations difficiles et dans un Québec indépendant, il y aura toujours des problèmes. Et le fédéralisme, peu importe la forme (asymétrique ou dissymétrique), n'est pas la solution à nos problèmes mais est plutôt LE problème fondamental.
Que Marc Garneau s'en aille s'il ne veut pas vivre dans mon pays, une fois celui-ci affranchi pour toujours du carcan canadian. J'avais une certaine admiration envers lui en raison de ses exploits mais il a baissé dans mon estime depuis qu'il a rejoint les ennemis de l'indépendance. Et je considère que celle-ci est plus importante que n'importe quel individu, quelle que soit sa notoriété, alors il n'est pas une grosse perte. Il y a d'autres Québécois qui font honneur à leur patrie et ne la rabaissent pas pour mieux s'élever, comme l'ont fait trop de petits politiciens par le passé.
Et finalement, oui M. Pratte, je suis mesquin, soupçonneux et intolérant envers ceux qui ne partagent pas mon idéal. Oui, je déteste ceux qui s'opposent à notre libération par toutes sortes de moyens plus ou moins honnêtes. Et oui, je méprise les traîtres et les opportunistes comme Raymond Bachand et les petits Québécois de service de La Presse ou du Parti libéral. C'est mon droit le plus strict d'être mesquin, soupçonneux, intolérant, méprisant, menaçant envers ceux qui gagnent leur vie à chier sur la liberté de mon peuple et je fais chaque jour l'apprentissage de la haine pour ne pas rester éternellement colonisé, comme disait Pierre Perrault, alors vos petites leçons de pseudo-morale à cinq cennes, ON S'EN FOUT!
Des colonisés purs et durs
Simond Girard, Tribune libre
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