Cette Europe est difficile à suivre. Elles sont difficiles à comprendre ces tergiversations politiques autour d'une crise, à l'origine grecque, rattrapant aujourd'hui l'Allemagne et débordant, deux ans plus tard, la zone euro pour s'étendre à la Grande-Bretagne. Difficile, aussi, à défendre, ce choix généralisé de l'austérité budgétaire pour résorber une crise, aujourd'hui amplifiée par la récession que cette même austérité a engendrée.
Selon l'Institut de la finance international, l'économie de la zone euro est déjà en récession. Le débordement s'étend hors euro, dans l'Union européenne, la Grande-Bretagne payant le prix de son austérité budgétaire. Faible croissance économique et hausse du chômage chez les Britanniques conjuguent leurs effets à un secteur extérieur fortement dépendant de l'activité économique dans la zone et à une industrie bancaire exposée à la dette européenne. Même l'idée d'une gouvernance économique européenne, à défaut d'un gouvernement européen avec, à la clé, une banque centrale (BCE) libérée de ses menottes, apparaît aujourd'hui dépassée devant le risque de contagion planétaire. Et dire qu'il y a deux ans, le problème ne représentait que 3 % du PIB de la zone euro.
L'Institut de la finance internationale a baissé les bras hier, alors que la peur semblait s'emparer des marchés. L'organisation bancaire mondiale évalue désormais que «la situation en zone euro a pris un tour grave en empirant lors de ce mois. L'économie a plongé dans ce que nous voyons comme une récession, qui ne fera qu'accroître les déficits budgétaires». Le cercle vicieux est enclenché et tous ces plans d'austérité budgétaire, sans cesse revisités, ne tiennent plus la route. Avec cette austérité retirant des points de croissance à une activité économique déjà anémique, une spirale dangereuse apparaît, menaçant de plonger l'Europe dans la dépression.
Dans un texte de l'Agence France-Presse, les grands banquiers critiquent les gouvernements européens pour leur gestion de la crise de la dette publique, estimant que «certaines de leurs actions rendent peut-être le problème plus grave, et non le moins». Et l'Institut estime que «la faiblesse de l'économie de la zone euro a le potentiel de se diffuser au reste du monde à travers un certain nombre de canaux. L'un des plus immédiats et des plus puissants est le secteur bancaire». L'autre étant l'effet de la paralysie du deuxième plus grand bloc économique de la planète sur les pays émergents, largement tributaires des exportations.
Il est désormais acquis que, devant l'urgence, les leaders n'ont désormais d'autre solution que celle de confier à la BCE le rôle de banque de dernier recours pour les institutions financières et les États. Les risques inflationnistes étant, devant cette urgence, un moindre mal, mutualiser et monétiser les dettes souveraines devient la solution pare-feu souhaitée dans l'immédiat. Une solution cependant escomptée dans les marchés, qui comptabilisent déjà, par surcroît, la perte de la note triple A de la France et de l'Autriche. Au demeurant, cette solution, qui, dans une de ses manifestations, donnerait naissance à un marché euro-obligataire, apparaît déjà dépassée. Dans l'état actuel des choses, ces euro-obligations prennent déjà des allures d'obligations de pacotille avant même de voir le jour.
Sur ce dernier point, le message lancé hier par le marché obligataire est particulièrement éloquent. L'Allemagne offrait 6 milliards d'euros d'obligations à 10 ans. Elle n'en a écoulé que 3,6 milliards. Seule réjouissance: le taux consenti demeure historiquement bas, à moins de 2 %. Jusque-là, on croyait que le plan demandant aux créanciers privés d'absorber une réduction de moitié de la dette grecque avait incité les investisseurs obligataires à fuir les marchés de la dette des pays dits périphériques de la zone. Or l'expérience vécue par l'Allemagne hier laisse craindre un tarissement menaçant d'assèchement l'ensemble de la zone.
Réunis dans le cadre d'un forum à Paris, responsables économiques, banquiers et chefs d'entreprise des pays émergents ont vivement critiqué hier la gouvernance des pays occidentaux. L'un d'eux, un gestionnaire de portefeuilles chinois, a même souligné que les banques occidentales recelaient «un important potentiel de pertes», de «bombes cachées», ajoutant qu'il investirait volontiers dans des banques chinoises, mais ne «s'approcherait même pas» des banques occidentales, selon les propos recueillis par l'Agence France-Presse.
La zone euro devra déverrouiller la BCE et l'Union européenne, mobiliser toutes ses ressources. Mais pendant ce temps, il y a tous ces gouvernements qui s'obstinent à prioriser un retour à l'équilibre budgétaire par la voie de l'austérité plutôt que par celle de la croissance. Et il y a la première économie de la planète politiquement condamnée à l'inaction.
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