Débordements déraisonnables

C'est reparti pour une gigue d'accommodements raisonnables.

Immigration - une politique ou de la politicaillerie ?



Gracieuseté de Mario Dumont, des commissaires Taylor et Bouchard et, oui, disons-le franchement, des médias qui raffolent des histoires d'accommodements raisonnables. Surtout de ceux qui accrochent ou qui dérangent, d'ailleurs, parce que l'on ne parle pratiquement jamais des centaines d'autres qui, paisiblement, facilitent quotidiennement les relations entre la majorité et les minorités.
À lire les journaux, à écouter Mario Dumont ou à entendre Gérard Bouchard qui affirme que le Québec traverse une grave crise identitaire, on croirait que nous sommes aux portes de graves troubles sociaux au Québec, du genre de ceux qui ébranlent la France, l'Allemagne ou l'Espagne depuis quelques années.
Les dernières déclarations du chef de l'ADQ n'étonnent guère, il nous y a habitués, mais celles du tandem Bouchard-Taylor sont plus surprenantes. Si les deux commissaires lancent leurs travaux avec des préjugés comme «le Québec vit une crise sérieuse», que nous ressentons collectivement un «malaise identitaire» et que la «majorité a peur de ses minorités», n'ont-ils pas déjà tiré leurs conclusions?
«Une majorité qui a peur de ses minorités», ça ferait un bon titre de rapport, mais il faudrait peut-être commencer par écouter ce que les Québécois (et pas seulement les nationalistes xénophobes et les racistes soft et hard) ont à dire sur la question, non?
Le bon côté, cela dit, de cette commission, c'est qu'elle fera office de thérapie de groupe. Elle permettra peut-être de «faire sortir le méchant», comme on dit. Ce serait déjà ça. Et puis, on pourrait passer à autre chose.
Faut croire que quand on n'a pas de vrais problèmes, comme c'est le cas au Québec, on gonfle artificiellement quelques anecdotes de fenêtres givrées ou de voiles au soccer pour en faire des crises nationales.
C'est la thèse de cette chronique: il n'y a pas de réel problème d'immigration, d'intolérance ou de cohabitation ici. Il n'y a que des incidents anecdotiques isolés montés en épingle par les médias et savamment récupérés par un politicien opportuniste aussi habile à lire les sondages qu'inepte à pondre des politiques d'ensemble cohérentes.
Bien sûr, il y a parfois des accrochages, inévitables. Bien sûr tout n'est pas rose dans les relations majorité-minorité, mais faut-il rappeler que le Québec et le Canada sont perçus partout dans le monde comme des modèles d'intégration et de cohabitation.
Même Mario Dumont l'admet, sans le vouloir: «On a évité jusqu'à présent des ghettos qui sont fermés et qui vivent en vase clos en dehors de la société. Il faut continuer à éviter ça», disait-il cette semaine. Eh bien, justement, c'est la preuve que ça marche plutôt bien, notre modèle.
N'empêche, au diable les nuances et les évidences. Le chef de l'ADQ est à la recherche des quelques milliers de votes qui le séparent du pouvoir et il croit (avec raison) avoir trouvé la bonne formule en exploitant la peur de l'«Autre» chez les pure laine.
Mario Dumont, encore une fois, joue avec le délicat dossier de l'immigration comme un apprenti sorcier avec des éprouvettes d'acide sulfurique. Les Anglais ont une expression parfaite pour décrire ce que fait M. Dumont: good politics, bad policy. Rentable électoralement, mais nocif socialement et politiquement.
Alors, pour calmer le jeu, voici quelques phrases apaisantes à propos du Québec et de ses immigrants.
«Le Québec se distingue notamment par son ouverture sur le monde, son accueil des nouveaux arrivants et par un fort consensus envers des valeurs communes d'égalité entre les individus, de démocratie, de justice, de respect et de solidarité. Forte de ces assises, notre société s'est enrichie et s'est beaucoup développée tout au long du siècle dernier, notamment grâce à l'apport de l'immigration de plusieurs communautés différentes.»
D'où vient ce passage, selon vous?
Du programme électoral de l'ADQ. Programme qui consacre à peine une demi-page (sur 27) à la question de l'immigration et qui n'aborde jamais la question des accommodements raisonnables, pas plus qu'il ne promet de plafonner le nombre d'immigrants, la nouvelle bataille de Mario Dumont.
En fait, l'ADQ a soigneusement évité le sujet, refusant même d'envoyer un porte-parole débattre avec le PQ et les libéraux des questions d'immigration et d'accommodements raisonnables lors d'une soirée organisée par la Table de concertation des organismes au service des réfugiés et des immigrants.
Tout ce que promettait l'ADQ, c'était de donner aux dirigeants d'organismes publics des directives très claires dans ce dossier; de mettre en application les recommandations que formuleront les commissaires Taylor et Bouchard et de prendre des mesures pour unir les Québécois, notamment par l'adoption d'une Constitution québécoise définissant «nos valeurs communes».
Par ailleurs, Mario Dumont prônait la proclamation d'une citoyenneté québécoise, le renforcement des mesures d'intégration et de francisation des immigrants et l'amélioration de l'enseignement de l'histoire dans les écoles.
Il serait utile, vu la tournure des événements, que M. Dumont définisse clairement ce qu'il entend par «valeurs communes» et par citoyenneté québécoise avant les prochaines élections, qui, rappelons-le, pourraient venir aussi vite que le printemps prochain. Cela éviterait l'improvisation au gré des sondages et des soubresauts de l'actualité sur des sujets aussi délicats que l'identité, la cohabitation et l'intégration des immigrants.
Quant à la suggestion de Pauline Marois (qui a bien essayé cette semaine de récupérer le débat) de transférer au Québec tous les pouvoirs en matière d'immigration, deux mots: oubliez ça!
Ottawa n'a jamais été chaud à l'idée de se départir de ses pouvoirs, mais depuis le 11 septembre 2001, ce que demande Mme Marois est carrément impossible.
Déjà que les Américains n'aiment pas beaucoup nos politiques d'immigration, en particulier la concentration au Québec de francophones de pays arabes, vous voyez Ottawa expliquer à Washington qu'il vient de donner à une de ses provinces les pleins pouvoirs en immigration?
Meilleure chance la prochaine fois.


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