Ayn Randt, papesse de la droite néolibérale

De toutes les droites, la seule que devrait cibler la gauche indépendantiste

Gauche-Droite : le débat

Merci à Vigile pour la mise en ligne d'un article consacré à la philosophe étatsunienne Ayn Randt. Personnellement, je n'ai pas lu grand-chose de cette dame et ce que j'en connais provient surtout de Wikipédia et de quelques articles publiés ici et là. Je me promets donc de lire au moins deux ou trois de ses principaux ouvrages au cours de l'année 2012.

Seulement, le peu que je connais de son oeuvre suffit déjà à me donner la nausée. Sauf erreur, c'est du Hayeck assaisonné de Nietszche assez mal lu : le Surhomme s'y présente comme celui qui s'enrichit sans fin au détriment de l'ensemble de la population.

Et le pire, c'est que les livres d'Ayn Randt sont bien, aux États-Unis, parmi les plus lus après la Bible, ce qui n'est pas peu dire. On dit que, naturellement, Milton Friedman et Ronald Reagan idolâtraient Ayn Randt. C'est bien assez, il me semble, pour que nous nous mettions à son étude, quelque dégoût que cela puisse nous occasionner. Car il semble bien que Randt est vraiment, plus encore que Hayeck et Friedman, la grande papesse intellectuelle de cette droite néolibérale qui domine presque partout en Occident depuis une trentaine d'années, l'éminence grise qui, directement ou indirectement, inspire le discours que nous tiennent tous les apôtres de la privatisation, tous ces Duhaime et Marcotte, mais aussi tous ces Harper, Legault et autres Charest.

Si nous voulons faire échec à nos ennemis, il nous faut d'abord bien les connaître. Chez nous, la droite néolibérale se confond largement avec l'engeance fédéraliste, même si elle trouve peut-être quelques appuis marginaux du côté indépendantiste. Souhaitons que la gauche social-démocrate ou socialiste sache ne pas confondre cette droite-là avec ce que certains éléments, en son sein, appellent encore la «droite» groulxiste. Diable ! Entre Lionel Groulx et Ayn Randt, il y a plus qu'un abîme, il y a un univers ! Le conservatisme de Groulx ou, pour mieux dire, son traditionnalisme était culturel et non économique et, par ailleurs, assez peu politique.

Sait-on que, généralement dédaigné par une certaine gauche, Groulx n'est guère davantage prisé d'une certaine droite qui lui reproche, entre autres «travers», un conservatisme trop tiède, de trop forts penchants libéraux (au sens philosophique du terme), une sorte de crypto-républicanisme et, surtout, un anticolonialisme de fort mauvais goût ? Assez ahurissant et à peine croyable, pensez-vous ? C'est pourtant ce que j'ai récemment découvert sur le site Internet d'une secte catholique se réclamant de l'abbé de Nantes, la Contre-Réforme catholique au XXIe siècle. Il s'agit de nostalgiques de l'Église telle qu'elle était avant Vatican II. Je vous le jure, ces gens-là n'aiment guère Lionel Groulx, ni l'École historique de Montréal, ni le mouvement indépendantiste en général. Ils ont au moins cela en commun avec la droite néolibérale, dont par ailleurs ils se démarquent sur bien d'autres questions. Bien sûr, tout ce qu'ils reprochent à Groulx correspond à ce qui me rend notre grand historien national des plus sympathiques. Ainsi donc, si je rejette leur critique de Groulx, j'estime qu'ils ont quand même l'immense mérite de l'avoir, eux, extrêmement bien lu.

Si je signale l'existence de cette droite ultra-catholique antigroulxiste et quand même assez marginale, ce n'est pas seulement parce que c'est amusant, c'est surtout pour démolir certains mythes qui ont toujours cours contre Lionel Groulx et pour, du même coup, aider certains indépendantistes de gauche, dont je suis, à bien distinguer entre les diverses variétés de la droite et à bien cibler celle sur laquelle il importe de tirer sans ménagements : la droite néolibérale.

Quant à la droite nostalgique du terroir, laquelle a ses propres divisions internes, il importe de ne pas s'en moquer au point de la voir, contre toute logique, s'allier à cela même, le néolibéralisme, qui, plus que tout, et de concert avec le fédéralisme, détruit ce dont elle a la nostalgie. Du reste, l'écologisme, que l'on a l'habitude de classer à gauche, ne nourrit-il pas, lui aussi, une fort respectable nostalgie du terroir ?

Un terroir qui vaut certes mieux que la jungle high tech des ultra-capitalistes à la Randt, Hayeck, Friedman et cie.

Bref, en tant qu'indépendantiste de gauche, je dis volontiers : Vive l'anticolonialiste Groulx ! Ce Groulx qui n'a rien, mais alors là rien à voir, ni de près ni de loin, avec une Randt et ses disciples du cru.

Je le répète : étudions un peu et tâchons de bien discerner.

Luc Potvin

Verdun


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