De quels souverainistes parle Sarkozy ?

On n’est même plus dans le registre de l’opinion, de la subjectivité, ici. On est dans le domaine de la fabulation, de l’erreur factuelle, de la lecture totalement faussée du monde.

Sarko décore Charest - février 2009

Photo Reuters - Nicolas Sarkozy
Déclaration de Nicolas Sarkozy, hier. Le président de la République a dit ceci : « Croyez-vous, mes amis, que le monde, dans la crise sans précédent qu’il traverse, a besoin de division, a besoin de détestation? Est-ce que pour prouver qu’on aime les autres, on a besoin de détester leurs voisins? Quelle étrange idée! » Puis, encore : « Ceux qui ne comprennent pas cela, dit-il, je ne crois pas qu’ils nous aiment plus, je crois qu’ils n’ont pas compris que, dans l’essence de la Francophonie, dans les valeurs universelles que nous portons au Québec comme en France, il y a le refus du sectarisme, le refus de la division, le refus de l’enfermement sur soi-même, le refus de cette obligation de définir son identité par opposition féroce à l’autre. » (source : [C. Rioux, Le Devoir->17614])
Bon, je croyais que le président français parlait de séparatistes serbes, de gens qui font sauter des bombes, brûlent des villages et bombardent des civils. Sectarisme, détestation, enfermement sur soi-même : ce sont des mots durs, quand même…
J’écoutais d’une oreille distraite, voyez-vous. Mais j’ai failli emboutir l’auto devant moi quand j’ai réalisé que Sarkozy parlait des souverainistes québécois. Sur René-Lévesque, en plus !
Ai-je bien compris ? Sectarisme, « se définir par rapport à l’autre », détester les voisins ?
Mais de qui parle-t-il ? De quels souverainistes Nicolas Sarkozy parle-t-il ? Des felquistes, qui relèvent du folklore ?
Non, non, il semble bien qu’il parlait des souverainistes québécois qui ont tranquillement et pacifiquement recommencé à regarder La P’tite vie, après être passé à un cheveu – 50 000 voix – de gagner le référendum de 1995. N’importe où ailleurs, ou presque, une telle défaite aurait au minimum provoqué des émeutes. Des morts, dans la plupart des pays secoués par le traumatisme d’un référendum si émotif, si serré. Des guerres civiles, dans bien des juridictions.
Que le président français préfère un Canada uni, c’est son affaire. D’autres présidents ont eu une attitude plus fraternelle envers le Québec, le fameux « ni-ni » était une forme de clin d’oeil complice aux souverainistes. Là, c’est le retour du balancier. Sauf que Sarkozy décrit des souverainistes qui sont loin de former la majorité des gens flirtant avec le OUI, ici. Quand même mon collègue André Pratte trouve que le président français va trop loin, c’est que ce dernier est rendu tellement loin dans le champ qu’il va falloir envoyer des éclaireurs de l’armée pour le retrouver…
On n’est même plus dans le registre de l’opinion, de la subjectivité, ici. On est dans le domaine de la fabulation, de l’erreur factuelle, de la lecture totalement faussée du monde. Ce qui est inquiétant ! Car notre « conflit » Québec-Canada est mille fois moins compliqué que le conflit israélo-palestinien, par exemple, conflit dans lequel Nicolas Sarkozy s’est mis le gros orteil, au début de l’année…
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M. Sarkozy va trop loin

Photo Associated Press
André Pratte
Avec un plaisir évident, le président français, Nicolas Sarkozy, a répété lundi les propos qu’il avait tenus l’été dernier, lors de son passage à Québec. À l’époque, les leaders souverainistes avaient tenté de minimiser l’importance du virage imprégné par le président de la République. Même des porte-parole du gouvernement français soutenaient que M. Sarkozy avait été mal interprété.
Le principal intéressé s’est donc assuré que, cette fois-ci, il n’y aurait aucune ambiguïté dans son propos. «Croyez-vous, mes chers amis, que le monde, dans la crise sans précédent qu’il traverse, a besoin de division?», a dit M. Sarkozy.
Les lecteurs de La Presse connaissent mon point de vue là-dessus, je suis d’accord avec le président. Mais celui-ci a été trop loin en associant les indépendantistes du Québec au «sectarisme», à l’«enfermement sur soi-même», à la «détestation» de l’autre. Dieu sait si je suis en désaccord profond avec la thèse souverainiste. Mais je ne dirai jamais que les souverainistes sont des gens «sectaires» ou repliés sur eux-mêmes. Ce n’est certainement pas le cas des leaders du mouvement, qu’il s’agisse de Mme Marois, de M. Duceppe, et des autres.
C’est toujours le risque quand un politicien étranger se mêle de débats dont il ne maîtrise pas toutes les nuances: il exagère, il caricature. Les dirigeants de la France, qu’ils soient sympathiques ou antipathiques à l’idée de l’indépendance du Québec, devraient garder leurs idées pour eux-mêmes. Ce qui suppose, toutefois, que les politiciens québécois cessent de solliciter l’appui du gouvernement français pour l’une ou l’autre thèse.

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[une chronique intitulée « Tout est pourri » (critique de Anne-Marie Gingras) ->http://books.google.fr/books?id=EZWguAMXAtsC&pg=PA27-IA27&lpg=PA27-IA27&dq=pratte+Tout+est+pourri&source=bl&ots=MUti9NTQuH&sig=h2zgJlLgOg844j5ejxnUl4zH2_s&hl=fr&sa=X&ei=73RrT8aQEqnh0QHuh4GyBg&ved=0CEEQ6AEwBQ#v=onepage&q=pratte%20Tout%20est%20pourri&f=false]

[Semaine après semaine, ce petit monsieur nous convie à la petitesse->http://www.pierrefalardeau.com/index.php?option=com_content&task=view&id=30&Itemid=2]. Notre statut de minoritaires braillards, il le célèbre, en fait la promotion, le porte comme un étendard avec des trémolos orwelliens : « La dépendance, c’est l’indépendance ». « La soumission, c’est la liberté ». « La provincialisation, c’est la vraie souveraineté ». « La petitesse, c’est la grandeur ». Pour lui, un demi-strapontin à l’Unesco est une immense victoire pour notre peuple. C’est la seule politique étrangère qu’il arrive à imaginer pour le peuple québécois. Mais cet intellectuel colonisé type n’est pas seul. Power Corp. et Radio-Cadenas en engagent à la poche.





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