De bonnes idées, mais...

Le Canada est, rappelons-le, le seul pays à part Cuba et la Corée du Nord à interdire la médecine privée.

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On a au Québec une fâcheuse tendance à proposer des solutions sans tenir compte de la matière première - c'est-à-dire les ressources humaines disponibles.


Deux exemples très récents: le rapport Castonguay propose la mixité public-privé pour les médecins en oubliant la pénurie de médecins. Et Pauline Marois propose l'enseignement intensif de l'anglais au secondaire en oubliant que l'on manque d'enseignants compétents pour ce faire.
Ces deux projets sont, en principe, excellents. Mais ils sont actuellement inapplicables, faute de moyens.
Excellente, cette idée de permettre aux médecins d'exercer dans le privé, avec toutefois (nuance importante) l'obligation de consacrer au secteur public une proportion importante de leurs heures de travail.
Mutatis mutandis, c'est ce qui se fait dans tous les pays de l'Europe de l'Ouest, où la mixité public-privé existe depuis longtemps sans que ni les socialistes ni les sociaux-démocrates y trouvent à redire. Le Canada est, rappelons-le, le seul pays à part Cuba et la Corée du Nord à interdire la médecine privée.
Mais pour que cette anomalie soit corrigée sans pour autant pénaliser la clientèle du secteur public - celle qui n'a pas de plan d'assurance collective au travail ou qui n'a pas les moyens d'acheter des assurances privées -, il faut des ressources.
Or, déjà, les hôpitaux manquent tragiquement de médecins. Même dans les cliniques privées, les médecins sont débordés. Si ces derniers consacraient une partie de leur semaine à une clientèle «payante», il va de soi que cela serait autant d'heures soustraites au secteur public.
La situation est différente chez les médecins spécialistes. Ainsi, la plupart des chirurgiens ne peuvent opérer plus d'une journée par semaine. C'est un effroyable gaspillage de ressources: voilà des gens qui ont étudié 15 ans pour apprendre leur métier et qui ne peuvent le pratiquer qu'au compte-gouttes! Cela entrave leur perfectionnement (plus on opère, meilleur on est) et cela allonge les listes d'attente.
Ici, toutefois, on se heure à une autre sorte de pénurie: celle des infirmières. Toute chirurgie requiert des infirmières spécialisées. Or, le Québec en manque. C'est d'ailleurs l'une des raisons, à part la mentalité bureaucratique des administrations hospitalières, qui expliquent que les salles d'opération soient fermées le plus clair du temps, alors qu'elles pourraient fonctionner après 17 heures et pendant le week-end. Si les infirmières suivaient les médecins envolés vers le privé, la pénurie dans les institutions publiques serait catastrophique.
Manque de médecins, manque d'infirmières Cette pénurie bloque le changement.
Excellente également, l'idée d'instituer un enseignement intensif de l'anglais à partir de la cinquième année du primaire, de façon à ce que, comme le propose la chef péquiste, tous les petits Québécois soient bilingues à la sortie du secondaire.
Mais en pratique, cette réforme tomberait à plat, encore une fois pour des raisons de pénurie. Les commissions scolaires francophones manquent d'enseignants compétents dans l'enseignement de la langue seconde. Ce n'est pas parce qu'on peut lire un texte et bredouiller quelques mots d'anglais qu'on est capable de l'enseigner, je veux dire de bien l'enseigner.
En cette matière, tous les experts le répètent: le nombre d'heures consacrées à l'étude d'une langue seconde est beaucoup moins important que la qualité des enseignants. Le consensus, c'est qu'il est préférable qu'une langue seconde soit enseignée par quelqu'un dont c'est la langue maternelle. Or, si la France ou l'Italie doivent «importer» des enseignants anglophones, le Québec a la chance de les avoir sur place!
Il suffirait que les commissions scolaires francophones et anglophones procèdent à des échanges d'enseignants pour l'enseignement des langues secondes. Ainsi, le français dans les écoles anglaises serait enseigné par des enseignants dont le français est la langue maternelle, et vice-versa. Mais jusqu'ici, les corporatismes syndicaux et l'inertie des commissions scolaires ont empêché de mettre en oeuvre cette solution dont l'évidence, pourtant, crève les yeux.
À défaut d'échanges d'enseignants, on pourrait au moins autoriser l'embauche de spécialistes de l'anglais qui n'auraient pas passé par les facultés d'éducation; dans ce domaine (comme dans bien d'autres, d'ailleurs, surtout au secondaire), la compétence dans la matière est bien plus importante que la formation en didactique et en pédagogie.
Les meilleures idées, en somme, ne valent rien si elles sont impossibles à mettre en pratique. Que vaut un bon livre de recettes si l'on n'a pas de cuisinier?
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