De 1968... à 2007?

Québec 2007 - Analyse



1968: la société est en pleine transformation; les jeunes veulent changer le monde, on sort d'une énorme grève étudiante, les artistes du Québec voient leur art s'épanouir, l'armée américaine s'enlise dans une guerre de plus en plus contestée par les citoyens des États-Unis et un nouveau parti, le Parti québécois, voit le jour.

Ce parti est né sous l'impulsion de jeunes et de moins jeunes idéalistes qui en avaient assez des vieux partis usés qui, malgré leurs tentatives de rajeunissement, traînaient avec eux un bagage lourd et passéiste. L'usure du pouvoir avait fait son oeuvre, creusant les traits de ces vieux partis et rendant confortables leurs états de rond-de-cuir.
Leur existence semblait de plus en plus se justifier par le seul conflit binaire du bien contre le mal, du bleu contre le rouge, comme si le monde n'avait que deux dimensions.
Le bien ayant besoin du mal, les bleus avaient besoin des rouges (et vice-versa) pour justifier leurs actions les plus inexcusables. Leur langage de renouveau, de projet de société et de vision d'avenir sonnait de plus en plus creux. De moins en moins de gens y croyaient; seule cette génération ayant grandi et tout misé sur ces partis s'y accrochait, peut-être par peur d'oser se révéler à elle-même que le sens de leur vie reposait sur... quoi?
D'abord les libéraux grâce au PQ
Un de ces deux vieux partis, l'Union nationale, née en 1935 et qui avait connu ses plus belles heures sous Duplessis, était maintenant dirigé par Daniel Johnson, le nouveau chef de ce vieux parti. Tentant de lui refaire une jeunesse, s'érigeant comme le parti nationaliste des Québécois, il voyait d'un très mauvais oeil que des blancs-becs osent (!) former un parti qui diviserait le vote nationaliste. Son slogan «Égalité ou indépendance» était d'ailleurs pour lui la preuve qu'ils pouvait très bien faire le boulot. Il n'y avait nul besoin d'un nouveau parti.
Un argument alors entendu par les gens de l'Union nationale lors de la fondation du Parti québécois était qu'un vote pour le PQ était un vote pour le Parti libéral, voulant signifier que la division du vote nationaliste favoriserait l'arrivée au pouvoir du Parti libéral. Et c'est ce qui arriva.
En 1970, le Parti libéral a été élu, puis réélu en 1973, entre autres grâce à la division du vote nationaliste.
Le bond en avant
Mais qu'est-il arrivé en 1976? Le PQ, contre toute attente, a été élu et a fait faire un bond en avant au Québec. Ce premier gouvernement du Parti québécois a marqué l'histoire grâce à ses politiques progressistes et une équipe de gens de qualité.
Pour ce qui est de la division du vote, le PQ avait inscrit dans son programme dès les années 70 la volonté de réformer le mode de scrutin pour y inclure une forme de représentativité proportionnelle afin que la démocratie soit mieux servie. Cette réforme, ce parti ne l'a jamais concrétisée.
Quelqu'un oserait-il aujourd'hui revenir sur l'apport positif qu'a eu le PQ à ses débuts? Quelqu'un pourrait-il prétendre que l'avertissement des gens de l'Union nationale aurait dû être écouté afin que les gens continuent à voter pour eux, contre vents et marées, ad vitam æternam? La réponse est non. Le vote pour le PQ des années 70 a été bien plus un vote qui évolue qu'un vote qui divise. Mais qui, à l'Union nationale, aurait osé avouer cela?
Quarante ans plus tard, en 2007, nous nous retrouvons dans une situation qui ressemble à celle de 1968. La société est en pleine transformation dans un contexte de mondialisation; les jeunes veulent toujours changer le monde, mais de façon plus globale; on sort d'une autre énorme grève étudiante; les artistes du Québec voient leur art s'épanouir de nouveau; l'armée américaine s'enlise dans une nouvelle guerre de plus en plus contestée par les citoyens des États-Unis; et un nouveau parti, le Parti vert du Québec, est né.
Les éternels libéraux, comme en 1968, font grincer les dents de nombreux électeurs mais sont toujours là; le Parti créditiste est disparu pour faire place à son pendant actuel, l'ADQ; l'Union nationale a fait place au PQ. Aussi, comme lors de l'arrivée du PQ en 1968, André Boisclair, nouveau chef de ce vieux parti, nous prévient que tout vote pour les «tiers» partis comme le Parti vert ou Québec solidaire favorisera les libéraux.
Nous répondrons à M. Boisclair par ces deux arguments:
- Eussiez-vous fait cette réforme du mode de scrutin, vous n'auriez pas à évoquer comme épouvantail la division du vote, que votre parti a dénoncée à ses débuts. Aujourd'hui, vous vous servez à votre avantage d'un mode de scrutin désuet pour votre parti désuet, au détriment de la démocratie.
- Par ailleurs, mesdames et messieurs du PQ, lorsque, en 1968, on vous a demandé de ne pas exister, de ne pas ressortir du lot et de rentrer dans le rang, vous en avez décidé autrement. Vous vous êtes affirmés. Le vaisseau amiral du nationalisme et du progrès de l'époque ne convenait plus à vos visées plus modernes et pas encore cyniques. Vous avez opté pour le progrès dans les idées et les actions.
Alors, pourquoi ce qui a été bon pour vous en 1968 ne le serait-il pas pour nous en 2007?
Daniel Breton, Montréal


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