D’où provient la vague Orange ?

la vague NPD ne résulte pas d’un revirement de l’électorat ou d’un rejet du Bloc, mais bien davantage d’un effet d’entrainement initié par les médias québécois et tout spécialement par La Presse

Tribune libre

Depuis l’annonce des résultats des dernières élections, je me creuse la tête pour identifier une cause à la soudaine montée du NPD dans les intentions de vote et la désintégration du Bloc québécois. Après avoir repassé et repassé la campagne dans ma tête et après avoir relu nombre d’articles parus en cours de campagne, une conclusion s’impose : la vague NPD ne résulte pas d’un revirement de l’électorat ou d’un rejet du Bloc, mais bien davantage d’un effet d’entrainement initié par les médias québécois et tout spécialement par La Presse. Je parle ici avec l’éloignement; vu ma position géographique, je n’ai malheureusement pas été au cœur des événements. Ma réflexion repose donc essentiellement sur ce que j’ai pu voir à travers les différents médias sociaux et traditionnels. En effet, avant la publication par le journal La Presse, des résultats d’un sondage à la méthodologie douteuse, la campagne se dessinait un peu comme les précédentes, c’est-à-dire le Bloc sortant victorieux avec une forte majorité de députés au Québec. Aucune raison de s’inquiéter quoi! Toutefois, c’est après la publication de ce sondage par la Presse que la campagne a vraiment pris un tournant.
Évidemment, et malgré tout le respect que j’ai pour M. Duceppe, la défaite du Bloc tient peut-être au soudain revirement pris par la campagne nationale. Alors qu’il était encore absent du discours bloquiste la veille, le chef du NPD, Jack Layton, s’est soudainement retrouvé en pleine ligne de tir des troupes bloquistes. L’ennemi public numéro 1 était soudainement un homme avec qui on parlait de s’associer quelques semaines auparavant advenant un autre gouvernement minoritaire dirigé par Stephen Harper. Était-il soudain devenu si dangereux? Tout cela sans parler du peu d’innovation dans le discours bloquiste. N’était-ce pas la 2e élection où le Bloc est « le seul à pouvoir empêcher Harper d’obtenir une majorité »? Malheureusement, même après la vague orange, on voit bien que peu importe la répartition des sièges québécois, Harper obtiendrait tout de même une majorité au Parlement. Et que dire du reste de la campagne? L’intervention de Gérald Larose était de trop et contraire aux valeurs habituellement défendues par le Bloc. Pour ce qui est de l’intervention de Parizeau, elle a davantage été perçue comme un geste désespéré qu’autre chose.
On ne peut toutefois attribuer l’entièreté de la défaite au Bloc seul. La publication de ce sondage, qui, je le répète, avait une méthodologie très douteuse, a assurément créé un effet d’entrainement au sein de l’électorat. Celui qui hésitait à voter NPD le jour d’avant de peur que sont vote soit inutile ou de peur d’être en marge, réalisait soudainement qu’il n’était plus le seul à vouloir changer la situation. Cette constatation est sans doute l’étincelle qu’il fallait pour décider nombre d’électeurs à, finalement, voter NPD, histoire de faire changement.
Finalement, la confirmation de la vague par d’autres sondages a pu créer une pression sociale sur plusieurs autres électeurs, convainquant de voter NPD principalement pour pouvoir faire partie du mouvement. Autrement dit, plusieurs ont sans doute voté NPD pour ne pas manquer le bateau surfant sur la vague. Tout cela, sans parler de l’effet « tout le monde en parle » qui marque aussi un tournant dans la campagne. En effet, on doit avouer que Jack Layton a su tirer profit de son passage à Tout le monde en parle pour faire passer son programme et son message. Le fait qu’il mène aussi sa campagne en rémission d’un cancer à sans doute joué en sa faveur auprès des Québécois. L’on dira ce que l’on voudra, les Québécois ont sans aucun doute été émus par ce chef de parti méconnu qui mène une campagne électorale éreintante et épuisante à travers le Canada dans un état de santé fragile. La condition physique a sans doute convaincu quelques électeurs de l’encourager, peut-être dans un vote de pitié ou de solidarité pour les épreuves qu’il traverse actuellement.
Quelle leçon doit-on tirer de cette défaite? D’abord, finis les campagnes de diabolisation et négatives qui ressemblent beaucoup trop aux campagnes publicitaires négatives des conservateurs. Il faut construire la campagne sur un programme et sur des faits, pas sur des rumeurs et un message négatif. Ensuite, c’est même une évidence qu’il convient de rappeler, ne pas sous-estimer l’adversaire. Le PQ s’est fait avoir en 2007 par l’ADQ, le Bloc vient de faire jouer le même tour par le NPD. Un adversaire demeure un adversaire aussi inoffensif qu’il paraisse de prime abord. À ce titre, la campagne pro-coalition, même si elle apparaissait comme une bonne chose au début, s’est révélée être un élément dévastateur pour le reste de la campagne. Finalement, la politique de 2011 se fait davantage au niveau des chefs de parti que des candidats locaux; c’est dommage, mais c’est ainsi. Le fait qu’une candidate en vacance à Vegas durant la campagne puisse se faire élire sans n’avoir jamais mis le pied dans sa circonscription en est la meilleure preuve. Cette réalité nous impose donc de changer la manière de mener une campagne. Le chef ne doit plus servir à appuyer des candidats dans une circonscription ou l’autre, mais bien au contraire, les candidats doivent maintenant participer activement à la campagne du chef et du parti d’un point de vue national. Il faut toutefois faire attention à ce que le candidat ne devienne qu’un porte-parole local du chef et du parti. Il doit aussi avoir une certaine indépendance et une plateforme locale, tout en contribuant activement à la campagne nationale. Reste maintenant à savoir comment appliquer cette nouvelle manière de mener une campagne électorale. C’est évidemment la partie la plus difficile, mais pas infaisable.
En terminant, il m’apparaît évident que la récente élection nous permet de tirer nombre de conclusions sur ce qui a mal tourné durant cette campagne électorale. L’on ne peut procéder à une bonne analyse en blâmant les autres, il faut aussi savoir regarder ce que nous avons fait de mal. Au demeurant, la vague orange prouve une fois de plus le caractère distinct de la nation québécoise, lors même que le reste du Canada plonge à droite pour reprendre l’expression de certains chroniqueurs. Reste maintenant à savoir comment en tirer profit et à améliorer nos performances lors de la prochaine élection qui, elle, portera sur des enjeux beaucoup plus importants! D’ailleurs, la récente défaite du Bloc pourrait bien profiter au PQ puisque nombre de députés d’expérience et de vieux routiers de la politique sont maintenant au chômage. Ils seront sans aucun doute d’une grande aide lors de la prochaine élection. Qui sait, certains pourraient même finir ministres! Rendez-vous, donc, lors de l’élection provinciale pour, cette fois, faire élire un gouvernement majoritaire qui sera dirigé par la première première ministre de l’histoire du Québec! Vive le Québec libre!

Featured 20f8e06f50e27d447a1334bd61ce9a39

Marc-André Pharand12 articles

  • 10 108

Étudiant en
Affaires publiques et Relations internationales à l'Université Laval,
Blogueur, Militant politique. Combat l'entêtement idéologique !

Québec





Laissez un commentaire



3 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    5 mai 2011

    On se rejoint en quelque sorte sur ce point... Mais une question s'impose: devrait-on interdire les sondages durant les campagnes électorales.. ou durant au moins les 30 derniers jours..? Et deuxièmement, un gouvernement aurait-il le "culot" de proposer une telle loi, sans penser qu'il se tire dans le pied..! Réflexion d'un prochain billet..???

  • Archives de Vigile Répondre

    5 mai 2011

    ... Et je crois que la stratégie imaginée visait de rétablir au fédéral la possibilité de gouvernance majoritaire.
    Les stratèges sont peut-être conservateurs mais pas nécessairement. Ils veulent que le pouvoir serve, les serve. Des fois, ce seront les Conservateurs, des fois, les Libéraux. Cette fois, les Conservateurs avaient plus de chance de gagner. C'est donc eux qu'on visait à aider.
    Il fallait donc SURTOUT que le Bloc québécois disparaisse pour quelques années en tout cas! Dans 4 ans, on pourra continuer à jouer comme auparavant. Des fois, on courtisera les Bleus, des fois les Rouges.
    On continue même de tirer sur le Bloc en titrant qu'il "refuse de disparaître". Vraiment, même à terre actuellement, on continue de l'humilier, de le culpabiliser.
    Quand c'est pas sur le dos de M. Duceppe, c'est sur celui de M. Larose. Je vous aime et vous remercie tous les deux de vous soucier sincèrement de nous, Québécois.

    Jean Charest, lui, dit que les indépendantistes ont le droit de l'être, de ne pas minimiser leur importance. C'est vrai. MAIS il peut dire cela pour se garder une opportunité d'apeurer les électeurs en temps opportun. Comme s'il avait besoin des séparatistes pour gagner.
    BonneFraise

  • Archives de Vigile Répondre

    5 mai 2011

    ..."même après la vague orange, on voit bien que peu importe la répartition des sièges québécois, Harper obtiendrait tout de même une majorité au Parlement."
    C'est vrai mais pas complètement, à mon avis.Il me semble que la vague au Québec a entraîné d'autres électeurs ailleurs. Le Québec a ouvert la porte.
    En effet, durant la campagne, il semble que des provinces s'intéressaient beaucoup au Québec. En constatant de plus en plus que les québécois tournaient à l'orange-très-très-orange, des ontariens libéraux par exemple ont pu modifier leur vote. Doutant qu'ils puissent empêcher une majorité Harper vu la popularité de Layton plus grande que celle d'Ignatieff, ils ont ainsi voté NPD. Le vote a été divisé et Harper s'est faufilé.
    La stratégie imaginée a fonctionné.
    BonneFraise