À la croisée des chemins

Comme dans les années 60, une nouvelle génération prend place dans le débat public. Une génération aux repères différents et beaucoup plus cosmopolites.

Tribune libre

Cela fait plusieurs mois déjà que cogite une idée fixe dans mon esprit. Cette idée, c’est que le Québec est à un point de rupture dans sa vie politique. Les institutions démocratiques dont on a hérité ne semblent plus répondre aux aspirations de la population, d’où le cynisme et la désillusion qui nous affligent. On sent en effet un ardent désir de nouveauté et de fraîcheur. La forte popularité de la CAQ de François Legault, ou la vague NPD en sont les manifestations les plus visibles. Ce désir est par contre beaucoup plus profond et touche tous les secteurs de la société québécoise.
Les institutions démocratiques
Comme le notait Bernard Drainville dans un excellent billet publié sur son site web, la population du Québec ne se sent plus représentée par leurs institutions. À la suite de nombreuses consultations, M. Drainville propose 10 solutions pour améliorer les institutions québécoises. À la lecture de ces propositions, on ne peut qu’être d’accord avec lui, certaines relevant même de la pure évidence. D’autres par contre, pourraient évidemment être sujettes à débat. Pour ma part, je doute de la proposition # 5 – établir un jury citoyen pour évaluer le travail des élus et, s’il le faut, en blâmer certains — de M. Drainville. Cette proposition aurait selon moi tendance à créer des atmosphères de téléréalités en chambre, les élus se comportant pour plaire au jury plutôt que se concentrer sur leur travail. En plus, outre ces quelques personnes triées sur le volet, les autres citoyens n’auraient pas un mot à dire sur les performances de leurs élus.
La solution réside selon moi dans l’instauration de mandat impératif, c’est-à-dire dans l’obligation pour l’élu de respecter scrupuleusement ces engagements électoraux. Du coup, exit les promesses électorales creuses – les « promesses de politiciens » — et qui restent trop souvent lettre morte. Il va sans dire que les promesses électorales vides sont une des récriminations qui revient le plus souvent lorsqu’on consulte les citoyens sur le comportement des élus. Avec des mandats impératifs, les élus seront peut-être plus frileux dans leurs engagements, mais au moins ils ne feront pas miroiter la lune aux électeurs pour finalement leur servir une vieille chaussette.
Évidemment, des mandats impératifs seuls sont inutiles. Il faut absolument d’autres mesures pour les rendre vraiment effectifs. À ce titre, l’idée des assemblées populaires obligatoires à chaque fin de session parlementaire élaborée par M. Drainville serait particulièrement utile. C’est à ce moment que les électeurs pourraient juger du travail de l’élu et du respect de ses engagements. Par contre, avec mandat impératif s’accompagne inévitablement une procédure de rappel (re-call) comme aux États-Unis. De cette façon, même élu, le parlementaire serait toujours redevable à ses électeurs qui peuvent le démettre de ses fonctions en cas d’incompétence grave ou de non-respect de ses engagements. Prudence toutefois, car la procédure de rappel ne doit pas être trop simple, car certains pourraient en abuser et elle ne doit pas être trop complexe, car les citoyens doivent pouvoir y recourir au besoin. Un seuil de signatures pourrait être fixé – disons 15 000 — pour obliger le DGE à déclencher une nouvelle élection dans la circonscription. L’élu subissant cette procédure pourrait évidemment se présenter à sa propre succession. Il va sans dire que lors de l’élection et des assemblées populaires consécutives, les électeurs peuvent et même doivent donner des mandats à leurs élus (position sur un dossier par exemple). Dans ce cas, il est primordial que la ligne de parti soit assouplie, puisque le non-respect d’un de ces mandats (s’ils avaient été acceptés par l’élu) permettrait la mise en place de la procédure de rappel.
La question nationale et la transition démographique
J’aborde ici un sujet délicat. Étant ouvertement souverainiste, je ne crois pas, comme François Legault, qu’il faille mettre le débat sur la glace pour régler les autres problèmes. Même s’il est vrai que la question nationale n’est pas une préoccupation de la population en général, on serait fou de la mettre de côté pour autant. Nous sommes très bien capables de marcher et de mâcher du chewing-gum en même temps!
Cependant, ici comme ailleurs, des changements doivent avoir lieu. En fait, le changement majeur qui doit s’opérer ici, c’est le discours. Comme a tenté de le faire Gilles Duceppe durant plusieurs années, il faut changer le discours anticanadien — qui perdure encore parmi certains ténors souverainistes — par un discours pro-Québec. L’indépendance ne doit pas se faire contre le Canada, mais pour le Québec. D’ailleurs, à la suite de l’indépendance, le Canada sera probablement, s’il le veut bien, le plus grand partenaire économique et politique du Québec. Inutile, donc, de torpiller nos partenaires de demain, leur rancœur n’en sera que plus dommageable à notre cause. Comme le disait Duceppe, le Canada est un beau pays, mais ce n’est pas le nôtre!
Ce changement dans le discours est d’autant plus nécessaire que le Québec vit, comme la plupart des sociétés occidentales, une transition démographique majeure. Or, les jeunes adultes d’aujourd’hui n’ont pas les mêmes repères identitaires que la génération précédente. Pour eux – je devrais dire nous, car je m’inclus là-dedans –, le Québécois n’a pas de couleur ou d’origine ethnique particulière. Un Québécois est un habitant du territoire du Québec qui partage la culture, les valeurs, la langue et qui épouse les traditions et l’histoire de la majorité de la société. Si, en plus, un habitant du Québec peut enrichir ce bagage identitaire communautaire de sa culture d’origine, c’est tant mieux, la société québécoise n’en sera que plus riche et plus diversifiée! Dans ce contexte, les vieilles rancœurs entre Anglo et Franco n’ont plus lieu d’être. La mondialisation a d’ailleurs très bien prouvé que des peuples fondamentalement différents peuvent en venir à partager certains repères et certaines valeurs. L’indépendance doit donc se faire pour protéger notre culture, bien sûr, mais surtout pour être maître de notre destin et avoir en main tous les outils de développement qu’une société mature doit posséder.
Cette transition démographique de la population québécoise amène par contre un autre problème. Les jeunes d’aujourd’hui – donc moins de 30 ans – n’ont pas connu les grandes batailles référendaires et n’ont pas pris part à la définition du projet souverainiste. Nous devons donc recommencer depuis le début la pédagogie de la souveraineté. Avant de nous battre et de nous déchirer sur des guéguerres de méthodes, de tactiques et de stratégies, nous devrions peut-être revenir à la base : pourquoi faire la souveraineté? Point n’est besoin de convaincre ceux qui le sont déjà. Nous devons cependant retourner dans la rue et repartir le mouvement de la base; sortir des nuages et revenir sur terre. Convaincre la jeunesse d’aujourd’hui du bien-fondé de notre combat et les convaincre de nous suivre dans ce combat. Parce qu’avant d’être des PQistes, des NMQistes, des RRQistes ou des Solidaires, nous sommes des souverainistes. Nous sommes des militants du progressisme, des amoureux de la culture québécoise et des militants de la liberté.
Conclusion
Le Québec est aujourd’hui à la croisée des chemins. Nos institutions datent d’un siècle passé et ne correspondent plus aux aspirations profondes de la société. Société qui est d’ailleurs en pleine transformation. Comme dans les années 60, une nouvelle génération prend place dans le débat public. Une génération aux repères différents et beaucoup plus cosmopolites. Le Québec doit donc s’adapter à cette transition, pour être la fierté de cette nouvelle génération comme il l’a été pour la précédente. Pour faire face aux nouveaux défis du XXIe siècle, nous devons donc réformer, innover et instaurer un système politique répondant aux aspirations et aux rêves de nos plus jeunes comme de nos plus vieux. Bref, nous devons aujourd’hui mettre en place une société à l’image de ce que nous sommes vraiment et de ce que nous voulons devenir. À la croisée des chemins, nous devons choisir une direction et faire les changements requis pour maintenir cette direction. Il en va de notre avenir.

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Marc-André Pharand12 articles

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Étudiant en
Affaires publiques et Relations internationales à l'Université Laval,
Blogueur, Militant politique. Combat l'entêtement idéologique !

Québec





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1 commentaire

  • Jean-François-le-Québécois Répondre

    25 août 2011

    «Le Québec est aujourd’hui à la croisée des chemins.».
    Je crois que nous en sommes plutôt parvenus au point, où nous sommes témoins du début de la fin. Les Québécois veulent du changement? Oh, ça oui, il y en aura... Mais pas pour le meilleur, en ce qui concerne la nation québécoise.