Crise boursière: un air de déjà-vu

Crise mondiale — crise financière


L'économiste John Kenneth Galbraith disait que plus les bulles spéculatives sont prononcées, plus l'éclatement de celles-ci aura un effet important sur la croissance économique.
Alors que l'économie américaine a carburé au crédit au cours des dernières années, nous voici à la difficile époque du remboursement des dettes. Bien que l'éclatement de cette bulle était attendu depuis quelque temps déjà, on peut penser que celui-ci ne sera pas sans effet réels sur croissance économique mondiale.
La réunion de la Federal Reserve Bank de dimanche dernier (une première en 30 ans!) a de quoi inquiéter les acteurs économiques de la planète. La crise des liquidités interbancaires aux États-Unis, dont la dernière victime a été la banque d'investissement Bear Stearns, elle-même précédée par la nationalisation de la banque Northern Rock au Royaume-Uni, laisse présager une année plutôt houleuse pour le système financier mondial. Ainsi, l'éclatement de la bulle immobilière américaine et ailleurs dans le monde, couplé à une sur-ingénérie de certains produits visant à maximiser les profits du secteur financier seront les principaux facteurs explicatifs du ralentissement de la croissance que nous verrons au cours des prochains mois.
Pour comprendre l'ampleur du ralentissement qui nous attend, on peut comparer, dans une certaine mesure, la présente crise à celle que le Japon a traversée au cours de la décennie des années 90, dont il peine encore à se remettre aujourd'hui. Au faîte de la bulle immobilière de la fin des années 80 au Japon, la valeur estimée des jardins du Palais impérial de Tokyo était plus élevée que celle du PIB total de la Californie...
Une telle enflure du marché immobilier ne pouvait qu'éclater, et, ce faisant, emporter tout le secteur financier dans la tourmente, lui qui avait basé plusieurs de ses prêts commerciaux sur des valeurs immobilières «sur papier» plutôt que réelles.
C'est ce qui a mené à la nationalisation du secteur bancaire japonais au cours des années 90, où le gouvernement s'était vu dans l'obligation de racheter les mauvaises créances des institutions financières afin de garantir la «liquidité» des marchés financiers interbancaires. Alors que le Japon avait une dette très faible à la fin des années 80 exprimée en pourcentage du PIB, celle-ci a plus que triplé au cours des 20 dernières années à la suite de la nationalisation de certaines banques. À 183% du PIB, en 2007, le ratio dette/PIB est aujourd'hui le plus élevé de tous les pays de l'OCDE! C'est ce qui explique la «décennie perdue» (1990-2000), faisant référence à une période où le niveau réel de croissance économique du Japon a été près de 0% année après année.
Rappel de 1929
Plusieurs économistes comparent aussi cette crise à celle de 1929, soit une époque où la non-liquidité des marchés financiers a précipité les faillites de plusieurs institutions financières aux États-Unis. Alors que la confiance des investisseurs s'était effondrée un certain jeudi du mois d'octobre, plusieurs banques se sont retrouvées incapables de liquider leurs investissements afin de rencontrer leurs propres obligations financières. Il s'en est suivi un série de faillites bancaires, avec pour résultat de mettre un frein sur la croissance économique jusqu'à l'apparition du New Deal de Roosevelt en 1933.
On peut se demander dans quelle mesure la réduction des taux d'intérêt et les mesures fiscales récemment annoncées par l'administration américaine auront des effets réels sur la croissance économique américaine. Alors que les consommateurs américains voudront avant toute chose rembourser leurs emprunts liés aux produits de consommation, il n'est pas certain que les banques, elles-mêmes aux prises avec des problèmes de liquidités et de refinancement, abaissent leurs taux d'intérêt.
La crise japonaise des années 90 et la crise américaine actuelle ont cela d'intéressant que dans les deux cas, les institutions publiques et les banques centrales ont dû opérer un sauvetage financier qui a en fait «socialisé» les pertes des institutions financières, tout cela afin d'éviter l'effondrement du système financier en entier. En bout ligne, ce sont les citoyens qui ont donc payé la facture des excès du secteur financier, dont les systèmes de gestion des risques devaient pourtant éviter de tels scénarios «catastrophes».
Transparence
L'histoire nous montre que chaque crise économique fournit son lot de leçons aux décideurs économiques et politiques. À la suite à la dépression de 1929, l'économiste Milton Friedman a montré l'importance d'injecter des liquidités dans le système financier en temps de crise. C'est cette leçon qui a été récemment appliquée par la Federal Reserve Bank, et qui sera sans doute imitée par d'autres banques centrales lorsque la fragilité du système financier au niveau international sera pleinement exposée. Cette crise aura donc eu ceci de positif qu'elle exigera une plus grande transparence de la part des institutions financières quant à leur exposition et à la gestion du risque. D'ici à ce que ce ménage soit fait, il sera loisible de reporter nos décisions d'emprunt et d'investissement.
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François Boutin-Dufresne

L'auteur est économiste. Il a publié plusieurs articles sur la finance, le développement et le commerce international.

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