Couillard-Bernier: faites le 911!

"L'affaire Maxime Bernier"



Déterminés, apparemment, à prouver qu'ils ont raison quand ils affirment que le comité parlementaire de la Sécurité publique tournera au cirque partisan en se penchant sur l'affaire Couillard-Bernier, les conservateurs entendent maintenant convoquer le coiffeur de Julie Couillard.
Il faut reconnaître le mérite des députés du comité, qui tenaient hier leur première séance: l'exercice n'a pas tourné au cirque, au contraire, chacun a bien joué son rôle. Il faut dire qu'il aurait été inconvenant de "brasser" Michel Juneau-Katsuya, un expert indépendant en sécurité et en renseignement, et deux officiers de la GRC. Ceux-ci ont dit ce dont on se doutait (et tout ce que ce comité voulait savoir): la police connaissait Mme Couillard et, donc, ses liens, avec le crime organisé. Déduction, même si la GRC ne le dit pas clairement: il y a eu enquête sur la dame, et vraisemblablement un suivi fait auprès du Conseil privé, le ministère du premier ministre.
Qu'est-il arrivé après? Quelqu'un quelque part au gouvernement a-t-il dormi sur l'information? A-t-on jugé, en haut lieu au gouvernement, qu'il n'y avait pas matière à agir? Que c'était, comme le répète Stephen Harper depuis des mois, une relation privée entre un de ses ministres et sa blonde? Ou alors, le bureau du premier ministre, sentant la soupe chaude, est-il intervenu dans la "relation privée" entre M. Bernier et ladite blonde?
Si la réponse à l'une ou l'autre de ces questions est oui, alors le gouvernement Harper a sérieusement manqué de sérieux, de transparence et de précaution. Or, ce que l'on a entendu hier (en termes codés, certes) de la part de la GRC porte à croire que c'est le cas.
Le comité aura été utile en ce sens, mais on peut sérieusement se poser des questions sur la pertinence de continuer ces travaux avec un seul témoin, Julie Couillard, et peut-être son coiffeur.
Avec ce qu'ils ont entendu hier et ce qu'ils peuvent lire aujourd'hui dans La Presse sur les ramifications du Couillardgate, les députés n'ont plus qu'une chose à faire: appeler le 911!
Sexe, politique, pouvoir, argent, manigances, démissions, l'affaire est croustillante et on comprend aisément que les partis de l'opposition veuillent embarrasser le gouvernement. Cela dit, cette affaire ne s'éclairera pas dans le fouillis et l'improvisation des Communes en fin de session, mais bien avec une enquête de la police. Si ça se trouve, le comité des Communes risquerait plutôt de saboter une enquête ou de la retarder.
De toute évidence, l'affaire Couillard-Bernier est beaucoup plus qu'une triste histoire d'amour qui a mal tourné. Plus, aussi, qu'un simple cafouillage politique. Cette histoire a toute les allures d'un stratagème soigneusement préparé, visant à pénétrer dans les cercles du pouvoir. On a présenté Julie Couillard comme la Mata Hari du 450 ou encore comme une taupe, mais le terme pieuvre serait plus approprié.
D'un autre côté, on pourrait aussi comprendre les députés de vouloir poser des questions, parce que, à l'évidence, le bilan de la GRC dans les affaires politiques n'est pas très reluisant (et pas à cause des enquêteurs eux-mêmes). Au point où on en est, ce n'est pas dans une salle solennelle d'un comité des Communes qu'il faut convoquer les principaux acteurs de cette histoire, mais dans une petite pièce sombre et dénudée avec trois chaises, une table, un micro et une fenêtre-miroir au mur. Une chaise pour le "témoin", les deux autres pour les enquêteurs.
Avec toutes les informations accumulées ces dernières semaines à propos de Julie Couillard, imaginez un peu le freak show si celle-ci débarque, tel que prévu, aux Communes la semaine prochaine.
En entrevue chez René Homier-Roy, hier matin, l'avocat de Mme Couillard, Jean-Claude Hébert, a indiqué que sa cliente était nerveuse à l'idée de se retrouver devant ce comité, et plus encore devant la meute impitoyable des médias de la colline. Elle a bien raison.
Dans le confort d'une entrevue-confidence, chez elle, Julie Couillard pouvait dire à Paul Larocque qu'on lui a conseillé de ne pas répondre à telle ou telle question. L'exercice sera plus douloureux devant six ou huit députés, puis, devant 22 journalistes.
Divertissant en cette fin de session plutôt vide de contenu, cet exercice serait néanmoins inutile. Mme Couillard semble assez habile, elle ne va tout de même pas s'incriminer de quoi que ce soit en direct à la télévision. Tout ce que l'on sait maintenant milite fortement pour qu'on laisse à des professionnels le soin de continuer l'enquête. Et que les politiciens s'occupent de politique. Qu'ils convoquent de nouveau Stephen Harper, Maxime Bernier et Stockwell Day et même Michael Fortier, question de remettre la pression pour les quelques jours de session qu'il reste.
Ils vivront avec leur décision de ne pas y témoigner.
Pour joindre notre chroniqueur vincent.marissal@lapresse.ca


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