Côte-Nord du Québec : la démocratie directe gagne du terrain

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«Par-delà les habituels clivages gauche/droite, les « sans-dents » du Québec viennent de catapulter un des leurs dans le grand cirque de notre démocratie faussement représentative»

Plusieurs s’entendent pour dire que 2016 fut l’année du populisme. Le Québec n’échappe pas à ce changement de paradigme, dans un contexte où les grands partis n’arrivent plus à fédérer une majorité d’électeurs qui se sentent trahis par le « système ».


La vague populiste vient de frapper la Côte-Nord du Québec, une région où le marché du travail est saisonnier et qui souffre particulièrement de la fermeture de plusieurs sites miniers qui représentaient une planche de salut pour ses habitants. Comble de l’aberration : plusieurs entreprises étrangères importent leur propre main-d’œuvre et repartent après avoir spolié la région de ses matières premières.


Il y a, manifestement, péril en la demeure puisque l’on assiste, depuis 2015, à une recrudescence du taux de suicides dans une région qui était promise à un véritable boom industriel. C’est dans un tel contexte qu’émerge un courant politique qui propose de remplacer les acteurs politiques locaux par des citoyens mandatés pour brasser la cage des parlementaires à Québec.


Bernard « Rambo » Gauthier, un représentant syndical issu du milieu de la construction, vient de confirmer qu’il se lance dans l’arène en prenant les commandes d’une formation qui ne compte pas de professionnels de la politique dans ses rangs. Ambitionnant de représenter les « sans-parti », les meneurs de cette nébuleuse affirment vouloir instaurer une forme de démocratie directe qui permettrait de court-circuiter les relais habituels d’un système politique qui se désintéresse des régions.


Spontanément, on pense à cette révolte des Bonnets rouges qui traduisait si bien le désespoir des travailleurs et des petits entrepreneurs bretons… dans un contexte où Paris ne représente rien de plus qu’une simple courroie de transmission au service des commissaires de Bruxelles.


La population autochtone, totalement laissée pour compte, n’a plus un mot à dire puisque la mise en œuvre des grands projets industriels est tributaire de décisions qui se prennent à l’international. Gauthier parle cru, à la manière d’un Beppe Grillo, et ne ménage pas la clique des politiciens locaux qu’il ambitionne de remplacer dès les prochaines élections prévues pour 2018.

Les grands médias n’aiment pas cet énergumène qui a déjà eu des démêlés avec la justice en raison de ses pratiques musclées de la négociation syndicale. N’y allant pas par quatre chemins, il ne se gêne pas pour critiquer l’hypocrisie des politiciens professionnels et ne cache pas son irritation face à une immigration qui ressemble, de plus en plus, à un impitoyable rouleau compresseur.


Grand amateur d’invectives colorées, notre Beppe Grillo de la Côte-Nord pourrait finir par fédérer une masse critique de citoyens laissés pour compte dans d’autres régions éloignées du Québec. Tout ce mouvement de troupes augure un important changement de cap à une époque où près d’un Québécois sur trois ne se déplace même plus pour aller voter. Si nous sommes loin d’un phénomène comparable au Mouvement 5 étoiles de Grillo, il semblerait que les mœurs politiques québécoises subissent une onde de choc d’une magnitude jamais vue de mémoire d’homme. Par-delà les habituels clivages gauche/droite, les « sans-dents » du Québec viennent de catapulter un des leurs dans le grand cirque de notre démocratie faussement représentative.


Toujours est-il que plusieurs observateurs craignent une division du vote, dans un contexte où les deux principaux partis d’opposition – le Parti québécois et la Coalition Avenir Québec – ne parviennent plus à constituer une masse critique susceptible de renverser les oligarques au pouvoir. Il s’agit d’une analyse à courte vue qui ne tient nullement compte de la masse des abstentionnistes qui, dans un brusque réveil, pourrait fournir des munitions inespérées aux mutins de la Côte-Nord. Bernard Gauthier et son équipe pourraient finir par détenir la balance du pouvoir. Le sort en est jeté !

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Patrice-Hans Perrier181 articles

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Patrice-Hans Perrier est un journaliste indépendant qui s’est penché sur les Affaires municipales et le développement urbain durant une bonne quinzaine d’années. De fil en aiguille, il a acquis une maîtrise fine de l’analyse critique et un style littéraire qui se bonifie avec le temps. Disciple des penseurs de la lucidité – à l’instar des Guy Debord ou Hannah Arendt – Perrier se passionne pour l’éthique et tout ce qui concerne la culture étudiée de manière non-réductionniste. Dénonçant le marxisme culturel et ses avatars, Patrice-Hans Perrier s’attaque à produire une critique qui ambitionne de stimuler la pensée critique de ses lecteurs. Passant du journalisme à l’analyse critique, l’auteur québécois fourbit ses armes avant de passer au genre littéraire. De nouvelles avenues s’ouvriront bientôt et, d’ici là, vous pouvez le retrouver sur son propre site : patricehansperrier.wordpress.com





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