par Alan Wheatley LONDRES (Reuters) - Longtemps impensable, l'hypothèse d'une sortie de la Grèce de la zone euro n'est plus taboue mais les conséquences d'une mise en échec de l'Union économique et monétaire semblent incalculables pour les économistes.
La capacité de résistance des Grecs aux plans d'austérité successifs reste la grande inconnue de la situation chaotique dans laquelle se trouve plongée la zone euro.
L'Allemagne, premier bailleur de fonds de l'UE, pourrait pour sa part perdre patience face à l'incapacité des économies vacillantes de la zone euro à se redresser malgré l'aide de la Banque centrale européenne (BCE).
Au sein même de la BCE, qui continue d'acheter massivement des obligations souveraines des pays en difficulté pour tenter d'endiguer la propagation de la crise, la mise sous perfusion de plusieurs économies est loin de faire l'unanimité.
Selon Domenico Lombardi du centre de réflexion Brookings Institution basé à Washington, les économies de la zone euro sont tellement emboîtées les unes aux autres que la sortie d'un seul des 17 membres ouvrirait la boîte de Pandore.
L'Italie, plombée par un endettement très élevé et une croissance atone depuis des années, pourrait être la première à en faire les frais. La troisième économie de la zone euro est sous surveillance étroite des investisseurs depuis des mois, certains voyant même le pays comme la prochaine victime de la crise de la dette.
En cas de sortie de la Grèce de la zone euro, l'attention des investisseurs se reporterait quasi automatiquement sur l'Italie dont l'effondrement de l'économie pourrait avoir de lourdes répercussions sur les banques françaises très exposées aux obligations souveraines italiennes.
"Il serait pratiquement impossible de fixer une limite. Il est possible d'élaborer un plan ordonné de sortie de crise dans des circonstances normales mais nous sommes allés beaucoup trop loin pour que cela fonctionne", estime Lombardi, ancien directeur exécutif du Fonds monétaire international (FMI).
L'ITALIE PROCHAINE VICTIME?
Signe des inquiétudes suscitées outre-Atlantique par les risques de faillite de la Grèce, le secrétaire américain au Trésor, Timothy Geithner, est attendu cette semaine en Pologne pour y rencontrer les ministres des Finances de la zone euro sans précédent.
Le président américain Barack Obama a estimé mardi que si la Grèce était la première source d'inquiétudes, de nouvelles attaques des marchés contre l'Espagne et l'Italie créeraient un problème plus grand encore.
"Il est difficile de coordonner et de se mettre d'accord sur une méthode commune avec autant de pays, autant de politiques et autant de situations économiques différentes," a-t-il dit selon le site internet du quotidien espagnol El Mundo.
Les membres de la zone euro pourraient connaître une situation plus grave encore que lors de la faillite de la banque d'investissement Lehman Brothers en 2008 qui avait conduit le système financier mondial au bord du précipice et fait plonger l'économie mondiale en récession.
"Le sentiment de peur et de panique que cela provoquerait n'est pas mesurable", prévient Nicholas Spiro, directeur de Spiro Sovereign Strategy, à Londres. "La question est de savoir si ce qui se passe en Grèce est vu comme un scénario qui pourrait se reproduire ailleurs. Cela serait désastreux pour l'Italie."
Une sortie d'Athènes de la zone euro pourrait toutefois avoir des conséquences positives pour le taux de change de la monnaie unique, note William Buiter, chef économiste de Citi.
"Nous craignons cependant que ce soit un désastre financier et économique non seulement pour la Grèce mais également pour les 16 états membres de la zone euro restants" et que cela entraîne de graves répercussions économiques et politiques pour l'ensemble de l'Union européenne et plus largement pour l'économie mondiale", indique-t-il dans un rapport publié mardi.
POSITIF POUR LA CHINE
Dans une note à ses clients, Seamus Mac Gorain de J.P Morgan Securities à Londres, estime que le dollar serait la monnaie qui bénéficierait le plus de cet "événement sismique".
"Premièrement, une haute volatilité va inciter les investisseurs à racheter des devises de financement. Deuxièmement, l'effondrement de l'euro porterait un coup à la volonté de l'euro de s'imposer en tant que monnaie de réserve face au dollar", écrit-il.
Le dollar pourrait en effet s'imposer comme la monnaie idéale aux yeux des importateurs et exportateurs, qui anticipant l'effondrement de l'euro, seraient tentés de trouver une autre devise, ajoute-t-il.
Le morcellement de la zone euro pourrait également profiter à la Chine qui tente de faire du yuan une monnaie d'échanges internationaux.
Pékin avait commencé à poser ses premiers jalons dans ce sens après la faillite de Lehman Brothers. Près de 7% du commerce chinois est libellé en yuan ou renminbi, et ce pourcentage pourrait encore augmenter en cas d'effondrement de la zone euro.
"Stratégiquement, cela devrait permettre une mondialisation du yuan", dit Ding Yifan, directeur adjoint du Development Research Centre, centre de réflexion de Pékin.
La situation de la zone euro, assortie d'une croissance atone, pourrait également encourager les entreprises asiatiques à investir davantage en Asie et dans d'autres marchés émergents.
Marine Pennetier pour le service français
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