L’ingénieur Lalonde a soudoyé nombre de politiciens, à Montréal et ailleurs

Commission Charbonneau - Un monde municipal contaminé

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«Le conseiller politique de Benoit Labonté, Michel Petit, lui a demandé 25 000 $, en échange d’un entretien privé avec M. Labonté.»

La politique municipale tout entière est gangrenée par l’équation malsaine entre l’octroi des contrats et le financement illégal des partis. En plus de verser une ristourne de 3 % à Union Montréal, l’ingénieur Michel Lalonde a soudoyé une ribambelle de politiciens locaux dans la métropole et sur la couronne nord.
Le coordonnateur de la collusion pour les firmes de génie a poussé à l’extrême le concept du développement des affaires, en multipliant les petites et grosses attentions pour la classe politique. Il a éclaboussé lundi à la commission Charbonneau trois élus d’Union Montréal, Cosmo Maciocia, Gilles Deguire et Michel Bissonnet, l’ancien numéro deux de Vision Montréal Benoit Labonté, et son conseiller politique, Michel Petit, et les élus de plusieurs arrondissements et villes de la couronne nord.
Le p.-d.g. de Genius ne se contentait pas du versement d’un « pizzo » à Union Montréal. Il contribuait aussi directement aux campagnes des candidats à la mairie dans certains arrondissements, toujours en lien avec le collecteur de fonds du parti, Bernard Trépanier.
M. Lalonde a remis 60 000 $ en plusieurs versements à Cosmo Maciocia pour sa campagne de 2005 à la mairie de Rivière-des-Prairies - Pointe-aux-Trembles. L’ancien ministre libéral a définitivement quitté la vie politique en 2009, après un mandat à titre de maire d’arrondissement. Une autre firme de génie, Dessau, aurait aussi versé 60 000 $ à M. Maciocia pour cette élection qui s’annonçait serrée.
M. Lalonde a aussi versé des dons illégaux à deux maires d’arrondissement encore actifs au sein d’Union Montréal. Il a donné 2000 $ à Michel Bissonnet (un autre ancien libéral) qui est toujours maire de Saint-Léonard et membre du comité exécutif, pour sa campagne de 2008 à Saint-Léonard. À l’invitation de Bernard Trépanier et de Donato Tomassi (le père de Tony Tomassi, l’ex-député libéral accusé de fraude), M. Lalonde a aussi donné 2000 $ au maire de Montréal-Nord, Gilles Deguire, un ancien policier.
25 000 $ pour un entretien privé
Dans un système de collusion, les politiciens sont interchangeables. Pour pallier une hypothétique défaite d’Union Montréal lors du scrutin 2009, Michel Lalonde s’est rapproché de Vision Montréal. Le conseiller politique de Benoit Labonté, Michel Petit, lui a demandé 25 000 $, en échange d’un entretien privé avec M. Labonté. M. Petit lui a fait comprendre que les entrepreneurs allaient aussi donner un coup de main au parti, sous la supervision de « Monsieur trottoir », Nicolo Milioto, décrit contre l’intermédiaire entre les firmes de construction et la mafia.
Genius a aussi brassé des affaires à Saint-Eustache, Boisbriand, Bois-des-Filion, Mirabel, Lorraine, Charlemagne, Mascouche, Sainte-Julienne. Presque partout où il passait, Michel Lalonde allait au-devant des politiciens pour les aider à remporter leurs élections. À Boisbriand, il a financé l’ex-mairesse Sylvie Saint-Jean (aujourd’hui accusée de fraude) à partir de 1997. Les contrats ne venant pas à lui, il a mis ses billes dans l’opposition, et il a donné de 15 000 à 20 000 $ à Patrick Thiffault, l’organisateur de Marlène Cordato, pour faciliter son élection en 2009.
À Mirabel, il passait par l’homme de confiance du maire, Lorne Bernard, à qui il a remis de 8000 $ à 12 000 $. Après le décès de M. Bernard, c’est Hubert Meilleur lui-même qui a accepté 10 000 $ en liquide de Michel Lalonde.
À Mascouche, l’entrepreneur Normand Trudel lui a pris 5000 $ pour la campagne de l’ex-maire Claude Marcotte, et ainsi de suite. M. Lalonde a aussi financé les maires de Lorraine, Ramez Ayoub (5000 $), le candidat à la mairie de L’Assomption Jacques Raynault (5000 $) et la mairesse élue Louise Francoeur (10 000 $), le maire de Charlemagne, Normand Grenier (5000 $), le maire de Sainte-Julienne, Marcel Jetté (8000 $).
L’ingénieur ne semble éprouver aucun remords. Il est persuadé qu’il n’avait « pas le choix » de contribuer aux caisses occultes des partis, faute de quoi il n’aurait pas obtenu de contrats publics.

Le cas Abdallah
En matinée, M. Lalonde a corroboré en partie le témoignage de Lino Zambito sur le rôle joué par Robert Abdallah dans l’achat de tuyaux de bétons de Tremca pour la construction d’un égout collecteur dans la rue Sherbrooke Est.
L’ex-patron d’Infrabec a affirmé qu’il avait été forcé d’utiliser les tuyaux de Tremca, même s’ils étaient plus chers, parce qu’une ristourne de 300 000 $ avait été promise à M. Abdallah, l’ancien directeur général de la Ville.
M. Lalonde a confirmé qu’il avait rencontré un représentant de Tremca avec M. Zambito en 2005. Ce représentant lui aurait dit : « Il faut que je parle à M. Abdallah et il faut qu’on s’occupe de lui. » M. Lalonde n’a pas été témoin du versement d’une ristourne à Robert Abdallah. Après avoir discuté avec les gens de Tremca, il était clair dans son esprit que « le dossier était à la direction générale ». Il avait l’impression que la soumission de Genius serait retenue par la Ville à la condition qu’Infrabec installe des tuyaux Tremca, ce qui a été fait. Robert Abdallah a été présenté à Michel Lalonde par nul autre que Tony Accurso, l’entrepreneur accusé de fraude. MM. Abdallah et Accurso sont des amis de longue date. Selon Michel Lalonde, Robert Abdallah lui aurait dit lors de leur première prise de contact : « Si jamais il y a quelque chose, je suis à la Ville, comme directeur général, tu m’appelles et il n’y a pas de problèmes. »
M. Lalonde a épuisé ses souvenirs du monde municipal. Mardi, il doit aborder l’octroi des contrats au ministère des Transports du Québec. S’il en sait autant à ce sujet, la classe politique provinciale risque d’avoir des sueurs froides.


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