Cécile Chevré - La Chine volerait-elle au secours de l'Italie ? C'est en tout cas l'information du Financial Times. Selon le journal britannique, le gouvernement italien aurait demandé son aide à la Chine. Une aide qui pourrait prendre la forme d'un achat massif par le fonds souverain chinois d'obligations italiennes ainsi que d'investissements dans des entreprises de la Botte.
Une information qui a été rapidement démentie par le gouvernement italien mais qui a réjoui les marchés qui sont repartis dans le vert. Enfin, Antonio Gentile, secrétaire d'Etat italien à l'Economie, a démenti un appel à l'aide à la Chine... mais pas une intervention massive de Pékin et des hedge funds chinois sur le marché obligataire italien.
J'aime beaucoup les histoires d'amour. Tout particulièrement celles qui sont compliquées. Les revirements, les trahisons, les réconciliations. J'observe donc avec beaucoup d'attention les déchirements du couple Etats-Unis / Chine.
Ils nous jouent la scène des amants terribles.
Pendant longtemps, ils avaient trop besoin l'un de l'autre – un véritable couple fusionnel si je décide de filer un peu plus la métaphore – pour oser laisser s'exprimer leurs dissensions. Les Etats-Unis avaient besoin que les Chinois achètent leurs dettes et leur dollar. Les Chinois avaient besoin que les Américains achètent leurs lecteurs de DVD, leurs chaussures de sports... Tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes. L'un pouvait tranquillement s'enrichir, et l'autre pouvait tranquillement dépenser.
Mais la crise de 2008 a tout changé. Les rapports ont été bouleversés. Les Américains ont beaucoup moins acheté, la Chine en a sérieusement pâti et a commencé à se poser des questions sur la valeur réelle de tous ces dollars qu'elle détenait.
Depuis, rien ne va plus entre eux. Les Etats-Unis accusent Pékin de maintenir un yuan sous-évalué pour favoriser leurs exportations. La Chine accuse Washington de ne pas bien gérer son budget, de s'essayer au protectionnisme et de détruire son dollar.
Dernier rebondissement en date : la Chine semble bien décidée à rendre jalouse les Etats-Unis en entretenant des relations extraconjugales avec l'Europe.
Infidélité au billet vert ?
Le flirt sino-européen ne date pas d'hier. La Chine est tout sauf complètement aveuglée par les bons du Trésor. Pékin multiplie ces dernières années ses efforts pour diversifier ses réserves de changes. Au programme, évidemment, de l'achat d'or mais aussi d'euros. La monnaie unique est ainsi devenue la deuxième monnaie de réserve mondiale.
Les promesses d'aide de la Chine sont évidemment intéressées. L'empire du Milieu a tout intérêt à voir se maintenir un euro fort. En particulier face au dollar et au yuan.
En effet, l'Europe est le principal partenaire commercial de la Chine. Les exportations chinoises vers le Vieux continent ont représenté 291 000 milliards d'euros en 2010 – soit une hausse de près de 19% par rapport à 2009. La consommation européenne – dans l'ensemble moins sinistrée que la consommation américaine – est indispensable à la croissance chinoise.
Mais un yuan trop fort face à l'euro risquerait de gripper cette belle mécanique. L'euro doit donc rester fort face au dollar et au yuan (qui lui est arrimé).
Engagement sincère ?
La Chine a régulièrement assuré les Européens de son soutien. Dès qu'un nouveau domino menaçait de tomber, Pékin se déclarait prêt à acheter des obligations de ce pays.
Mais qu'en est-il dans les faits ? D'après ce que nous savons si la Chine est réellement intervenue depuis le début de l'année pour acheter des obligations espagnoles et a participé au renflouage de l'Irlande, nous n'avons aucune preuve qu'elle ait acheté des obligations grecques ou portugaises – ce qu'elle avait pourtant promis.
Par contre, Pékin a clairement avancé ses pions économiques en Europe. L'empire du Milieu a racheté une partie du port du Pirée, s'est proposée pour acquérir les entrepôts du Havre et s'est fermement installée en Hongrie.
La mariée a la petite vérole
Même si la Chine a réellement l'intention d'aider l'Italie, rien ne dit que cette aide sera suffisante pour être sauvée. L'expérience passée nous prouve que les promesses d'aide de la Chine – au Portugal ou à la Grèce par exemple – n'ont pas suffit pour durablement calmer les marchés.
Si l'Italie est too big to fail (trop grosse pour faire faillite), elle est aussi too big to bail (trop grosse pour être sauvée).
Les rendements obligataires s'envolent. La Péninsule vient d'émettre pour 11,5 milliards d'euros d'obligations. L'émission s'est bien passée, les investisseurs étaient présents, mais elle risque cependant de coûter cher à l'Italie. En effet, les rendements ont atteint 4,153% alors qu'un mois plus tôt ils n'étaient que de 2,952%.
Le problème majeur de l'Italie, c'est qu'elle ne doit en aucun cas faire faillite, mais que, alors que celle de la Grèce paraît inévitable, que les rendements s'envolent et que la zone euro semble voler en éclats, la probabilité d'un défaut italien se fait chaque jour plus importante.
Soyons clair : les Européens – aidés des Chinois, du FMI, etc. – n'ont pas réussi à sauver la Grèce. Comment parviendront-ils à stopper l'hémorragie espagnole, portugaise ou italienne ? Ce n'est pas quelques milliards d'achats d'obligations par l'empire du Milieu qui pourra y changer quelque chose.
D'autant plus que la Chine a ses propres problèmes.
Le marié a ses propres problèmes
Nous vous en parlions il y a quelques jours dans la Quotidienne : certes, la Chine dispose de liquidités mais elle est aussi confrontée à de sérieux problèmes économiques.
Les dernières données économiques laissent penser à un ralentissement de la croissance chinoise. Diana Choyleva, économiste de Lombard Street Research, tempère les derniers bons chiffres mensuels chinois. En effet, en août les exportations ont flambé de 24,5% sur un an, et les importations de 30,2%.
Mais quand on s'intéresse aux chiffres révisés des variations saisonnières, le panorama est moins réjouissant. Les importations n'ont augmenté que de 0,5% depuis le début du troisième trimestre et les exportations de seulement 0,8%.
Quant à la production d'électricité – souvent utilisée comme indicateur fiable de la croissance chinoise –, elle n'a augmenté que de 0,2% depuis le début du trimestre.
Cause du fléchissement ? Selon Diana Choyleva, la politique de resserrement des taux pratiqués par la Banque populaire de Chine pénalise lourdement la consommation interne.
Qu'en conclure ?
Que la Chine ne pourra pas sauver l'Europe à elle toute seule. Pour le moment, elle agit pour éviter un effondrement de l'euro et ainsi éviter de pénaliser ses exportations mais elle ne pourra pas enrayer la contagion.
Elle va cependant sûrement profiter des difficultés dans la zone pour acheter des infrastructures – portuaires essentiellement.
Les transports et les infrastructures sont un des secteurs clé de développement des émergents... mais pas n'importe lesquels.
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