Le mégalo-virus de la division à l’œuvre

Chez les Libéraux, comme si vous y étiez

Le risque de contagion par association et l'odeur nauséabonde de la putréfaction vont faire fuir alliés, amis et électeurs

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Même avec le nez bouché, ce n'est plus tenable !

Depuis son élection en avril 2014, le gouvernement Couillard tente sans succès de se démarquer du gouvernement Charest dont l’héritage, particulièrement lourd au chapitre des scandales, menace à tout moment de l’entraîner par le fond.

Alors qu’il croyait, avec la dissidence du commissaire Lachance sur les conclusions du rapport de la Commission Charbonneau, être parvenu à se tirer d’affaire, l’arrestation spectaculaire de deux anciens ministres Libéraux, Nathalie Normandeau et Marc-Yvan Côté, et de quelques acteurs secondaires il y a deux semaines sur plusieurs chefs d’accusation allant du complot pour commettre un acte criminel à la fraude, la corruption, le trafic d’influence et l’abus de confiance, et les révélations hier soir à l’émission Enquête de Radio-Canada des démarches inappropriées effectuées par le ministre Sam Hamad à la demande de Marc-Yvan Côté, son ancien collègue à la firme d’ingénierie Roche, pour obtenir des subventions en faveur de Premier Tech, une entreprise importante de Rivière-du-Loup, le plongent en pleine crise et menacent même sa survie.

Malheureusement pour lui, le gouvernement Couillard traîne les nombreuses et sulfureuses casseroles du gouvernement Charest. Non seulement le premier ministre actuel en est-il lui-même un ancien membre et impliqué entre autres dans le méga-scandale du CUSM en raison de ses relations troubles avec le très énigmatique Dr Arthur Porter, mais c’est également le cas d’une douzaine de ses ministres dont plusieurs n’ont pas la conscience tranquille, à condition bien sûr qu’ils en aient une.

On imagine dès lors l’état dans lequel ces derniers peuvent se trouver, sachant que l’UPAC a une bonne cinquantaine d’enquêtes en cours et qu’elle peut à tout moment sonner à leur porte au petit matin pour les interroger ou exécuter un mandat de perquisition ou d’arrestation. Le stress normal de toute personne se trouvant dans une telle situation se trouve décuplé par la perspective de la couverture médiatique qui s’ensuivra et les répercussions qu’elle aura sur son conjoint, ses enfants, ses parents, et ses amis et relations.

Il faut aussi se mettre à la place de ceux qui n’ont rien à se reprocher, ministres et députés de la cuvée 2014, qui découvrent avec consternation que leur réputation va se retrouver entachée du seul fait de leur association avec des ripoux (pourris en verlan, variété d’argot parisien). François Legault ne vient-il pas justement de qualifier le PLQ de « parti de pourris » ? Difficile, de répondre aux questions des proches après un pavé pareil. Imaginez tout le potentiel de soupçons, spéculations, vexations, humiliations, divisions et abandons que peuvent déclencher de tels propos dans l’entourage personnel d’un élu visé.

Dans des circonstances normales, ce sont des paroles que Legault aurait été obligé de retirer. Que cela n’ait pas été le cas constitue un signe de faiblesse et de vulnérabilité comme le PLQ n’en a jamais démontré.

Mais pire que celle d’être un parti de pourris, l’accusation qui fait le plus peur aux Libéraux est celle d'être en possession d’argent sale.

Avez-vous remarqué la rapidité avec laquelle les Libéraux ont tenté de situer cette problématique dans le cadre des règles sur le financement des partis politiques ? Non seulement la violation de ces règles expose-t-elle tout contrevenant à des sanctions plutôt bénignes, mais la prescription est-elle acquise après cinq ans, ce qui a pour effet de limiter considérablement la responsabilité.

Or il est loin d’être certain que la seule loi violée dans l’affaire du financement illégal des partis politiques ait été la loi québécoise. En effet, comme je le soulignais déjà dès le 6 mai 2014 dans une chronique sur Vigile, tant le PLC que le PLQ ont compromis l’intégrité de nos régimes fiscaux fédéral et provincial en facilitant l’utilisation de prête-noms pour maintenir les contributions dans les limites permises par les lois électorales :

[…] environ 30 % du total des sommes reçues par le PLQ dans le cadre du financement sectoriel au cours des dernières années auraient été recueillies en utilisant des prête-noms. Le PLC aurait lui aussi employé le même stratagème. Dans son témoignage devant la Commission Charbonneau, Lino Zambito a également évoqué le recours massif aux prête-noms et la difficulté de disposer de grosses sommes en espèces.

Dans le cas du PLQ seulement, cette méthode de financement lui aurait rapporté quelques dizaines de millions de dollars. Ce n’est pas rien ! D’autant plus que se pose au sujet de ces fonds la question de leur provenance et la possibilité que le PLQ se soit retrouvé malencontreusement à faire du recyclage d’argent sale.

Se pose également la question des reçus émis aux prête-noms et de leur utilisation pour réclamer des déductions d’impôt. Les reçus sont des faux, ce qui engage la responsabilité de l’organisation et des personnes qui les émettent. Les personnes qui s’en servent pour réclamer une déduction utilisent un document qu’ils savent faux et elles font en plus une fausse déclaration. On ne parle plus ici uniquement d’infractions à la Loi électorale, mais d’infractions à la Loi de l’impôt et au Code criminel.

À partir de quel moment nous retrouvons-nous devant un complot pour miner l’intégrité de notre système fiscal ? Que faut-il penser d’un parti politique appelé à former le gouvernement qui participe à un tel complot ? S’il existe des sanctions pour les personnes physiques et les personnes morales qui enfreignent les lois, rien n’est prévu pour les partis politiques sauf la sanction démocratique à l’occasion d’une élection. Mais que fait-on dans le cas d’un gouvernement Libéral qui vient tout juste d’être élu et à qui il reste théoriquement 3 ½ ans à gouverner ?

Quelle légitimité lui reste-t-il lorsque la démonstration est en train d’être faite sous nos yeux qu’il a compromis l’intégrité des institutions qu’il a charge de défendre ? Est-il raisonnable de lui laisser la responsabilité de l’administration de la Justice alors que le bras de celle-ci peut à tout moment s’abattre sur lui ? Est-il raisonnable de lui laisser l’administration de la sécurité publique et de la police alors que cette dernière peut à tout moment faire irruption dans ses bureaux pour exécuter des mandats de perquisition ou d’arrestation ?

Poser ces questions, c’est y répondre.

Ces questions se posaient déjà quelques semaines après l’élection du gouvernement Couillard. Aujourd’hui, deux ans plus tard, après les travaux et le rapport de la Commission Charbonneau, après les premières accusations de l’UPAC, à la veille de la nomination du prochain commissaire de l’UPAC (le mandat de cinq ans du commissaire Lafrenière est terminé ; il demeure en poste sur une base intérimaire jusqu’à la désignation de son remplaçant) sont d’une actualité brutale.

Aussi faut-il comprendre que, pour peu que d’autres coups - policiers ou médiatiques - soient portés dans cette foulée contre le gouvernement Couillard, sa situation, déjà très difficile, va devenir rapidement intenable, et les démissions et défections vont s’enchaîner. La situation est d’ailleurs si grave que le premier ministre lui-même pourrait se retrouver acculé à la démission.

Reste enfin le cas de ceux qui, embarqués sur le radeau de la méduse Libérale par ambition sincère ou pur opportunisme, n’ont strictement rien à se reprocher. On devine facilement que, déjà mal à l’aise, ils vont chercher rapidement à se dégager du piège dans lequel ils sont tombés. Trois choix s’offrent à eux : partir individuellement à la première occasion en invoquant une question de principe ou des divergences irréconciliables, faire défection et rejoindre les rangs de l'Opposition, ou rester en se liguant contre les anciens pour les forcer à partir.

Quel que soit le cas, le PLQ se retrouve considérablement affaibli, et la question se pose même de sa capacité à survivre, sauf si les rescapés jouent leur va-tout dans un scénario de fusion avec… la CAQ ! De toutes les élucubrations de fusion dans l’air à l’heure actuelle, ce serait loin d’être la plus farfelue.

Je concluais mon dernier éditorial sur les paroles suivantes : « Philippe Couillard n’a ni l’intégrité ni l’envergure morale pour être premier ministre. Ses jours à ce poste sont comptés. »

Je persiste et signe.


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2 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    3 avril 2016

    Le Radeau de la méduse revu et corrigé, regardez bien les personnages....

  • Jean Lespérance Répondre

    1 avril 2016

    Le grand maître de la situation est Robert Lafrenière, c'est lui qui a tous les dossiers chauds entre les mains. Il fait chanter le Parti libéral au complet, il a de quoi emprisonner au moins 20 personnes du Parti libéral. Il négocie la reconduction de son poste, le renouvellement de son mandat. Et plus Couillard tarde, plus il étale la merde, ça ne sent pas bon du tout, du tout, du tout. Le visage de Couillard est terreux, sa santé est attaquée, combien de temps va-t-il tenir encore? On ne sait pas. Ce n'est pas facile de soigner un médecin, soigner un médecin c'est l'enfer. Encore faut-il qu'il ait un médecin de famille qui s'occupe de son cas régulièrement.
    S'il démissionne et laisse porter des accusations, le fun va commencer, le set carré des tribunaux. Qui va prendre la relève? Il ne reste que Legault. Ça va coûter cher à Desmarais car il s'est fait avoir une fois, il ne voudra pas se faire avoir une deuxième fois. La solution ultime, Coderre.
    Avec un pont d'or d'une vingtaine de millions, Coderre accepterait une promotion. 20 millions une fois, 20 millions deux fois, 20 millions trois fois, accepté. Pas cher 20 millions, c'est une aubaine. Nous aurons bientôt un nouveau Premier ministre.