Chère loi 101, c'est à ton tour...

Le "Nous" - l'expérience québécoise


On célébrait récemment au Québec le 30e anniversaire de la loi 101. En fait, on devrait parler de l'adoption de la Charte de la langue française, mais le peuple finit toujours par avoir raison quand il décide du nom qu'il donne à ses symboles. 101, c'est un beau chiffre. Ça renvoie au cours de base du cégep, démontrant bien ici que cette loi est un préalable pour aller plus loin. Et puis, 101, c'est graphiquement presque la même chose que "loi". C'est la loi des lois, au Québec. Si imparfaite soit-elle, son utilité publique n'est plus à démontrer. Le Québec est une Hollande linguistique, et la loi 101 est notre digue.
Il est difficile aujourd'hui d'avoir un portrait clair de la donne linguistique au Québec, à plus forte raison si l'on élargit le débat aux valeurs et à l'identité. Ceux qui crient à la catastrophe donnent l'impression qu'ils ne savent voir que des catastrophes partout, et même qu'ils les souhaitent. Mais ceux qui ronronnent la bonne entente font comme George Bush à propos de la déroute américaine en Irak. Ils affichent une belle sérénité linguistique et identitaire, mais leur tapis est vallonné de tout ce qu'ils balayent en dessous, au point qu'ils ont fini par s'enfarger dedans.
Le premier accommodement exigé
Ce n'est qu'un hasard si cet anniversaire coïncide avec la mise en branle de la Commission sur les pratiques d'accommodements relatifs aux différences culturelles. Mais faut avouer que ça adonne drôlement bien. La loi 101 est le premier accommodement que la majorité francophone du Québec s'est permis d'exiger de ses minorités linguistiques. C'est aussi le dernier, si ma mémoire est bonne.
La semaine dernière dans le Voir, Me Julius Grey dénonçait en entrevue l'erreur que représentait à ses yeux la politique du multiculturalisme et énonçait les balises qui devraient guider le débat sur les accommodements raisonnables. J'aime beaucoup Julius Grey. Je me souviens d'une occasion où je participais à un panel à la télévision et où M. Grey faisait partie des invités. Comme souvent, la part la plus intéressante des discussions s'est tenue dans les loges, avant l'enregistrement. Un autre participant avait lancé que ça n'avait pas d'allure de se mettre à mesurer la taille des foulards, alors, aussi bien les interdire complètement, ce qui était du gros bon sens aux yeux de la plupart des interlocuteurs présents.
Et M. Grey de rétorquer, calmement, que justement, c'est ce qui devait se faire. Aussi absurde que puisse paraître l'exercice de mesurer des bouts de tissu, c'était précisément dans ce geste quantitatif que résidait la règle de droit. On n'est alors pas dans l'arbitraire et les émotions, mais dans des lignes tracées dans les dégradés de gris en se souciant de bien commun. Il nous avait tous bouchés.
Où mettre la barre?
Julius Grey applique la même logique à tout ce qui concerne les "accommodements raisonnables" (O.K., ici, on prend un grand respir, on est tous tannés de cette expression-là, comme "conditions gagnantes", mais va ben falloir la toffer encore un peu). Selon lui, les accommodements culturels doivent être jugés à la pièce sur leur efficacité à favoriser l'intégration de multiples cultures à la société québécoise.
Je suis largement d'accord avec M. Grey même si je ne vois pas toujours la barre à la même hauteur que lui. C'est ici que la loi 101 peut servir de barème. Quand on se replonge dans les débats de l'époque, on constate à quel point cette loi bousculait tout. La loi 101 a imposé le français à des anglophones dans leurs milieux de travail. Elle a retiré le libre choix aux immigrants en matière d'éducation. En réaction, certains ont même quitté le Québec. Les autres ont fait avec. Et la loi 101 a marché.
Ce dont on se rend compte, c'est que le Québec ressent le besoin d'une loi 101 des valeurs. Un contrat social qui ferait l'équilibre entre la liberté de religion et de conscience et les autres dispositions de la charte. Un livre d'arbitrage. Avant la loi 101, les petits anglais et français se lançaient des roches dans les ruelles. Quand la loi est forte, les gens deviennent plus cool. Si la loi faiblit, la tentation de se faire justice soi-même grandit. Parce que quand il est question "d'accommodements raisonnables", un climat social serein reste la meilleure "condition gagnante"...


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