Cher ministre de l’Éducation

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Quand c'est bon, c'est très bon

En 2002, lorsque le philosophe et écrivain français Luc Ferry a été nommé ministre de la Jeunesse, de l’Éducation nationale et de la Recherche, en France, j’étais envieuse: Wow! Les Français se sont donné un philosophe comme ministre de l’Éducation.

Et pas n’importe lequel. Un de ces singuliers philosophes français, rock stars parmi les intellos, reconnaissables à leurs cheveux longs et à leur dégaine cool qui hantent là-bas, les plateaux de télévision, presque aussi souvent que les humoristes.
Plus sérieusement, me suis-je dit, sa formation lui a sans doute conféré un regard rayon X capable de percer les apparences, comme Superman. Et son prestige lui permettra de convaincre les récalcitrants de la nécessité du changement.
Un scandale national
À la même époque, le Québec ne se tirait pas trop mal d’affaire – même si tous savent que ce sont les «pédagocrates» qui contrôlent le ministère de l’Éducation – avec un docteur en littérature comparée comme ministre, Sylvain Simard du Parti québécois.
Mais treize ans plus tard, le Québec s’offre lui aussi un ministre de l’Éducation philosophe, vous, François Blais, ex-doyen de la faculté des sciences sociales de l’Université Laval. Vous n’avez pas la chevelure de Luc Ferry, mais vos cinq enfants vous rendent sexy. Et puis, ça change des docteurs.
Quand Ferry est entré en fonction, il a annoncé qu’il ferait de la lutte à l’analphabétisme – en France on dit illettrisme – sa priorité.
Ferry croyait qu’un enfant devait impérativement savoir lire et écrire à 7 ans. Il disait que 80 % des enfants qui ne savent pas lire à cet âge n’apprennent jamais à lire. «Ne pas agir, c’est laisser l’échec s’installer».
Nous savons depuis 2003 que la moitié des Québécois connaissent de graves problèmes de lecture et d’écriture. Un sur deux ne peut lire et comprendre un texte de difficulté moyenne. Nous sommes bons derniers au Canada. Je n’ai jamais compris pourquoi aucun ministre de l’Éducation n’a pété les plombs à ce sujet.
Ferry n’a pas pu terminer son œuvre – la France a déclaré l’illettrisme Grande Cause Nationale en 2013 – parce qu’en France, comme ici, les ministres de l’Éducation sont des experts en portes tournantes. Il est parti en 2004, mais non sans avoir fait adopter la loi sur l’interdiction de signes religieux à l’école. Il n’a pas chômé.
Lire, écrire, la base de tout
Monsieur le ministre, vous arrivez en période de repli budgétaire. Vous avez les mains liées par des conventions collectives contraignantes. Les universités crient famine, les profs dépriment. Vous devrez aussi compléter la réforme des structures entreprises par Yves Bolduc. Personne ne s’attend à des miracles parce que vous êtes philosophe. Mais peut-être à un regard plus pénétrant sur les choses et à la reconnaissance formelle par l’État que les problèmes de lecture et d’écriture des Québécois constituent un scandale national?
La meilleure façon de régler un problème, c’est de le prévenir. Quitte à remettre en question des idées à la mode. Or, l’éducation au Québec croule sous les idées à la mode. Heureusement pour nous, les philosophes font d’excellents empêcheurs de tourner en rond.
Bonne chance!


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