Charlie Hebdo un an après: des mots toujours difficiles à dire

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«Après Charlie»

Faire le lien entre Islam et terrorisme ou bien refuser les amalgames. Après les attentats contre Charlie Hebdo et l'Hyper Cacher le débat, voire la polémique, ont fait rage entre intellectuels, historiens et philosophes.

"Le massacre à Charlie Hebdo à mis face à face deux radicalismes: une extrême gauche vieillissante et un extrémisme religieux pour l'instant en plein essor", explique l'historien Pascal Ory dans "Ce que dit Charlie" (Gallimard), un indispensable livre d'analyse qui vient d'être publié.

"Le massacre à l'Hyper Cacher a confirmé la violence d'une haine du juif cultivée dans certains milieux +issus de l'immigration+", poursuit l'historien.

Ce n'est pas exactement l'avis de l'intellectuel Emmanuel Todd qui a soutenu dans son livre "Qui est Charlie?" (Seuil) que les manifestations qui ont suivi les attentats à Paris commis par des jihadistes étaient en fait islamophobes et "égoïstes", sous l'influence de courants de pensée autrefois catholiques et devenus laïcs, irriguant le PS.

L'explication du démographe a été dénoncée comme une "imposture" par le Premier ministre Manuel Valls taxé en retour de "pétainisme" par Emmanuel Todd. Le livre a connu un indéniable succès de librairie avec quelque 41.000 exemplaires vendus.

Cet essai n'a cependant pas connu le destin du roman "Soumission", de Michel Houellebecq, sorti le jour même de la tuerie contre Charlie Hebdo et qui, pour certains, a des accents prophétiques.

Imaginant la France dirigée par un président issu d'un parti musulman, le roman de Houellebecq (qui vient d'être traduit aux Etats-Unis) a été le plus grand succès littéraire de l'année 2015 en France (560.000 exemplaires vendus) et a fait un tabac en Allemagne.

A l'instar de Houellebecq, le philosophe Alain Finkielkraut qui sera accueilli à l'Académie française le 28 janvier, a estimé dans son livre "La seule exactitude" (Stock) que "la France se désintègre", perdant son identité face au multiculturalisme.

- Réveiller les consciences -

Face à ce constat, la militante féministe Djemila Benhabib, qui a grandi à Oran (Algérie) avant de s'installer au Québec, entend réveiller les consciences dans son essai "Après Charlie", à paraître chez H&O. "Il faut défendre ce que nous avons de plus cher en démocratie: la liberté de conscience et la liberté d'expression. Critiquer ou rire de l'islam ne relève pas du racisme", souligne-t-elle.

"Ceux qui ont donné l'ordre d'exécuter les caricaturistes de Charlie sont les mêmes qui ont fait assassiner Tahar Djaout, premier journaliste martyr d'Algérie, qui ont lancé la fatwa contre l'écrivain anglo-indien Salman Rushdie ou qui ont commandité l'attentat contre le grand homme de lettres égyptien Naguib Mahfouz", affirme Mme Benhabib.

"Ils sont nourris de la même détestation de toute pensée libre", accuse-t-elle dans son livre préfacé par l'écrivain algérien, Boualem Sansal dont le roman "2084", chronique d'un Etat totalitaire islamique, a été récompensé par le grand prix du roman de l'Académie française et rencontré un grand succès public.

Dans un numéro spécial du Monde des Livres, publié après les attaques du 13 novembre (130 morts), l'écrivain Olivier Rolin insistait aussi pour qu'on définisse clairement qui sont les assassins.

"Ca n'a rien à voir avec l'islam. Mais non bien sûr. Des tueurs qui mitraillent au cri d'Allah Akhbar, ça n'a rien à voir avec l'islam. +L'Etat islamique+ n'a rien à voir avec l'islam", ironisait l'écrivain avant d'ajouter "ce doit être une erreur de traduction".

Dans "Un silence religieux", un livre à paraître le 7 janvier, le patron du Monde des Livres, Jean Birnbaum se demande si la gauche ne serait pas aveugle et sourde face au jihadisme faute de savoir prendre en compte le fait religieux. Le plus souvent, au yeux de la gauche, "la religion ne représente qu'un simple symptôme social, jamais une force politique à part entière", constate-t-il.

Pris en étau, accusé par les uns d'islamophobie et par d'autres d'être récupéré par les jihadistes, Michel Onfray a renoncé à publier en France un essai sur l'islam, jugeant qu'"aucun débat serein" n'est plus possible sur ce sujet.


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