Charest nie les allégations de corruption

JJC - chronique d'une chute annoncée

Le premier ministre Jean Charest avait demandé en Chambre à la chef intérimaire Sylvie Roy de nommer les ministres qui auraient, selon elle, séjourné sur le yacht de Tony Accurso. C'est finalement lui qui les a nommés plus tard dans la journée. Photo La Presse Canadienne

Jean-Marc Salvet - (Québec) Après la bombe lâchée par Sylvie Roy en pleine Assemblée nationale, le premier ministre a lui-même révélé, jeudi, dans une entrevue à Radio-Canada, l'identité des ministres visés par les allégations de la chef intérimaire de l'ADQ.
Sur la base de vérifications menées il y a quelques mois par son ancien chef de cabinet, Dan Gagnier, Jean Charest a toutefois nié avec vigueur que David Whissel, Norman MacMillan et Julie Boulet aient séjourné sur le yacht de l'entrepreneur en construction Tony Accurso, actuellement au centre de différentes enquêtes.
La chef intérimaire de l'ADQ avait créé une commotion jeudi matin en demandant au ministre de la Sécurité publique Jacques Dupuis s'il était au courant «que le premier ministre sait qu'il y a trois ministres qui ont été sur le bateau d'Accurso».
Une affirmation en forme de question qui a fait bondir les libéraux, à commencer par le chef du gouvernement. Il a sommé la députée de Lotbinière de nommer les trois ministres auxquels elle faisait allusion.
Pour toute réponse, Mme Roy s'est bornée à réclamer une enquête publique et indépendante sur l'industrie de la construction.
À l'ADQ, on confirmait en soirée que la question de la chef intérimaire s'appuyait sur les révélations, non encore diffusées, que Benoit Labonté avait faites la veille à Radio-Canada.
L'ex-chef de Vision Montréal déballe son sac dans cette entrevue. Il refuse de couler seul. Parle d'un système institutionnalisé de corruption mafieux à la Ville de Montréal et ailleurs.
Une adjointe de Mme Roy a insisté pour dire que les révélations de M. Labonté recoupaient celles d'un autre informateur, mais sans préciser lequel.
L'attaché de presse de Jean Charest, Hugo D'Amours, a confié jeudi soir que Benoit Labonté avait indiqué, à la fin d'un entretien privé avec le premier ministre en mars, que des ministres de son gouvernement auraient séjourné «sur le bateau d'Accurso».
Sans pouvoir donner de noms, cependant, mais en ajoutant qu'il pouvait se renseigner et recommuniquer avec M. Charest pour lui fournir l'information, ce qui a été fait en avril.
Whissel, Boulet et MacMillan
C'est là que sont sortis les noms de David Whissell, désormais ex-ministre du Travail, de Julie Boulet, responsable des Transports, et de Norman MacMillan, ministre délégué aux Transports.
Après vérifications internes, le cabinet du premier ministre a conclu qu'il s'agissait de fausses informations. Les ministres concernés ont nié être allés sur le bateau de croisière du riche entrepreneur, entre autres propriétaire de Simard-Beaudry. Ils l'ont nié à Dan Gagnier. Jean Charest dit n'avoir aucune raison d'en douter, mais aucune contre-vérification n'a été ordonnée.
M. Labonté maintient toutefois sa version des faits. Il se dit sûr de ses sources, qui seraient «politiques» et «policières».
Au Parti québécois, on dit n'avoir aucune information sur cet aspect précis des choses. Il y a tellement de rumeurs, dit-on, qu'il est impossible de démêler le vrai du faux.
En après-midi, un péquiste avait d'ailleurs cité, sous le sceau de la confidence, d'autres noms de ministres qui auraient fréquenté Tony Accurso d'assez près. Mais le PQ ne s'avance pas. Il dit ne pas avoir de preuves. Il laisse ce terrain à l'ADQ.
Sylvie Roy tiendra un point de presse aujourd'hui sur le sujet. Les libéraux lui demanderont de fournir des preuves de ce qu'elle avance ou de se rétracter. Ils ont demandé au nouveau chef adéquiste, Gilles Taillon, de la démettre de ses fonctions.
Aller sur le bateau de Tony Accurso ne constitue pas un crime en soi. Mais un tel fait, s'il était avéré, soulèverait de graves questions éthiques, reconnaît-on au gouvernement. On ne nie pas, d'autre part, que des ministres aient pu rencontrer à plus d'une reprise l'entrepreneur en construction, mais au Québec. «Pas sur un yacht.»
David Whissel, par exemple, l'a rencontré plus d'une fois. Il l'a lui-même reconnu en avril.
Tony Accurso est partout. L'ancien ministre péquiste Guy Chevrette l'a souvent croisé, comme bien d'autres. Comme à peu près tout ce qui bouge dans le monde politique, syndical et dans le milieu des affaires québécois.
Il est depuis longtemps un joueur incontournable de l'industrie de la construction. Il cherche depuis toujours à se coller au pouvoir. Il fréquente tout le monde et contribue à presque toutes les caisses électorales.
Le gouvernement de Jean Charest résiste depuis le printemps à l'idée de créer une commission d'enquête sur l'industrie de la construction. Mais on sent que la porte s'ouvre chaque jour davantage. La pression est devenue énorme, presque insoutenable.
«Nous ne fermons pas la porte à une enquête publique, a déclaré jeudi le ministre Jacques Dupuis. Ce que nous souhaitons, c'est prendre le meilleur moyen. Le moyen privilégié pour le moment, ce sont les enquêtes policières.»


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