Charest - héritier plaintif d'un pseudo-désastre

Il y a deux points sur lesquels Charest n'a pas changé de chapeau. Son attachement au statut du Québec, province du Canada et son inclination spontanée à blâmer les autres.

Chronique d'André Savard

Pour un peu s'expliquer la dérive de la Caisse de dépôts, il faut faire un bref retour en arrière. Charest d'ailleurs, comme vous l'avez remarqué, aime les retours en arrière. Tous les problèmes du Québec, selon lui, viennent de l'imbrication, le fait que l'on retrouve dans son gouvernement des influences croisées, des interactions subtiles, des émergences repérables du passé péquiste dans l'administration actuelle.
Lors du débat des chefs entre Landry et Charest, ce dernier lui demanda pourquoi il avait laissé la Caisse de dépôts acheter des actions de
Nortel. Landry réitéra les principes d'autonomie de la Caisse, la nécessité d'avoir une stratégie diversifiée. Charest lui répondit qu'en tant que premier ministre, il était personnellement responsable du rendement de la Caisse et donc des actions achetées.
C'est dire combien Charest était mal parti. En suivant sa logique, le degré d'implication du premier ministre s'avérait sans limite. La bourse obéit à la loi de l'offre et de la demande. Les gestionnaires avaient eu pendant des années de très bons rendements avec Nortel. Un premier ministre ne saurait suivre l'évolution des milliers de titres achetés ou vendus. Il saurait encore moins faire une étude comparative des titres. Dans le domaine des semi-conducteurs, est-ce mieux d'acheter JDS Uniphase ou Nortel?
C'est du simple bon sens de répondre non. Mais Charest se voit essentiellement comme l'héritier critique du PQ, celui qui doit dire noir quand on a dit blanc. Il entretient un rapport très particulier, polémique sans raison, par rapport aux legs qui fondent l'Etat québécois. Pour lui le passage des souverainistes au pouvoir porte en soi une déréliction insurmontable. Comme il l'a dit lors de son premier conseil des ministres, les souverainistes sont des ennemis. Son retour sur le passé maléfique ressemble à du prophétisme biblique.
Donc, par rapport à la Caisse de dépôts, Charest voulut dire "noir" où on avait dit "blanc". Lui, à l'avenir, n'hésiterait pas à intervenir fortement. Ensuite, en enfilade, il accusa Landry d'être responsable des morts dans les hôpitaux et des déclarations présumément racistes de Parizeau. On se souviendra que Charest avait dit avoir appris sur l'heure les propos racistes de Parizeau lancés dans un CEGEP. Landry était inexcusable de ne pas s'en dissocier devant les caméras. Il se rendait coupable de crime par association.
Au lendemain de sa prise du pouvoir, on expliqua à Charest, qui ne connaît rien à l'économie, au sujet des transactions boursières. D'abord il n'y a pas que le titre et la nature de la compagnie mais le volume. On peut écouler un titre comme Nortel en hausse car les fluctuations sont fortes sur les titres les plus transigés. Ainsi, une partie des titres sont vendus à perte mais une autre partie sera vendue avec profit.
Et on lui cita l'exemple de fonds mutuels qui obéissent à des stratégies doubles: on spécule sur la valeur des titres les plus en demande et on achète aussi des fonds moins en demande, avec moins de rendement mais qui s'élèvent néanmoins, portés par une tendance lourde. Sans vision d'ensemble, naïf dans son approche comme toujours, Charest se mit à pérorer sur la vocation de la Caisse.
Étant responsable, comme il le déclarait publiquement, la stratégie devait être conséquente. Il voulait une stratégie axée sur le rendement. Évidemment la Caisse sentit immédiatement l'emprise de ce double jeu, coincée entre une autonomie fictive et un premier ministre directement responsable. Quand les choses tournèrent au vinaigre, Charest changea de chapeau, se déclarant partisan de l'autonomie de la Caisse.
Il y a deux points sur lesquels Charest n'a pas changé de chapeau. Son attachement au statut du Québec, province du Canada et son inclination spontanée à blâmer les autres. Charest affirme qu'il a hérité d'un désastre. "Quand je suis rentré au pouvoir, le système était à terre" a-t-il dit textuellement. Il a ensuite dit: "Pauline Marois est l'auteure d'un désastre dont les effets se feront encore ressentir pendant quinze à vingt ans". Songez: cela signifie que Charest va attribuer les aléas de sa gestion gouvernementale au Parti Québécois au-delà de 2025.
Au cours de son premier mandat, on s'était déjà étonné que Charest ne se responsabilise jamais. En fait, plus les années passent, plus il parle du Québec d'avant comme de Beyrouth après l'attentat. Pauline Marois, personne qui a occupé les plus hauts ministères, respectée par tous les fonctionnaires qui ont travaillé auprès d'elle, et dont Charest lui-même a salué l'intégrité lors de son départ après l'élection d'André Boisclair, préside désormais un passé noir, totalement mythologique.
Avec Charest, la question des origines des dits "vrais problèmes" est systématiquement entretenue. Les problèmes actuels du secteur de la santé sont causés par le congédiement des infirmières. Pas un mot sur les transferts fédéraux, sur le calibrage budgétaire qui se fait au niveau fédéral. Le passé n'en finit pas d'être l'enjeu d'une bataille, la grande noirceur qui se prolonge.
Le premier ministre, même en dehors des campagnes électorales d'ailleurs, veille à la réinterprétation du passé et à son rapatriement systématique dans l'actualité. La gestion du PQ devient le passé fondateur convoqué à la barre du présent. S'il y a une diminution des transferts fédéraux, a dit Charest à l'émission Larocque-Lapierre, c'est parce que "Lucien Bouchard était pour". Après avoir nommé trois ministres en titre, rebaptisé le ministère de l'éducation celui des "Loisirs et des sports", Charest dit que rien ne va en éducation à cause de Pauline Marois. S'il y a des nids de poule, c'est à cause de Pauline Marois.
***
À côté, le Canada devient une entité poétique, attrayante. Tout va mal à cause du PQ. Tout va bien si on laisse le fédéralisme canadien, bien assis sur ses positions inter-provinciales, fonctionner. C'est une dualité, une bataille des contraires, esthétique c'est-à-dire mythologique, afin qu'elle puisse être bien comprise par le peuple.
Charest tient un véritable discours d'identité, ou de bornages, dont l'enjeu est de légitimer à tout prix l'appartenance du Québec au Canada. D'un côté vous avez un Québec qui ne vit qu'à la température de sa propre destruction, c'est le Québec attribuable au PQ. Et de l'autre, vous avez le Québec de Charest, province héritière de son statut de province et qui s'assume pleinement.
Vous avez un premier ministre qui escamote toute analyse de son gouvernement. Tout y est affaire de filiations. Un bon premier ministre libéral doit effacer les traces, minorer le rôle fondateur d'une tradition. C'est pour cela que Charest a essentiellement remis en cause des décisions péquistes, notamment dans le dossier du CHUM. Son bilan consiste à s'exaspérer de la part péquiste que le gouvernement québécois porte en lui.
Le problème c'est qu'il n'est pas que populiste. Sa gestion du gouvernement découle de cette démarche querelleuse. Il est certain qu'avec un premier ministre incapable d'analyser, inspiré par un dualisme simpliste, tout bilan gouvernemental témoignera de la même crispation.
André Savard


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3 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    24 novembre 2008

    Plus j'entend les déclarations de Charest, plus il me fait penser à Pallin qui a failli se faire élire vice-présidente des Etats-Unis. Il dit n'importe quoi, y compris des conneries. Malheureusement, les québécois seront-ils aussi avisés que nos voisins et l'écarter du pouvoir? Quel con! Une vraie honte pour le peuple québécois que d'être gouverné par un hurluberlu pareil.Non mais ce n'est pas possible! Quelle tare! Pallin Charest????? Et ce con passe son temps à dire qu'il est victime d'attaques personnelles de la part des deux autres chefs. Lui,monsieur, fait son vertueux. Pourtant, n'est-ce pas ce grossier personnage qui a traité une femme député de "chienne" et ce, en pleine Assemblée Nationale? Voter pour Pallin Charest maintenant=désastre assuré.
    N.B:le ton grossier de ce texte est justifié par l'attitude du personnage auquel il fait référence:avec les loups,on hurle.

  • Archives de Vigile Répondre

    24 novembre 2008

    N'a-t-il pas affirmé lui-même à Paris que le QUÉBEC POUVAIT FAIRE L'INDÉPENDANCE ET QU'IL EN AVAIT LES MOYENS? Il y a à peine 2 ans de cela. Alors pourquoi tire-t-il sur la souveraineté et les souverainistes maintenant que le Bloc a fait voter cela aux communes. Charest veut nos votes en nous reniant, en faisant peur aux électeurs, en criant contre les patriotes? George Washington était-il un séparatiste? Les anglais et les loyalistes à la couronne disait que oui. Charest est un loyaliste

  • Archives de Vigile Répondre

    23 novembre 2008

    Excellente analyse de la situation.
    Ce qui est choquant, c’est que la stratégie libérale fonctionne. Ses adversaires, d’ailleurs, tombent dans le piège de cette stratégie.
    Un exemple : le rapatriement de tous les pouvoirs en matière culturelle et de communication qu’entend réclamer le Parti Québécois. Les libéraux, immédiatement poussent les haut cris en hurlant comme des déchaînés leur mot préféré pour attaquer le Parti Québécois : Souveraineté. Regardez, crient-ils, ils parlent de souveraineté. Ah ! les misérables, comment osent-ils vouloir devenir souverain ? Heureusement, notre mode de vie les empêche de pendre Mme Marois et son équipe.
    Malheureusement, le Parti Québécois, comme l’ADQ d’ailleurs, deviennent inconfortable devant cette accusation et réagissent comme des coupables d’avoir une telle intention, puisque le bon peuple ne veut pas entendre parler de souveraineté, ni de référendum. Et surtout le gouvernement fédéral. La stratégie des libéraux porte alors ses fruits. Il n’y a que le fédéral et sa domination qui compte et tout projet d’émancipation du Québec doit être retirée immédiatement de la scène de la campagne en cours. Alors que fondamentalement, c’est le contraire qui devrait se produire, à savoir maintenir le projet de rapatriement des pouvoirs en matière culturelle et de communication, le réclamer avec grande vigueur et placer Charest et le gouvernement fédéral dans l’obligation d’aborder la question et de fournir une réponse, dans un délais raisonnable, à cette demande du Québec, demande qui lui fera aussi faire un pas de plus vers une plus grande autonomie et son indépendance.
    La situation la plus idiote dans tous ça, c’est d’avoir à demander ce que l’on souhaite légitimement pour notre nation québécoise à celui qui nous tient en état de domination de pourvoir rapatrier nos pouvoirs dans une matière qui a un impact majeur sur notre survie en tant que nation.
    C’est une erreur grave que d’attendre que le gouvernement fédéral consente à une telle demande. Ça ne le concerne en rien. Tout ce passe dans la légitimité de la demande, ce qui fait en sorte qu’un tel rapatriement échappe au droit, particulièrement celui qui nous est imposé abusivement par le rapatriement de la constitution de 1982 auquel le Québec n’a pas adhéré. Un contrat que je n’ai pas signé ne me concerne en rien. Je n'ai pas en fait à rapatrier les pouvoirs, je n'ai qu'à les prendre.
    Une question en terminant à M. Charest, que répondriez-vous, si le Parti Québécois était au pouvoir et présentait une motion ou un projet de loi réclamant le rapatriment des pouvoirs en matière culturelle et de communication ? Seriez-vous pour ou contre cette demande légitime de la nation québécoise en vue d’assurer sa survie ? J’aimerais bien que Mme Marois lui pose la question durant le débat des chefs.