Changer la politique - Les nouvelles têtes

IDÉES - la polis



Brasser la cage, changer la manière de faire de la politique, retrouver le sens de la démocratie? Voici ce qu'en disait un célèbre éditorialiste: «Nos partis ne sont que des troupeaux d'esclaves ignorants ou vénaux que les chefs mènent à leur guise. La discipline abrutissante des partis, et plus encore les subsides électoraux, font de la plupart des candidats et des députés des instruments dociles, les bêtes de somme des maîtres qui les achètent, les mènent à l'abreuvoir...»
Henri Bourassa, lui-même!, parlait en connaissance de cause en pourfendant les partis politiques, lui qui avait été député libéral, sous Laurier, avant de claquer la porte et de siéger comme député indépendant. C'est là le pendant 1918 des propos tenus lundi par Louise Beaudoin qui, en démissionnant du Parti québécois, dénonçait «la partisanerie qui souvent rend aveugle, le ton guerrier que l'on se croit obligés d'employer, l'unanimisme imposé, la rigidité implacable de la ligne de parti». «Des maux, ajoutait-elle, dont la politique est en train de mourir ici et ailleurs.»
Et pourtant, ces maux ne sont propres ni au Québec ni à notre époque. Il fallait entendre ce jeune Portugais la fin de semaine dernière sur les ondes de Radio-Canada, qui manifestait à la veille des élections dans son pays en expliquant: «Nous voulons faire une réflexion pas sur les élections, mais sur tout le système démocratique.» Il aurait pu être un jeune Espagnol du mouvement des Indignés, un jeune Français qui conteste, une jeune Québécoise qui discute démocratie dans des forums comme l'Institut du Nouveau Monde ou Génération d'idées.
Et au Portugal, comme aux élections d'ici, on a atteint un taux d'abstention record dimanche: 41 %, du jamais vu depuis l'instauration de la démocratie en 1974. Le plan d'austérité imposé par le FMI pour sortir le pays de la crise, enjeu autrement plus grave que nos problèmes nationaux actuels, n'a pas suffi à faire voter les gens.
Il faut donc accueillir avec prudence ces remèdes à nos défaillances démocratiques qui reposeraient, dit-on, sur plus de civilité dans les échanges, des élections à date fixe, une réforme du mode de scrutin ou de la carte électorale, ou la tenue obligatoire d'assemblées de circonscription, ou le suivi par le Directeur général des élections du respect des promesses électorales... Après tout, Stephen Harper a instauré des élections à date fixe, mais qui osera dire qu'il rafraîchit notre système démocratique? Et Luc Ferrandez a tout le Plateau-Mont-Royal, tout Montréal, toute la région métropolitaine sur le dos parce qu'il a concrétisé son engagement électoral de rues à sens unique! Les règles que l'on change ne veulent rien dire sans des individus pour leur donner un sens ou qui arrivent à rallier.
Pourtant, l'histoire nous l'enseigne, la stagnation ne dure pas. Au Québec, de nouveaux repères sont à se dessiner. On voit se lever une nouvelle génération de politiciens — d'Amir Khadir à ces jeunes députés péquistes qui veulent se faire entendre —, la vague néodémocrate du 2 mai redessine les appartenances, l'attention donnée à François Legault semble de la même eau. On ne sait pas encore s'il s'agit d'un feu de paille ou d'un mouvement plus structurant, mais cette redéfinition du terrain politique risque de mobiliser davantage qu'un nouveau mandat donné au DGE ou que la mise en place d'autres façons de voter.
Mais ces nouvelles têtes, il faut aussi en avoir conscience, ne feront pas fondamentalement de la politique autrement. La politique est affaire d'individus qui s'assemblent parce qu'ils ont les mêmes convictions que ne partagent pas ceux qu'ils affrontent. La partisanerie en est l'expression extrême, mais inévitable.


Laissez un commentaire



Aucun commentaire trouvé

-->