1759-2009

Ce spectacle peut-il être insignifiant ?

Le spectacle de notre défaite sur les Plaines ne peut pas être innocent, ne peut pas n’être qu’un divertissement et son bruit, son vacarme

1759-2009 : la résistance


Curieux personnage que ce maire de Québec qui, devant l’idée d’une
commémoration de notre défaite devant les Anglais sur les plaines
d’Abraham, se contente de dire que puisqu’il ne s’agit que d’un spectacle,
il va évidemment y assister et que pour le moment : « on peux-tu parler
d’aut’chose », a-t-il solennellement déclaré, il y a de cela quelques jours
à peine! Comme si l’objet du « spectacle » n’avait pas d’importance...
Comme si, surtout, ce type de commémoration, ce « spectacle », n’aurait
de sens que dans une perspective divertissante. Comme si cela ne parlait de
rien. C’est bien mal comprendre le rôle de toute représentation, comme si
l’insignifiance devait caractériser cette forme de compte-rendu.
Un autre dirigeant, un empereur chinois dont je ne me souviens plus du
nom, avait jadis fait peindre sur un mur près de sa chambre à coucher des
chutes d’eau. Il a demandé à ce qu’elles soient enlevées, le bruit de l’eau
l’empêchant de dormir... Il comprenait, puisqu’il le vivait, le sens, la
fonction et l’effet des représentations.
Le président de la république française, récemment, s’est insurgé, au
point d’y aller de poursuites judiciaires, de voir son image, une vulgaire
caricature, imprimée sur une poupée de type « voodou ». Il a perdu, bien
qu’il avait un peu compris le pouvoir des images, sur une base trop fragile
toutefois, celle du droit à l’image. Mais de quelle image ? Celle qu’il a
de lui, celle des autres vis-à-vis lui. Existe-t-il une telle chose qu’une
ontologie de l’image? Une image n’existe jamais seule, elle est toujours en
contexte, notamment celui de ses utilisateurs. Elle serait seule qu’elle
pourrait dormir tranquille. Il n’y a cependant pas d’image « en soi »;
c’est peut-être dommage, mais il en est ainsi.
Récemment aussi, un député de l’Assemblée nationale du Québec lançait un
soulier sur une image (encore!) du président américain sortant, mimant
ainsi ce même geste effectué plus tôt par un journaliste arabe cette-fois
en direction du président réel. Celui-ci s’en est amusé, n’y voyant
bêtement qu’un soulier, alors que le sens de ce geste, là où il a été fait,
avait bien évidemment une signification beaucoup plus profonde et fort
puissante. Notre solidaire député a voulu faire une image d’une autre image
et il a raté son objectif. Tant qu’à copier des images, il aurait peut-être
mieux valu faire montre d’un peu moins de trivialité.
Il est risqué de jouer avec les images. Qu’on les considère comme
insignifiante (maire de Québec –à son image peut-être?-) ou trop
signifiante (le président de la République française), elles ne sont jamais
innocentes.
Le spectacle de notre défaite sur les Plaines ne peut pas être innocent,
ne peut pas n’être qu’un divertissement et son bruit, son vacarme, à
l’instar des chutes de l’empereur chinois, pourrait peut-être en réveiller
plus d’un, de ceux qui comprennent qu’on ne rie pas avec les
représentations. Il vaut sans doute mieux, quelquefois, en pleurer. De
rage.
***
Jean Lauzon Ph.D., sémioticien

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2 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    31 janvier 2009

    Truculence premier, ci-devant maire de Québec, me fait regrtter à chaque jour qui passe un certain prédécesseur, monsieur Lallier pour ne pas le nommer, qui avait au moins de l'envergure et de la classe.
    L'autre soir la télé réagissant aux critiques sur le machin Red Bull qui crache littéralement sur le français, sa réaction a été «Bof on virera le nom à l'envers...». L'autre matin chez Christiane Charette, réagissant aux critiques nombreuses sur la farce du party sur les plaines, il n'a trouvé à dire qu'il n'était pas «un gratteux de bobo».
    Pas de mémoire, pas d'envergure, bas de gamme all the way. On est tombé bien bas bien bas écrivait Brassens.
    Mais ceci explique peut-être cela : Si c'est l'envergure du maire de Québec qui fait école dans sa ville, comment s'étonner que la radio poubelle fleurisse à Québec?
    La dernière comme on sait, c'est qu'un néo Arthur/Filion incite à la radio les élèves des écoles de Québec à déchirer une page d'un de leur livre de classe, dans lequel est présentée Françoise David, la traitant de... Soviétique.
    Va falloir trouver le moyen de dire ses quatres vértés à ce monsieur, en s'assurant que le message soit entendu.

  • Archives de Vigile Répondre

    30 janvier 2009

    Excellent texte, excellentes observations. Chaque fête n'a de sens que dans le sens qu'on lui prête, intérêts en sus.
    La superbe image du son assourdissant d'une image renvoie au silence assourdissant entourant le bruyant vacarme du champ de bataille.