Catalogne : "jour d'après" violent à Barcelone entre manifestants et police

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Paris soutient logiquement Madrid

C’était « le jour d’après le verdict », celui qui a vu les leaders indépendantistes catalans être condamnés à des peines de prison, entre 9 et 13 ans, pour leur rôle dans l’organisation du référendum d’autodétermination d’octobre 2017. La soirée de ce mardi 15 octobre, particulièrement agitée, s’est terminée à Barcelone par des affrontements entre manifestants (projectiles) et forces de l’ordre des polices catalanes et espagnoles (tirs et charges antiémeutes). Et une odeur de brûlé dans les rues de la capitale catalane. Le bilan du gouvernement pour toute la Catalogne fait état de 51 arrestations et 72 policiers blessés. Il n'y a pas de chiffre officiel concernant les blessés parmi les manifestants, mais le service médical d'urgence de la Catalogne rapporte 125 interventions médicales au cours de la nuit.


Dès lundi, l’annonce de la sentence avait fait sortir de chez elles des dizaines de milliers de personnes. Manifestations et blocages s’étaient succédé tout au long de la journée, jusqu’à atteindre l’aéroport El Prat de Barcelone, où près de 150 vols ont été annulés. Mardi, de nouvelles occupations se sont produites sur plusieurs parties du territoire. L’autoroute AP-7, qui relie la Catalogne à la France, a été coupée pendant la journée.


Les indépendantistes se sont ensuite donné rendez-vous dans les villes de Gérone, Tarragone, Lleida, Sabadell ou encore Barcelone, pour rendre hommage à leurs prisonniers. Les rassemblements, massifs, ont témoigné d’une capacité de mobilisation toujours aussi forte chez les Catalans. Mais alors que la nuit tombait, les chants et les minutes de silence ont laissé place à une tout autre ambiance.


La tension est montée d’un cran lorsqu’ont débuté des affrontements entre indépendantistes et policiers, qui n’ont pas hésité à charger. Sur les dizaines de milliers de manifestants recensés à Barcelone, quelques centaines – surtout des jeunes – se sont ensuite regroupés pour ériger des barricades enflammées, alimentées par des poubelles, des barrières et autres objets trouvés dans la rue. La police, qui intervenait à la fois pour repousser les manifestants et ouvrir la voie aux pompiers, a été débordée, dans une ambiance de chaos urbain.


Chez les indépendantistes, dont la majorité se disent non-violents, ces actions sont loin de faire l’unanimité. Marianne a été témoin de discussions où les plus pacifistes reprochaient aux autres de mettre de l’huile sur le feu. « Ce que vous faites, c’est tout ce qu’ils attendent ! En leur donnant ça, nous ne gagnerons jamais », pestait une jeune femme tard dans la nuit, en remontant la Carrer Gran de Gràcia. Une dizaine d’amoncellements d’objets et de conteneurs en train de se consumer parsemaient le chemin du retour.


Carles comprend la tournure des événements. « Je continue à défendre la non-violence mais les gens en ont ras-le-cul ! », justifie cet étudiant catalan. Il rappelle les centaines de blessés du référendum du 1er octobre 2017, argue que « ce sont les violences policières qui invitent les gens à descendre dans la rue pour protester ». Lundi, 131 personnes ont été blessées en marge des manifestations. Un homme de 22 ans a perdu la vue. Des journalistes ont été agressés par la police alors qu’ils portaient des signes distinctifs. Cette nuit, une source d’une équipe médicale nous annonçait « des dizaines de blessés ».



Face aux événements, le gouvernement espagnol dénonce « une minorité [de gens qui] veut imposer la violence ». Ferme, il réaffirme que son « objectif est et sera de garantir la sécurité et la coexistence en Catalogne ». Jusqu’à reprendre le contrôle de la région, comme ce fut le cas en 2017 ? Le Premier ministre socialiste, Pedro Sánchez, doit se réunir ce mercredi avec les dirigeants du Parti populaire, de Ciudadanos et de Podemos. La droite demande l’activation de la Loi de sécurité nationale ; l’extrême droite veut l’application de l’article 116 de la Constitution, qui permet de proclamer un état d’urgence. À moins d’un mois des élections générales, la Catalogne va une fois de plus être le sujet de discussion majeur de la campagne.


En France, 24 députés – la plupart de gauche et du groupe Libertés et territoire – ont signé une lettre dénonçant « la réponse judiciaire à un problème politique ». Interpellé par le député Paul Molac, le ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves le Drian, a réitéré la confiance du gouvernement envers l’État espagnol et son attachement à « l’intégrité de l’Espagne, à son unité ainsi qu’au strict respect de sa légalité constitutionnelle ». En d’autres termes : circulez, il n'y a rien à voir.


La mystérieuse entité Tsunami Democràtic promet d’autres actions en Catalogne. Ce mercredi, des marches organisées par des associations indépendantistes doivent partir de différentes villes. Arrivée prévue à Barcelone vendredi, pour coïncider avec une grande grève intersyndicale à laquelle le mouvement indépendantiste va se rallier. Des dizaines de milliers de personnes sont attendues dans la capitale catalane.