Capitalisme inc.

Capitalisme inc. - les pilleurs de fonds publics


Vous me connaissez. Je ne suis ni socialiste, ni communiste. Plutôt sociale-démocrate. Vous savez bien? Cette espèce en voie d'extinction. Du moins, si on en croit le discours dominant...
Alors, lorsque j'ai vu le dernier documentaire de Michael Moore - Capitalisme: une histoire d'amour -, je me suis dit que, noyés comme nous le sommes ici dans le verbiage omniprésent des économistes à cravate et des porte-voix médiatiques des "Lucides", ce film a tout un mérite. Celui de tenter d'expliquer par quels mécanismes et répondant à quels intérêts, le capitalisme s'éloigne depuis les années 1980 de l'État providence dont il avait pourtant accouché lui-même après la Grande Dépression et la Seconde Guerre mondiale.
Bref, on y voit comment les financiers ont pris le dessus sur les élus. Comment on a grugé la sécurité d'emploi et les retraites de la classe moyenne. Comment on a augmenté la pauvreté en renforçant la précarité et en sabrant l'aide sociale et l'assurance-chômage. Comment on handicape les services publics en réduisant les impôts des plus fortunés. Comment Washington, influencé par les lobbys d'affaires et de puissants banquiers siégeant même au gouvernement (!), a déréglementé tout ce qui bougeait. Comment la crise actuelle, les criminels à cravate, la création de produits financiers douteux et les bonis indécents pour PDG incompétents en ont résulté. Comment on a encouragé la classe moyenne américaine à prendre des hypothèques bidon ou à réhypothéquer jusqu'à la faillite. Etc...
ÉGORGER LES "VACHES SACRÉES"
Oui, bien sûr, Michael Moore tourne parfois les coins rond. Mais, intellectuellement parlant, il le fait pas mal moins que les Lucides de ce monde. Ou que ces économistes à cravate qu'on entend sur toutes les tribunes ânonner, souvent sans débat ou autres points de vue, que les Québécois ordinaires doivent égorger leurs vaches sacrées et sortir de leurs mythes primaires en acceptant maintenant des tarifs encore plus élevés. Et ce, bien sûr, sans qu'on ne touche à la fiscalité des mieux nantis ou de la grande entreprise.
Certes, Moore est naïf lorsqu'il dépeint Obama comme l'héritier politique de Franklin D. Roosevelt. Mais il ne fut pas le seul, et ça se comprend, à s'accrocher à cet espoir. Par contre, il rappelle le rôle crucial de Ronald Reagan dans cette lente rupture avec l'État providence. On pourrait ajouter les Thatcher, Mulroney, Harris, Klein & Cie - leurs fidèles courroies de transmission. À divers degrés, bien entendu. Sans compter ici les Charest et Bouchard, produits du sérail conservateur.
Il semble bien que Moore ignore également comment on a réussi ici à affaiblir notre système de santé universel en coupant à l'aveuglette. Ce qui, c'était écrit, allait paver la voie à la création de ce qu'on appelle maintenant l'"industrie" de la santé. Moore ne sait pas non plus qu'en réduisant la TPS de deux points, Harper prive les services publics de 15 milliards de dollars par année! C'est de l'argent, ça!
Ou qu'au Québec, depuis 10 ans, on a accordé 10 milliards de dollars en baisses d'impôts, dont une bonne tranche aux plus favorisés. Ou que le gouvernement Charest perd 2 milliards de dollars par année tant qu'il ne récupère pas les points de TPS d'Ottawa. Ou qu'il nous a privés de 624 millions de dollars en allègements fiscaux aux compagnies minières. Ou qu'il s'est contenté de 259 millions en redevances plutôt que les 2 milliards qu'il aurait pu percevoir s'il n'avait pas laissé 14 minières sur 22 n'en payer aucune. Et tutti quanti.
Résultat: Québec prévoit maintenant un déficit de plus de 13 milliards de dollars pour les quatre prochaines années. Sans blague! Rien de surprenant avec tous ces trous qu'il a percés dans la sacoche de l'État.
Évidemment, rien de cela n'est fait par "méchanceté". Seulement par croyance et par intérêt. En fait, ceux que vous entendez se présenter comme des lucides et des pragmatiques, mais SANS être des idéologues, sont bel et bien des idéologues. Dans leur cas, ils penchent à droite. C'est tout. Ce sont les mêmes qui, après avoir encouragé le recul de l'État providence et la perte de milliards en baisses d'impôts, vous demandent aujourd'hui de payer encore plus pour votre hydro-électricité. "Il n'y a pas d'autres moyens de s'en sortir!", qu'ils vous disent en faisant aussi un gros "Bouh!" halloweenesque.
Bref, après avoir saigné l'assiette fiscale de l'État, les voilà implorant la classe moyenne et les travailleurs à faible revenu de casquer encore plus. Toujours là où ça fait plus mal aux autres. Et moins à eux-mêmes.
Les voilà aussi vous disant, en se choisissant une bonne bouteille dans leur cave à vin, qu'en augmentant encore les tarifs et le prix de l'hydro, on vous rééduquera, gaspilleurs que vous êtes, en vous obligeant à rogner sur le chauffage et l'eau chaude...
LA SOLUTION DE RECHANGE?
Bref, Moore explique et critique le capitalisme tel qu'il est aujourd'hui. Il dénonce aussi ces banquiers, financiers et la grande entreprise opposés à l'État providence, mais qui, à la moindre difficulté, plongent la main jusqu'au coude dans les fonds publics pour mieux se renflouer. De même que les politiciens toujours prêts à leur ouvrir la sacoche des contribuables.
D'où la requête de son film, aussi légitime qu'illusoire: que ces profiteurs REMBOURSENT les contribuables! Bonne chance à nous.
Et, contrairement à ce que certains pourraient croire, la "solution de rechange" que Moore propose n'est ni le socialisme, ni le communisme. Il suggère plutôt un concept radical et dangereusement révolutionnaire: la DÉMOCRATIE...


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