Caisse de dépôt - Un départ annoncé

L'affaire de la CDPQ — le scandale

L'annonce, hier, de la démission du président de la Caisse de dépôt et placement du Québec, M. Richard Guay, n'a surpris personne. Promu quelques semaines seulement avant la débâcle des marchés à l'un des postes les plus exigeants de la haute fonction publique québécoise, ce spécialiste n'aura pas été en mesure de résister au stress. Une autre victime, et une autre leçon à tirer de la crise en cours.
On ne connaîtra sans doute jamais avec exactitude la nature du malaise qui a forcé le président de la Caisse de dépôt et placement, M. Richard Guay, à se retirer temporairement de la direction de l'organisation, le 12 novembre dernier. Le respect commande la prudence, mais étant donné la conjoncture exceptionnelle dans laquelle M. Guay a laissé ses fonctions et le fait qu'il ait remis sa démission huit semaines plus tard, cela tend à confirmer la rumeur que le grand patron de la Caisse n'a pas été capable de résister au stress élevé causé par la crise financière.
Rappelons que M. Guay n'était aux commandes de l'organisation que depuis sept mois, y compris la période d'intérim qui a suivi le départ d'Henri-Paul Rousseau. D'abord vice-président à la fonction stratégique de gestion du risque, puis chef de la direction du placement, Richard Guay était celui qui avait la responsabilité de la majorité des portefeuilles spécialisés de la Caisse. Détenteur de deux maîtrises et d'un doctorat en finances, il était reconnu pour sa compétence dans la gestion du risque et dans l'utilisation stratégique de ces nombreux nouveaux véhicules d'investissement sophistiqués qui ont lamentablement failli à la tâche.
Au moment où il a pris la présidence de la Caisse, en septembre, M. Guay avait déclaré qu'il comptait sur les placements à l'étranger et sur une bonne utilisation des produits dérivés pour atteindre les cibles de rendement attendues par les déposants. L'affaire des papiers commerciaux adossés à des actifs (PCAA) dans lesquels la Caisse avait placé plus de 13 milliards étant en voie de connaître un dénouement, le président n'entrevoyait pas devoir enregistrer d'autres pertes que celles déjà inscrites aux livres à ce chapitre.
Or, seulement quelques semaines plus tard, tous les marchés mondiaux sombraient dans la déprime absolue, le règlement des PCAA battait de l'aile et les produits dérivés, conçus comme source de profits autant que comme outil défensif, subissaient une dégelée historique. Ajoutons à cela les sorties de l'opposition brandissant le spectre d'une perte de 30 milliards, et voilà tracé à grands traits le paysage dans lequel le nouveau président a été appelé à manoeuvrer.
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Peu de gens sont capables de faire face à un scénario aussi désastreux, c'est vrai, et cela explique certainement le congé pour «surmenage» auquel M. Guay fut astreint. Malheureusement, c'est aussi pour faire face à des situations extrêmes que l'on embauche de hauts dirigeants et qu'on les paie bien, même en admettant que ceux-ci le soient moins que ceux des banques dont la rémunération est fixée à partir du principe du retour d'ascenseur entre copains du milieu des affaires.
La Caisse a généré d'assez bons rendements au cours des années Rousseau, mais il ne fait aucun doute que la décision d'investir dans les PCAA fut une erreur qui coûtera des milliards. Quant aux autres portefeuilles dont on ne connaîtra les résultats qu'en février, on peut dores et déjà s'attendre à des pertes sur papier entre 20 % et 30 %, certaines étant même bien réelles à cause de la vente d'actifs au pire moment de la crise.
Tout cela fera très mal aux déposants de la Caisse que sont les régimes de retraite des employés de l'État, la SAAQ, la CSST et même la RRQ. Simple calcul mathématique: n'oublions pas qu'il faut 50 % de nouveaux gains pour compenser une perte de 33 %, et que, pendant toutes les années de récupération, le manque à gagner en rendement annuel s'ajoute aux pertes passées. Dures, dures les années qui attendent les déposants de la Caisse... et son futur président.
C'est pourquoi le conseil de la Caisse où siègent des représentants du gouvernement, des centrales syndicales, des déposants et du public, doit accélérer le processus de sélection du remplaçant de Richard Guay. Mais il doit aussi revoir la stratégie de placement de l'organisation à la lumière de la crise en cours. S'il est exact que la Caisse a perdu plus que les autres, ce qu'il reste à démontrer, il faudra revenir à une approche beaucoup plus prudente qui assure à ses déposants un rendement sans doute moins élevé, mais plus sûr.
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j-rsansfacon@ledevoir.ca


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