Ça suffit!

Le français — la dynamique du déclin

Black Eyed Peas, U2, The Rolling Stones, House of Pain, The Offspring... c'est essentiellement au son de chansons anglophones que Youppi et les partisans du Canadien dansent sur leur siège au Centre Bell.
Photo: Bernard Brault, Archives La Presse

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À un moment donné, ça suffit. Jeudi soir au Centre Bell, Sydney Crosby et ses Penguins sont en ville et comme j'en ai souvent l'habitude, j'y suis avec mon gars. J'avais souvent remarqué l'omniprésence des chansons anglos dans l'enceinte du Canadien, en m'étant un jour promis de faire le calcul du ratio franco/anglo, juste pour m'amuser. Je l'ai fait jeudi (sauf lors du premier entracte) et le résultat n'a finalement rien d'amusant. Plutôt consternant.
Ainsi, après le traditionnel «Are you ready?» du début de match (parce que c'est bien connu que «Êtes-vous prêts?» ça sonne moumoune), j'ai compté 56 chansons ou segments de chansons en anglais. Combien de chansons francophones? Trois. Bobénine, interprétée par Lapointe, Rue principale des Colocs et une de Kevin Parent dont j'ai oublié le nom. Trois.

Quelque chose comme 95% des tounes jouées au Centre Bell lors d'un match du Canadien sont en anglais et moi, qui tripe sur la culture en général, ça me déçoit. Ça me déçoit parce que c'est un signe d'irrespect total pour la population francophone qui constitue, ma foi, une part importante de la clientèle du Canadien. Clientèle, centenaire oblige, à qui on répète ad nauseam son importance dans l'histoire du club.
C'est correct que les Black Eyed Peas soit entendus et je n'ai aucun problème à ce qu'on entende le hit de La Roux, c'est dans l'air du temps. Mais dans la même logique, pourquoi ne pas faire place à Marie-Mai, Yann Perreau ou aux Cowboys Fringants? On ne parle quand même pas d'artistes hyperobscurs qui ont vendu 19 copies de leur dernier opus. Et puis, si on nous offre un vieux hit de The Offspring, en quoi des tounes des Vulgaires Machins ou de Jean Leloup sonneraient faux?
Jeudi soir, décembre oblige, on nous a servi un chapelet de chansons de Noël. Désolé, mais nous farcir à satiété du Santa Claus Is Coming to Town, sans qu'une seule minuscule petite chanson de Noël ne résonne dans la langue de Laraque, ce n'est pas juste irrespectueux, c'est carrément paresseux. Tout simplement parce que dans ce cas précis, on ne peut plus nous servir l'argument du hit parade, et qu'en matière de chants de Noël, c'est bien connu, les francos sont capables de donner... Ça devient donc un choix éditorial et j'aimerais bien savoir de qui il émane.
Que Francis Bouillon, Patrice Brisebois, Mathieu Dandenault, Cristobal Huet, Alex Tanguay et autres Guillaume Latendresse ne soient pas assez bons pour le club, je veux bien acheter, je ne suis pas le DG de cette équipe et, après tout, Bob Gainey doit bien savoir ce qu'il fait...
Mais comme partisan francophone de cette équipe, je refuse de croire que la meilleure chanson pour animer le vidéo d'avant-match soit Sympathy for the Devil des Rolling Stones (à moins qu'on veuille nous rappeler les déboires hors glace de nos guerriers l'an dernier...), je refuse de croire que seul U2 ait le droit de célébrer un but du Tricolore et je persiste à croire qu'une bonne toune de Loco Locass vaut bien un vieux hit de House of Pain.
Je ne demande pas 95% de chanson francos. Je demande le respect de ce que nous sommes, et de ce que le Club de hockey Canadien est censé symboliser, c'est-à-dire le seul club de hockey sur glace en Amérique du Nord dont les partisans sont très majoritairement francophones. C'est tout.
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Patrick Marsolais
L'auteur est journaliste et animateur.


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