Bonn: vers une nouvelle embûche dans les négociations sur le climat

Les délégués russes, appuyés par l’Ukraine et le Bélarus, préfèrent des décisions prises à l'unanimité plutôt qu'au consensus

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Climat : Changements cataclysmiques à l'horizon

Voit-on poindre une nouvelle embûche dans les négociations devant mener à l’adoption d’un accord global de réduction des émissions de gaz à effet de serre? Certains États, dont la Russie, exigent en effet un débat sur la façon dont sont prises les décisions au sein de ce processus onusien. Une demande qui a eu raison mardi de tout un pan des discussions.
Quelque 194 pays impliqués dans les négociations sur le climat sont réunis à Bonn, en Allemagne, jusqu’à vendredi. Cette rencontre doit permettre de préparer la grande conférence de Varsovie à la fin de l’année, étape cruciale pour bâtir le grand accord global attendu en 2015 et qui doit engager tous les grands pollueurs de la planète à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre.
Or, dans un contexte de négociations qui s’annoncent déjà très ardues, les délégués russes, appuyés par l’Ukraine et le Bélarus, ont jeté un pavé dans la marre en évoquant la nécessité d’une révision du mode de prises de décisions. Ulcérée par la façon dont l’accord de Doha, fin 2012, a été adopté en dépit de ses protestations, la Russie — qui a jeté le Protocole de Kyoto à la poubelle — a réclamé un débat sur les modalités de prises de décision. Celles-ci sont prises au consensus et non à l’unanimité. Ainsi, depuis quelques années, nombre d’accords sur le climat ont été adoptés en dépit de l’opposition de quelques pays.
«Que veut dire “consensus”?» […] Notre processus est très malade», a déclaré jeudi dernier en séance plénière le délégué russe, Oleg Chamanov. «Il n’y a pas que les glaciers qui fondent. Notre processus fond aussi», a-t-il insisté, jugeant «absolument nécessaire d’examiner la façon dont nous prenons des décisions».
La Russie a donc insisté pour que cette question soit inscrite à l’ordre du jour des travaux d’un des trois grands groupes de travail, le Subsidiary body for implementation (SBI). Ce groupe est responsable de l’application des décisions et des procédures.
Mais face au refus du président du SBI, les travaux ont été ajournés mardi.
«Je me demande ce que pensent de nous les gens à l’extérieur de cette pièce», a lancé le délégué de Tuvalu, État insulaire directement menacé par la montée des eaux imputable au changement climatique. «Devons-nous nous enterrer dans des questions de procédure et ne pas régler les questions importantes?», a-t-il ajouté, applaudi par de nombreux autres délégués.
«La situation est des plus malheureuses», a résumé la responsable climat de l’ONU Christiana Figueres, dans un discours retransmis sur Internet, au terme d’une séance plénière d’un groupe de travail qui, après une semaine, a clos ses travaux sans jamais avoir pu les lancer.
Le gros de l’accord prévu en 2015 est cependant négocié en parallèle et ces travaux n’ont pas été affectés par ce contretemps.
Négociations ardues
La situation est d’autant plus préoccupante que les pays présents aux négociations sont encore très loin d’un accord. Celui-ci devrait normalement être conclu en 2015 pour entrer en vigueur en 2020. À Bonn, les douze jours de discussions doivent en théorie permettre de commencer à esquisser cet accord, nouveau temps fort à l’agenda de négociations qui piétinent depuis le fiasco du sommet de Copenhague en 2009. Les délégués doivent aussi voir comment faire mieux dès maintenant, en termes de réduction de gaz à effet de serre comme de financements.
«Les négociations sont entrées dans une phase critique de conception de l’accord de 2015», a souligné Mme Figueres la semaine dernière. «Pour l’instant, les travaux ont été agréablement constructifs, mais j’ai entendu un négociateur d’un pays émergent dire que, quand nous entamerons les négociations réelles, ce sera un bain de sang!», a confié à l’Agence France-Presse un négociateur européen.
Défi de taille, l’accord conclu en 2015 devra engager désormais tous les pays, dont la Chine et les États-Unis, les deux plus grands émetteurs de CO2, à réduire leurs émissions. La Chine émet près de 30 % du total planétaire, devant les États-Unis, à plus ou moins 15 %.
En attendant, l’Union européenne et l’Australie constituent l’essentiel des participants au «Kyoto 2», censé faire le pont entre maintenant et 2020. Cela représente à peine 15 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre. L’Union européenne s’est donné des objectifs ambitieux, puisqu’elle entend réduire ses émissions de GES de 20 % d’ici 2020 par rapport à 1990. Les États-Unis s’en tiennent pour le moment à un objectif de réduction de 17 % par rapport à 2005. Le Canada a théoriquement le même objectif.
Limiter le réchauffement?
Les 194 pays négociant sous l’égide de l’ONU se sont engagés à limiter le réchauffement à +2°C par rapport à l’époque pré-industrielle. Mais plusieurs études récentes ont montré que les engagements actuels ne permettent pas d’atteindre cet objectif. L’Agence internationale de l’énergie a ainsi prévenu lundi que la Terre se dirige présentement vers une hausse des températures de pas moins de 5,3 °C par rapport à l’époque préindustrielle.
Et selon l’Organisation météorologique mondiale, la concentration de CO2 dans l’air de la planète devrait atteindre dès 2015 ou 2016 une moyenne annuelle de 400 particules par million (ppm). Si les émissions de dioxyde de carbone dans l’atmosphère ne cessent d’augmenter et si la tendance se poursuit, la hausse du thermomètre devrait être de 3 à 5°C. Un tel scénario déclencherait des « changements cataclysmiques », selon la Banque mondiale.
«Face au défi d’avoir dépassé les 400 ppm pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, je n’ai pas besoin de vous rappeler que nous ne pouvons simplement pas nous permettre de ne pas obtenir de résultats urgents», a rappelé la semaine dernière Christiana Figueres.
Avec l’Agence France-Presse


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