Parce que le monde agricole existe depuis 10 000 ans, nos contemporains le croient éternel. Parce qu'une immigration de masse s'est déversée sur l'Amérique du Nord depuis 400 ans, la sagesse populaire veut qu'elle continuera à jamais. Parce que personne n'a employé l'arme atomique depuis Nagasaki, tous s'obstinent à croire que cela ne peut pas se reproduire. Etc. Or, ce bel univers mental, qui est un pur produit de l'habitude, risque d'être totalement et rapidement métamorphosé par un phénomène planétaire aux implications particulièrement mal comprises par les Québécois. Nous voulons parler de l'accélération de l'histoire. A lui seul, ce phénomène va empêcher la destruction planifiée de notre peuple. On peut brièvement le montrer.
L'origine du phénomène
A la base, notre univers possède quatre composantes fondamentales; à savoir la matière, l'énergie, l'espace et le temps. Comme la matière et l'espace sont inertes et que le temps s'écoule à vitesse constante, du moins à l'échelle humaine, on peut affirmer que si, de nos jours, les événements se précipitent à un rythme de plus en plus rapide, c'est parce qu'une quantité sans cesse croissante d'énergie est utilisée par l'humanité.
Avec la croissance de son savoir, cette dernière a appris, au cours des âges, à concentrer toujours plus d'énergie dans le moins de matière et d'espace possible. Pour maximiser ses réserves d'énergie, elle a aussi entrepris d'en stocker dans le plus de matière possible. Disposant d'une énergie sans cesse plus abondante et concentrée, l'humanité s'est mise à l'employer en quantités croissantes sur de très petites surfaces et dans des temps très courts. C'est l'origine de l'accélération de l'histoire. Pour faire image, nous dirons que le phénomène est causé par de l'énergie qui gicle.
La pression monte
Même si l'accélération de l'histoire est un phénomène très ancien, c'est tout récemment que l'Homme en a pris conscience. Pendant longtemps, le progrès technique lui donna plutôt une impression de ralentissement parce que les premières grandes révolutions technologiques de l'histoire (l'invention des armes, du feu, de l'agriculture, etc) lui permettaient d'accroître sa longévité et d'édifier des cultures et des sociétés plus durables. Pire: le recul des frontières provoqué par le passage à chaque nouveau stade géopolitique avait pour effet d'accroître son sentiment de sécurité et de permanence.
Même si l'extension continue des terres agricoles provoquait la destruction d'écosystèmes vieux de plusieurs millions d'années, nos ancêtres se mirent quand même à regarder le fermier à sa charrue ou la vache au pacage comme les symboles d'un monde immuable en éternel recommencement. Pour eux, l'Egypte ou la Chine agricoles étaient des pays éternels. Trop éphémères, les Humains ne pouvaient tout simplement pas comprendre que quelque chose était en train d'accélérer.
Cette perception changea quand l'accélération de l'histoire atteignit des dimensions humaines à l'époque de la Renaissance. L'explosion du savoir et de la puissance technique étant alors spectaculairement évidente, la notion de progrès fit son apparition.
Née en Europe, la révolution industrielle provoqua un épisode impérial qui permit de modérer pour un temps l'accélération de l'histoire. Dans un empire en expansion, en effet, l'énergie, les économies et les populations se déconcentrent par suite de la conquête de territoires mal développés. L'énergie s'éparpille. Pour le gouvernement impérial, la dilution est alors la solution, car l'émigration et l'exportation des produits de son industrie lui permettent de remettre à plus tard l'application des solutions que réclamaient auparavant certains problèmes urgents. Les historiens ont ainsi remarqué que la grande période impérialiste européenne, qui s'est étendue de 1815 à 1914, a été remarquablement pacifique. Les Européens étaient occupés ailleurs.
Quand tous les autres continents eurent été mis en exploitation, l'énergie, la population et la richesse recommencèrent à s'accumuler en Europe même, particulièrement dans une Allemagne en forte croissance où l'impression d'étouffement était exacerbée par le fait qu'elle possédait peu de colonies. Cela aboutit à l'explosion de violence de 1914-1945 qui se termina par la pacification durable de l'Europe. En Europe orientale, l'accélération de l'histoire fut si brutale que la société bolchevique - cette civilisation originale qui, avec son idéal, son économie planifiée et son homme nouveau, était censée changer à jamais le cours de l'histoire - a eu le temps de naître, de prospérer, de décliner, de s'effondrer et même de devenir une ringuarde vieillerie en l'espace d'une seule vie humaine.
Si l'Europe agressive et conquérante avait vécu, cela n'empêcha pas l'accélération de l'histoire de se poursuivre ailleurs. Pendant son asservissement, le tiers-monde avait en effet progressé à pas de géants et ce, dans tous les domaines. Profitant du fait que, dans un mouvement impérial des côtes vers l'intérieur, l'information circule plus aisément que les hommes ou les produits, les populations locales avaient partout entrepris de s'occidentaliser et ce, presque dès la naissance des empires. En dépit de leurs réticences de nature culturelle, elles n'avaient guère le choix de le faire, puisque la civilisation technique occidentale était la plus performante de toutes. Profitons-en pour mentionner que les civilisations peuvent être ordonnées en fonction de la plus ou moins grande quantité d'énergie qu'elles permettent de dégager au bénéfice de leurs populations. Depuis l'époque où la massue était une arme secrète, c'est toujours ce qui a déterminé leur plus ou moins grand succès relatif. Voilà pourquoi les peuples de notre ex-tiers-monde travaillent présentement si fort pour assimiler les deux grands apports que l'Occident a fait au patrimoine de l'humanité, soit la science et le Droit.
Grâce aux télécommunications modernes, un Occident sans Occidentaux s'est développé un peu partout sur la planète et tous les peuples sont entrés dans une phase d'exode rural, d'urbanisation, d'industrialisation et d'enrichissement ultrarapides. Dans ce processus de modernisation, que vécut naguère l'Occident, le monde agricole se meurt peu à peu. (Aux USA, une agriculture extrêmement productive emploie moins de 3% de la population active).
Comme, désormais, l'espace manque sur la planète, l'énergie s'accumule partout sur place; ce qui provoque une nouvelle accélération de l'histoire. Au point de vue matériel, cela se traduit par l'apparition d'une infinie variété de produits manufacturés, d'une immense pollution et par une fabuleuse prolifération des êtres humains, ces ¨produits¨ à très forte valeur ajoutée. Dans le domaine culturel, l'immense marché grouillant de jeunes des pays émergents provoque l'apparition de films catastrophes aux séquences ultrarapides, d'une musique à 120 décibels ou de jeux vidéo d'une violence extrême. Au Sud, six milliards d'êtres - bientôt huit - partagent la même détermination farouche; ils veulent tous réaliser le rêve américain (deux maisons, deux voitures, deux enfants, deux femmes, etc). Et gare aux gouvernants qui voudraient y mettre obstacle! C'est du chacun pour soi! La pression monte donc, inexorablement.
Comme dans la France de 1789, dans l'Allemagne de 1914 ou dans la Russie de 1917, ça va finir par gicler de façon brutale et inattendue à un des points de faiblesse du système international. Comme la liste des points de rupture potentiels ne cesse de croître avec l'augmentation de la pression, le moment de la catastrophe ne saurait être éloigné.
Les points de rupture
Les points de rupture les plus évidents du monde moderne sont ces vastes mégapoles qui se sont développées sur le pourtour d'océans dont le niveau devrait, selon les experts, monter de plusieurs mètres par suite du réchauffement planétaire. Dans leur quête de mieux-vivre, nos contemporains accélèrent leur descente du centre des continents vers les côtes et marchent vers les périls. Cela est d'autant plus vrai que la multiplication de ces vastes mégapoles créent des cibles parfaites pour des armes de destruction massive, à énergie concentrée, dont la prolifération se poursuit inlassablement.
L'irradiation, volontaire ou non, d'une ville comme New York ou Beijing serait catastrophique non seulement parce qu'elle tuerait ou blesserait des millions de personnes, mais aussi parce que les centres-villes modernes abritent nos meilleures élites en plus d'être les points focaux vers lesquels convergent les systèmes de communication dont dépendent souvent vingt, cinquante ou cent millions d'individus (routes, voies ferrées, aéroports, lignes téléphoniques, etc).
L'omniprésence de cibles aussi ¨tentantes¨ est d'autant plus préoccupante que l'humanité est engagée dans un processus de continentalisation qui incitent les différentes civilisations à se tourner le dos: la Chine regardant vers le Pacifique, l'Inde vers l'océan indien, etc. Bien qu'elles s'échangent du savoir technique et des produits, les civilisations modernes se parlent en effet fort peu. Ainsi, il se traduit moins de livres étrangers dans l'ensemble des pays musulmans que dans la petite Grèce! De leur côté, les Occidentaux ne comprennent pas que le renouveau islamique actuel, qui est massivement subventionné par l'argent du pétrole de la péninsule arabique, est en partie causé par une crispation identitaire de populations riches et craintives qui se savent encerclées et envahies. (Ex: les travailleurs étrangers forment les trois quarts de la population des Emirats Arabes Unis). Ceux qui ont vécu en Chine peuvent quant à eux témoigner du fait que, si ses habitants sont fascinés par l'Occident et ses techniques, ils ne montrent qu'indifférence pour les Occidentaux qui vivent au milieu d'eux. Enfin, les élites du Sud ne se gênent pas pour dire en clair - il suffit d'écouter - qu'elles méprisent et redoutent l'influence amollissante de la culture occidentale actuelle (drogues, perversions, etc).
A une époque où Al-Qaida a pu convaincre dix-neuf jeunes hommes intelligents de se suicider froidement pour faire s'écrouler le World Trade Center, il est évident que l'arme atomique ne peut plus être considérée comme une arme défensive.
La liste des autres points de rupture potentielle est longue. En Inde, par exemple, d'innombrables pauvres à la santé manifestement chancelante s'immergent régulièrement dans un Gange sacré dont les eaux sont aussi polluées que celles de nos égoûts. Or, cela se produit à une époque où de plus en plus de virus et de bactéries résistent à tout traitement. Il suffit d'ajouter que les avions modernes permettent à n'importe qui de passer d'un antipode à l'autre en quelques heures et à faible coût pour réaliser à quel point nous serons tous vulnérables quand une maladie aussi contagieuse que la peste apparaîtra.
Quant aux terres agricoles qui nous nourrissent tous, elles sont exposées sur quinze millions de kilomètres carrés aux retombées d'une pollution industrielle en croissance constante. Il en va de même de nos réserves d'eau potable et d'air pur. En Chine, par exemple, les rejets de centaines de villes industrielles aux cieux toujours brunâtres font mourir les fleuves et empoisonnent les terres. A Sumatra, les feux de forêts sont si étendus que, certains jours, la fumée produite empêche les décollages d'avions en Malaysie ou à Singapour. Nous vivons au milieu de nos déchets; nous les mangeons; nous les buvons et nous les respirons!
N'oublions pas de mentionner aussi le trou dans la couche d'ozone, les pluies acides, la surpêche, les océans qui sont devenus des poubelles; les récifs coralliens qui meurent; les espèces qui disparaissent en masse; etc. Même si toutes ces menaces sont bien réelles et actuelles, le développement de nos économies se poursuit quand même et s'accélère. Sur une planète aux ressources limitées, tous les pays continuent à croître et à s'enrichir.
Puisque c'est dans les pays émergents que l'accumulation de l'énergie est présentement la plus rapide, c'est là que la cassure va presque inévitablement se produire et à relativement court terme. Nous parlons ici d'un effondrement majeur et multiforme qui sera forcément pire que celui qui menace un Occident appauvri, vieilli et en voie de dépeuplement. Comme la puissante Europe qui s'est autodétruite entre 1914 et 1945, le reste du monde va bientôt faire de même, mais de façon plus brutale. Prisonnier de l'actuelle accélération de l'histoire, les pays émergents vont donc vite nous rattraper et même nous dépasser sur la voie du déclin. (Napoléon disait: ¨On peut s'arrêter quand on monte, jamais quand on descend¨.)
Partout, les niveaux énergétiques vont s'effondrer pour revenir à des seuils compatibles avec le lent rétablissement de la base écologique dont dépend notre survie à tous. Trop nombreuse, éparpillée et savante, l'humanité ne disparaîtra pas, mais elle vivra une régression culturelle qui pourrait la ramener temporairement à un stade géopolitique antérieur. Comme lors des autres crises, les peuples vont se replier, possiblement pour longtemps, sur leur terroir national avant de, peu à peu, reprendre l'actuel mouvement planétaire vers la continentalisation des économies. Ce dernier mouvement, de nature volontaire, sera encouragé par le fait que la coopération et l'élimination des conflits seront les seuls moyens d'augmenter notre richesse collective sans détériorer davantage l'environnement.
L'Occident sera-t-il submergé? Le croire, c'est oublier que ses sociétés n'ont jamais été capables d'absorber plus de quelques millions de réfugiés par année. De toute façon, nos économies, qui sont déjà malades, seront gravement perturbées par l'effondrement général; ce qui empêchera l'immigration de masse de se poursuivre. Rappelons qu'au cours de la période de crise allant de 1929 à 1945, l'immigration s'est presque totalement arrêtée en Amérique du Nord.
L'inconscience occidentale
Si l'accélération de l'histoire est si facile à constater, pourquoi les Occidentaux comprennent-ils si mal qu'elle va bientôt chambarder le petit monde auquel ils sont habitués? Si cela est, c'est d'abord parce que les temps ne sont pas synchrones entre leur civilisation déclinante et un tiers-monde en pleine explosion économique. Quand l'histoire se précipite au point de dépasser les capacités d'absorption de l'esprit humain, celui-ci a naturellement tendance à nier l'évidence et à se barricader dans ses vieilles certitudes. L'énergie et la hargne qu'ont toujours mis les hommes à défendre la religion, l'idéologie ou les préjugés de leur société ont presque toujours eu pour origine un pareil refus du changement.
L'incompréhension des Occidentaux est aussi causée par leur éloignement des grandes fournaises de l'histoire contemporaine; l'Europe étant une péninsule de l'Eurasie et l'Amérique, une île-continent isolée. Si les Québécois, par exemple, ont entendu parler de la fabuleuse explosion économique de la Chine moderne, ils ne l'ont pas vue. C'est la différence entre savoir et comprendre.
A ces causes psychologiques d'incompréhension s'ajoutent des problèmes d'ordre intellectuel. Pour commencer, l'actuelle prolifération du savoir en a provoqué le cloisonnement. Dans le vaste fichier des connaissances humaines, les tiroirs, en effet, se sont multipliés. Cela se constate dans nos universités où d'innombrables portes closes sont équipées d'écriteaux annonçant les départements d'économie, d'histoire, d'ingénierie, etc. Comme chacun y défend sa petite tour d'ivoire, presque personne ne fouille dans tous les tiroirs à la fois pour créer de fécondes synthèses. Certains concepts unificateurs tardent donc à apparaître et le savoir devient un fouillis.
Ainsi, les biologistes, les économistes et les géopoliticiens, qui parlent constamment de compétition, de concurrence et de conflits, donnent l'impression d'ignorer que, pour des raisons strictement économiques, la coopération est, et de très loin, un phénomène plus important que l'agression dans le monde vivant. Dans une forêt tropicale, par exemple, notamment à proximité des rivières, on trouve une masse compacte de matière vivante enchevêtrée où des milliers d'espèces végétales et animales coopèrent sans trop se nuire. S'y promène-t-on la nuit en silence qu'on est aussitôt assailli, non par des hurlements de douleur, mais par une vaste gamme d'odeurs végétales et une cacophonie de cris animaux qui transmettent de l'information et permettent à l'ensemble de fonctionner efficacement. La prépondérance de la coopération est tout aussi évidente dans les sociétés humaines, même dans nos mégapoles les plus violentes.
Notre méthode scientifique elle-même pose problème parce qu'elle permet de comprendre parfaitement un phénomène uniquement si on peut l'étudier en faisant varier un seul paramètre à la fois. (Cette façon de procéder nous a donné les belles équations symétriques de la physique et de la chimie.) Dans tous les domaines où de nombreux paramètres varient de manière incontrôlable (ex: économie, démographie, météo), les scientifiques utilisent les statistiques pour faire apparaître des tendances. Au cours des dernières décennies, cette méthode les a cependant amenés à faire des prédictions aberrantes. Ne tenant aucun compte de la notion de limites et négligeant de consulter les experts d'autres disciplines – les écologistes par exemple - des spécialistes tiraient alors une ligne droite sur les bouts de courbes qu'ils avaient dessinés pour ensuite nous annoncer doctement, que, SI les tendances se maintenaient, l'économie japonaise allait bientôt dépasser celle des Etats-Unis; qu'au 21ème siècle, nous travaillerions vingt heures par semaine ou que nous serions cinquante milliards d'êtres humains en telle ou telle année.
Si d'honnêtes experts isolés dans leurs disciplines ont pu proférer de pareilles inepties, c'est aussi parce que la science ne sait pas travailler avec des phénomènes qui varient avec le carré ou le cube du temps. Et c'est encore pire avec des phénomènes explosifs comme l'accélération de l'histoire.
Sur le front intellectuel, les choses ne devraient guère s'améliorer avec le temps compte tenu de la sclérose du savoir que causera le déclin démographique de notre civilisation. Le manque de jeunes esprits devrait en effet provoquer un fort ralentissement et peut-être la fin du miracle de créativité occidentale qui fut responsable de l'essentiel des changements des cinq derniers siècles. (Si les autres civilisations savent copier, elles sont étonnamment peu créatives.)
Dans le domaine politique, l'inconscience de nos contemporains est confortée par les mensonges intéressés de nos leaders qui, pour se dispenser d'agir, répètent inlassablement que, par exemple, la population humaine va un jour ¨se stabiliser¨ à huit ou neuf milliards d'individus alors que toutes les données sur l'évolution des taux de natalité montrent qu'en fait, un gigantesque effondrement démographique se prépare à l'échelle de la planète, particulièrement en Asie orientale.
L'inconscience à la québécoise
Toutes ces causes d'inconscience sont encore renforcées au Québec. Encore plus périphérique que le reste de l'Occident, notre patrie est en plus protégée physiquement par une superpuissance; ce qui accroît son sentiment de sécurité et de permanence. A cela s'ajoute le vieillissement de sa population et le fait que le Québec est un pays de basse énergie. Le froid, en effet, y diffuse la puissance et y détruit la richesse. Les tempêtes de neige y font perdre annuellement d'innombrables heures de travail et de nombreuses vies. Les maisons, coûteuses, sont munies d'une cave, de double-murs, de double-portes et de double-fenêtres et doivent être chauffées pendant plus de la moitié de l'année. Il faut y posséder deux garde-robes et se nourrir d'une nourriture importée à prix d'or. Les véhicules y sont différents (pneus à neige, antigel, etc). A cela, il faut ajouter le coût du déneigement des rues et des routes, des sels de déglaçage, des embâcles, des brise-glace et de tous les autres inconvénients qui n'existent pas dans les pays plus chauds. L'immensité du territoire et la faible densité de son peuplement diffusent eux aussi beaucoup d'énergie en rendant nécessaire la construction et l'entretien d'infrastructures extrêmement étalées qui, en plus, doivent être suffisamment solides pour résister aux violences du climat (froid de moins quarante, verglas, vents violents, dégel printanier, etc).
Eparpillé sur d'énormes surfaces froides, les Québécois de souche forment donc un peuple à évolution lente qui a été relativement épargné par l'accélération de l'histoire des derniers siècles. Habitué à observer de loin l'ascension et le déclin de grandes puissances (français, britannique, allemand, russe, japonais, américain et maintenant chinois), notre peuple du bout du monde sent bien qu'il est fait pour la durée, notamment parce que fort peu d'immigrants acceptent d'aller vivre en régions.
A toutes ces causes d'inconscience s'ajoutent la trahison de nos élites politiques dont l'intérêt est toujours le même: s'emparer du pouvoir et de la boîte à sous. Par peur de compromettre leurs chances d'y accéder, l'ensemble de nos politiciens, de connivence avec le Canada anglais, prônent dorénavant l'idée de noyer notre patrie sous un déluge annuel de soixante mille étrangers alors qu'il manque seulement 20 000 naissances annuelles pour stabiliser notre population. Tous cherchent à nous endormir pour nous empêcher de réagir contre le déclin évident de notre société: recul de son ethnie fondatrice, dette nationale en croissance, infrastructures désuètes, hôpitaux bondés, etc.
Trompés par leurs chefs, nombre de nos concitoyens espèrent même que les bouleversements annoncés par les écologistes vont se produire dans de nombreuses années et, si possible, après la longue retraite confortable qu'ils prévoient de passer en faisant de la voile (souvenez-vous de ¨Liberté 55¨).
Malgré tous les efforts faits pour nous faire ronronner, une intense émotion parcourt présentement le savoir au Québec. Les penseurs, les artistes et la population en général y sont suffisamment informés, notamment dans le domaine environnemental, pour sentir que quelque chose d'important va et doit se produire à l'échelle planétaire. Au niveau local, ils sont tout aussi anxieux de constater que, pour la première fois, le vieux plan ethnocidaire du Canada anglais a des chances de fonctionner. Cette angoisse est renforcée par le fait que peu de gens ont compris qu'au cours du prochain quart de siècle, l'accélération de l'histoire va faire parcourir au reste du monde les évolutions sociologiques qu'a vécues le Québec en soixante ans. Les mêmes causes vont y donner les mêmes effets, mais en plus rapide.
On remarquera ici que, si le Québec profond a survécu à toutes les vagues d'immigration massive du passé, c'est parce qu'il est un pays de transition et non d'immigration. Si tant d'étrangers y ont afflué au cours des siècles, c'est parce que le Saint-Laurent permettait de pénétrer profondément et à faible coût jusqu'au coeur d'un continent riche et sous-peuplé. Rebutés par l'hiver et ses coûts faramineux de même que par la nécessité d'apprendre deux langues complexes, les immigrants se sont toujours concentrés à Montréal, le temps de se refaire, avant de repartir vers des cieux plus cléments. Ce mouvement de redépart va s'accentuer avec l'appauvrissement que va causer la mise à la retraite massive de nos baby-boomers créateurs de richesse; tout cela dans un contexte international où de multiples pays s'enrichissent à vue d'oeil et éliminent le différentiel de niveaux de vie qui existe entre eux et nous. Si on ajoute à cela le fait que le tsunami en préparation dans les pays du Sud va provoquer une crise économique qui rendra impossible toute immigration de masse (tout en encourageant les redéparts), on comprendra que notre avenir national est moins sombre qu'il n'y paraît. Quant aux immigrants qui resteront à Montréal, ils finiront bien par arrêter de nuire et par se joindre à nous. Comme d'autres avant eux, ils deviendront notre chair et notre sang.
Sur le front démographique, un autre gouffre est en train de se fermer rapidement. Alors que notre natalité se rétablit lentement, celle de nombreux pays émergents, surtout en Asie orientale, s'est déjà (dès aujourd'hui!) effondrée bien en-dessous du seuil nécessaire au remplacement des générations. Compte tenu de la sensation universelle d'encombrement ressentie dans ces pays en forte croissance, pratiquement personne ne rêve d'y stopper la dégringolade. Cela signifie que, même si la planète devait échapper à l'immense crise qui s'annonce, une gigantesque pompe à immigrants se sera quand même mise en place loin de chez nous et dans un contexte où les jeunes seront partout devenus rares.
Sur cette planète malade de son développement, une sorte de course à reculons, qui pourrait durer des siècles, est déjà engagée dans le domaine démographique. Pour la gagner, le peuple québécois n'aura qu'à faire du surplace ou à reculer moins vite que les autres; la bonne santé relative de son environnement le lui permettra. Economiquement, nous aurons par ailleurs la chance de disposer de l'énorme réserve de richesses que représente tout ce que le petit Canada anglais actuel nous vole. Bien sûr, pour y avoir accès, il nous faudra bien un jour voter ¨oui¨ à quelque chose...
Jean-Jacques Nantel, ing.
Janvier 2011
L'accélération de l'histoire
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2 commentaires
Archives de Vigile Répondre
27 janvier 2011Ce que l'on est forcé de constater avec les faits que vous énumérés et des autres qui vont en ce sens, c'est que la population mondiale a besoin de changer de modèle.
L'être humain se réconforte dans des modèles statiques alors que la nature même de la vie est dynamique et changeante. Les changements s'opèrent dans le sens du modèle actuelle qui diverge en permanence ou du moins, oscille de façon chaotique.
L'indépendance du Québec sera un moyen de nous élevé, nous citoyen québécois. Cependant, si on ne s'attaque pas au mal profond de la société, cette exercice n'aura pour effet que de faire changer les choses pour une courte période et pour un nombre fini de personnes. Il y a une maladie qui gruge la condition humaine, il y a une maladie plus profond a éradiquer. Pour ce faire, il ne suffira malheureusement pas que de l'apparition d'une nation québécoise. J'ai espoir que l'indépendance, qui je l'espère arrivera bientôt, sera un pas en direction du changement.
Pour continuer dans une vision MACROSCOPIQUE du monde, un film viens tout juste de sortir :
http://www.youtube.com/watch?v=4Z9WVZddH9w
Sortez votre pop corn!!
J'aime vous lire mr. Nantel. Vos analyses sont pertinentes.
Archives de Vigile Répondre
25 janvier 2011M.Nantel
Votre vue en macrocosme du monde et de ses phénomènes m'impressionne. D'une certaine faĉon, elle rejoint la mienne plus sprirituelle, je dirais, du cause à effet.
J'entends par là, que l'abus de toute sorte mène inévitablement à une fin de tout.
Merci de partager votre savoir et de redonner espoir au peuple du Québec, ce pays en devenir et qui, comme vous dites, demande un OUI fort dans tous les isoloirs.
Lise Pelletier