Battre les libéraux

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Une cause commune pour tous les patriotes, peu importe leur sensibilité : dégager le régime libéral

Ce sera, très bientôt, l’heure des choix. Le jour J approche à grands pas, conclusion d’une campagne faible en contenu, sans enjeu central et sans clivage marquant, où les propositions des formations politiques démontraient un goût marqué pour l’approche clientéliste plutôt que pour les grands projets de société.


Mais il faut bien faire un choix.


Le Québec a longtemps été marqué par de grands éditorialistes à la plume redoutable, qui indiquaient, le jour du vote, leur préférence. Ces appuis ne représentaient nullement des professions de foi partisanes dénuées de nuance, car leurs auteurs ne laissaient jamais de côté le nécessaire esprit critique, et veillaient au grain quotidiennement, décortiquant l’actualité à la hache ou au scalpel. Les Gérard Fillion, André Laurendeau, Henri Bourassa et autres Olivar Asselin ont été, à ce titre, des modèles.


Certains quotidiens ont conservé cette tradition. Le Devoir et La Presseindiqueront vraisemblablement, au cours de la fin de semaine, le parti qu’ils préconisent pour former le prochain gouvernement. Le Journal de Montréal, lui, n’a jamais adopté de position de la sorte, selon les vœux de son fondateur, Pierre Péladeau. Mais le Journal permet cependant à ses collaborateurs d’avancer leurs préférences, qui n’engagent nullement la direction du quotidien.


Je n’inviterai pas, aujourd’hui, les lecteurs à voter pour un parti en particulier. Ceux qui veulent pouvoir comparer les argumentaires des formations politiques peuvent lire mes collègues les Spin doctors.


Non, je souhaite aujourd’hui avancer une chose, et c’est que les libéraux, après 15 ans au pouvoir, ont besoin de retourner dans l’opposition. Ils ont, au fil du temps, développé un cynisme et une arrogance à un niveau tel qu’ils ne peuvent que mériter une bonne leçon de modestie lundi soir. Les libéraux sont arrivés au pouvoir avant même l’invention de Facebook, comme le rappelait récemment Jean-François Lisée.


Ces 15 années ne seraient pas particulièrement scandaleuses, et devraient même mériter une réélection du PLQ si le bilan était reluisant. Or, les années libérales ont plutôt été celles où l’on a transformé l’État québécois en passoire pour les intérêts privés. Les transformations ont été profondes et radicales. J’en parlais il y a quelques mois dans le cadre du dossier du Journalconsacré au bilan des 15 années de pouvoir libéral. Par la multiplication des partenariats publics-privés et la transformation des CA des sociétés d’État pour que ceux-ci soient composés de gens issus du monde des affaires, les libéraux ont fait du Québec une base de réseautage à but lucratif.


Élus en 2003 en promettant de régler le problème des listes d’attente dans les hôpitaux, les libéraux terminent leur 15e année aux commandes du Québec par une entente consacrant comme jamais le statut des médecins comme caste privilégiée, et celui de l’État comme instrument fiscal mis à leur service.


Géants de l’économie, les libéraux? Le PLQ est plutôt un véhicule strictement au service du monde des affaires, et pas nécessairement du notre.


Par sa modification de la mission de la Caisse de dépôt et placement, l’État québécois a renoncé à jouer un rôle stratégique dans l’économie. La Caisse a d’ailleurs subi des pertes de 40 milliards de dollars à cause de la fonction imposée par le Parti libéral au pouvoir, lequel a aussi refusé de mettre en place une commission d’enquête sur la question.


Le refus d’intervenir lorsque survenaient de multiples fuites de sièges sociaux a été un bon exemple de la philosophie économique du gouvernement libéral. La ministre Dominique Anglade affirmait d’ailleurs que la vente de Rona était « une transaction bénéfique pour le Québec ». Le Plan Nord est également éloquent, ce véritable « bar ouvert », selon les mots de Jacques Parizeau, où on offre aux compagnies étrangères de se servir dans nos ressources minières tout en exigeant des redevances faméliques et en fournissant routes, électricité et infrastructures sans même exiger l’embauche de travailleurs locaux. Les cas du REM et de l’appel d’offres en vue de la construction du nouveau CTMA Vacancier illustrent aussi à quel point, sous les libéraux, l’État québécois est prêt à débourser pour que nous financions des projets à l’étranger et non chez nous. Ai-je également besoin de rappeler l’absolu gâchis du dossier Bombardier?


Pendant longtemps, le Québec se construisait comme foyer de notre nation. Nous nous sommes dotés d’un levier puissant pour nous développer, défendre nos propres intérêts et vivre pleinement notre existence distincte. Pour certains, il fallait aller plus loin et construire un État indépendant. Pour d’autres, il fallait réformer le fédéralisme pour obtenir davantage d’espace en son sein. Le PLQ ne s’est pas contenté de renoncer à faire de quelconques demandes pour améliorer notre place, il a carrément tourné la page sur la façon dont l’État québécois cherchait à incarner notre spécificité, et en a fait un simple comptoir administratif pour laisser à Ottawa tout le loisir de diriger selon ses propres priorités.


On a par ailleurs pu voir la déconnexion de Philippe Couillard vis-à-vis de la réalité du Québec à plusieurs reprises récemment. Tout d'abord lors du premier débat du chef, où les interventions des citoyens tranchaient radicalement avec le pays des mervilles que le premier ministre prétendait avoir construit (les libéraux ne rechignent d'ailleurs jamais à utiliser les fonds publics pour financer leur propagande partisane). On a aussi pu constater l'ampleur de sa torpeur lorsqu'il a déclaré que les familles pouvaient se contenter d'un budget d'épicerie de 75 dollars par semaine. Puis, pour clore cette grotesque comédie, le premier ministre a tenté de faire pitié en prétendant que ses avoirs étaient plutôt limités.


Ce gouvernement est en place depuis trop longtemps. Assez, c’est assez.


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Simon-Pierre Savard-Tremblay179 articles

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Simon-Pierre Savard-Tremblay est sociologue de formation et enseigne dans cette discipline à l'Université Laval. Blogueur au Journal de Montréal et chroniqueur au journal La Vie agricole, à Radio VM et à CIBL, il est aussi président de Génération nationale, un organisme de réflexion sur l'État-nation. Il est l'auteur de Le souverainisme de province (Boréal, 2014) et de L'État succursale. La démission politique du Québec (VLB Éditeur, 2016).