Loi contre les poursuites-bâillons

Barrick Gold règle ses comptes avec Écosociété

L'Affaire Barrick Gold vs Écosociété



Shields, Alexandre - Le passage de Barrick Gold devant la Commission parlementaire qui étudie le projet de loi 99 sur les poursuites-bâillons aura surtout été l'occasion de régler ses comptes avec la maison d'édition Écosociété, qu'elle poursuit pour six millions de dollars. La plus grosse société aurifère du globe a aussi invité les législateurs à la prudence, affirmant que «la liberté d'expression ne devrait pas signifier la liberté de dire n'importe quoi».
Bien que la cause soit déjà devant les tribunaux, Barrick a profité de la tribune qui lui était offerte pour répéter que «les éditeurs et les auteurs du livre ne sont pas victimes d'intimidation de notre part». «C'est bel et bien Barrick qui est la victime, dans la situation présente, sans égards à la taille des deux organisations et aux ressources financières qu'elles ont à leur disposition, soutient la multinationale dans son mémoire. C'est Barrick qui, répétons-le, est accusée d'avoir commis des crimes horribles comme le trafic d'armes, la corruption et le massacre de populations civiles ou d'en avoir été complice.»
Qui plus, «le livre Noir Canada n'est pas une oeuvre scientifique», selon l'entreprise. «Nous sommes convaincus, et en ferons la démonstration devant le tribunal, que les auteurs du livre Noir Canada ont failli à leur tâche et n'ont pas fait preuve de la rigueur scientifique que leur imposent pourtant leurs responsabilités de chercheurs, titre dont ils se réclament.» Le document déposé jeudi à Québec rappelle notamment que les auteurs ne sont pas entrés en contact avec la multinationale lors de la rédaction de leur ouvrage.
Le géant du secteur minier - qui a réalisé des bénéfices nets de 1,73 milliard en 2007 - se défend enfin de s'être livré à des activités criminelles en Afrique. Et compte tenu du «dommage» causé à sa réputation «par la conduite injustifiée et irresponsable» des auteurs et de l'éditeur de Noir Canada, l'entreprise juge que les six millions de dollars qu'elle leur réclame sont justifiés.
Partant de cette série d'affirmations, Barrick conclu que «s'il devait être jugé opportun, voire nécessaire d'adopter une loi de la nature du projet qui a été déposé, il faudrait vraiment en chercher le motif ailleurs que dans notre poursuite».
«Je suis ici pour démontrer que les actions en justice intentées par les grandes sociétés canadiennes ne sont pas toutes des poursuites-bâillons et qu'il y aurait perversion de la justice si l'on permettait à quiconque d'invoquer son statut de petite entreprise, de personne physique ayant des moyens limités ou encore de participant à un débat public afin d'éviter l'examen rigoureux de ses gestes par les tribunaux», a d'ailleurs souligné devant la Commission le vice-président directeur et directeur des affaires juridiques de Barrick, Patrick J. Garver.
Prudence
Au sujet du projet de loi 99, Barrick fait valoir que «la première considération du législateur, s'il décide d'intervenir, devrait être d'assurer l'équilibre entre la liberté d'expression et la responsabilité de chacun d'assumer les conséquences de ses gestes et de ses paroles». La multinationale invite donc à la «prudence», et ce, «pour éviter que le Québec devienne un lieu où la liberté d'expression se transforme en liberté de dire n'importe quoi; de colporter les pires accusations sans sentir le besoin de faire la moindre recherche; d'accuser les gens ou les organisations sous le simple prétexte qu'ils sont riches ou connus; d'utiliser le manque de ressources comme prétexte pour échapper à ses obligations».
Répliquant à Barrick au cours de la période de question qui suivait la présentation, le député péquiste Daniel Turp a critiqué sa volonté d'interdire aux Éditions Écosociété d'utiliser l'expression «poursuite-bâillon» pour qualifier son action en justice. Il a entre autre rappelé que plusieurs milliers de personnes, dont lui-même, ont signé une pétition en ligne qui dénonce cette affaire. «Quand est-ce que je vais recevoir moi-même une mise en demeure et quand est-ce que les 8870 autres signataires recevront-ils une mise en demeure pour avoir affirmé qu'il s'agissait d'une poursuite-bâillon?», a-t-il lancé au cours des audiences de la Commission.


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