Barack Obama, une fin de présidence au goût amer

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Pour tout dire, un fiasco

Il avait en tête une autre sortie: après huit années au pouvoir, Barack Obama quitte la Maison-Blanche sur une transition acrimonieuse rythmée par les salves de tweets de Donald Trump qui s'apprête à détricoter son bilan.

Même s'il peut s'enorgueillir d'une cote de popularité flatteuse, qui le place dans la même ligue que Ronald Reagan et Bill Clinton à l'heure du départ, la pilule est amère pour le président démocrate qui prononcera mardi à Chicago, où son aventure politique a commencé, son discours d'adieu.

La première rencontre dans le Bureau ovale entre les deux hommes au parcours et au tempérament radicalement différents avait surpris par son ton apaisé. Mais elle semble déjà lointaine.

Le 44e et le bientôt 45e président des États-Unis ont certes eu plusieurs échanges téléphoniques depuis ce tête-à-tête, mais la tension est chaque jour un peu plus palpable.

«Le gouffre entre leurs positions politiques, leurs personnalités et leurs partis était trop béant pour que cette transition se passe sans heurts», résume Larry Sabato, professeur à University of Virginia.

Sur certains dossiers, comme la réforme de l'assurance-maladie (Obamacare) ou la lutte contre le réchauffement climatique, l'orientation est claire: son successeur républicain ira à rebours, par décret ou par voie législative, de toutes les initiatives prises au cours des huit dernières années.

Sur d'autres, en particulier en politique étrangère, le flou est total: que deviendront, dans les mois à venir, l'ouverture à Cuba ou l'accord sur le nucléaire iranien ?

L'homme d'affaires de 70 ans, qui sera le plus vieux président à entrer à la Maison-Blanche, n'épargne plus le président sortant, 55 ans. Ou plutôt, il souffle, comme il le fait avec nombre de ses rivaux ou alliés, le chaud et le froid.

«Je fais de mon mieux pour ignorer les nombreux obstacles et déclarations incendiaires du président O. Je pensais que la transition se ferait en douceur. MAIS NON!», lance-t-il sur Twitter fin décembre.

Interrogé quelques heures plus tard sur ce thème, il assure, tout sourire, que le processus se fait «très, très en douceur».

«Rupture avec la tradition»

«Par le passé, il y a bien sûr eu des critiques visant l'administration sortante, mais elles se limitaient généralement à des commentaires anonymes de l'équipe entrante. L'utilisation des tweets à cette fin par Trump est une grande nouveauté», estime David Clinton, de Baylor University, auteur d'un livre sur les transitions.

Et l'homme d'affaires novice en politique ne retient pas ses coups sur les dossiers du moment.

Barack Obama annonce des sanctions contre Moscou accusé d'avoir essayé d'influencer le scrutin présidentiel ? Donald Trump salue «l'intelligence» du président russe Vladimir Poutine.

L'exécutif laisse présager de nouveaux transferts de détenus depuis la prison de Guantanamo vers des pays tiers ? Le président élu met en garde contre une telle démarche, insiste sur la menace que représentent «des gens extrêmement dangereux».

«Donald Trump s'est comporté comme s'il était coprésident ou peut-être déjà président. C'est une rupture complète avec la tradition», estime Larry Sabato. «Il a enterré la règle de "Un président à la fois"».

Barack Obama a, de son côté, lancé une série d'initiatives de dernière minute pour mieux marquer son territoire: abstention sur une résolution de l'ONU contre la colonisation israélienne, décrets bloquant tout nouveau forage de gaz ou de pétrole dans de vastes zones de l'océan Arctique.

En affirmant, lors d'un entretien avec son ancien conseiller David Axelrod, que s'il avait pu être de nouveau candidat il l'aurait emporté face à Donald Trump, il savait par ailleurs qu'il piquerait au vif son successeur, dont la susceptibilité n'est plus à démontrer.

L'histoire des transitions présidentielles n'a pas toujours, tant s'en faut, été un long fleuve tranquille.

Celle, au milieu du siècle dernier, entre Herbert Hoover et Franklin D. Roosevelt restera dans les livres d'histoire comme l'une des plus houleuses, les deux hommes refusant de s'adresser la parole le jour de l'inauguration.

Au tournant des années 1980, la passation entre le démocrate Jimmy Carter et le républicain Ronald Reagan fut tendue, sur fond de crise des otages américains en Iran qui se dénoua le jour de la prise de fonction du républicain.

Celle entre George W. Bush et Barack Obama, fin 2008/début 2009, est, à l'inverse, souvent citée comme un modèle du genre.

Et ce dernier rend régulièrement hommage à son prédécesseur pour expliquer son attachement à une transition du pouvoir «en douceur», «l'une des marques de fabrique de notre démocratie».

Celle de 2016/2017 restera probablement comme l'une des plus étranges qui soit.

Que restera-t-il des deux mandats de Barack Obama ?

Deux mandats, huit années: que restera-t-il du passage de Barack Obama, 44e président des États-Unis, à la Maison-Blanche ?

Une élection historique, une présidence digne

Les historiens retiendront à coup sûr une chose: 143 ans après l'abolition de l'esclavage, Barack Hussein Obama, jeune sénateur éloquent de l'Illinois, est devenu, à 47 ans, le premier président noir de l'histoire des États-Unis.

Un ton, un style, une forme d'élégance dans l'exercice du pouvoir que tous, y compris ses adversaires, lui reconnaissent: il a présidé sans être éclaboussé par les scandales qui ont marqué les mandats de plusieurs de ses prédécesseurs.

Sa complicité affichée avec sa femme Michelle et ses deux filles, Malia et Sasha, aura aussi contribué à donner une image positive d'une famille présidentielle qui a minutieusement calibré sa communication.

La sortie d'une violente crise économique

Arrivé au pouvoir au beau milieu d'une crise sans précédent depuis la grande dépression des années 1930, Barack Obama a su redresser la barre même si les conséquences sociales de ce cataclysme financier se font toujours sentir.

À son arrivée à la Maison-Blanche en janvier 2009, le taux de chômage s'établissait à 7,9 %, grimpant même à 10 % quelques mois plus tard. Il est aujourd'hui de 4,7 %.

L'ombre du conflit syrien

Le conflit syrien, qui a fait plus de 300 000 morts et jeté des millions de personnes sur les routes, hantera longtemps Barack Obama, qui a avoué une forme d'impuissance sur ce dossier.

Échaudé par le bourbier irakien, il a toujours rejeté l'envoi de troupes au sol. Mais son extrême prudence - sa passivité, selon ses détracteurs - fut l'objet d'un tir nourri de critiques, aux États-Unis et au-delà.

Sceptique face à l'idée selon laquelle fournir plus d'armes aux rebelles modérés aurait favorisé le renversement du président Bachar al-Assad, il conteste aussi l'idée selon laquelle des frappes aériennes contre le régime lors de l'utilisation d'armes chimiques auraient eu un impact «décisif».

Le raid audacieux contre Ben Laden

«Ce soir, je suis en mesure d'annoncer aux Américains et au monde que les États-Unis ont mené une opération qui a tué Oussama Ben Laden».

Dans la nuit du 1er 2 mai 2011, des forces spéciales américaines lancent un raid sur la résidence d'Oussama Ben Laden, qui vivait caché à Abbottabad, au Pakistan. Les Américains évaluaient alors à «50-50» les chances qu'il se trouve bien sur place.

La photo de Barack Obama suivant les développements avec d'autres hauts responsables dans la «Situation Room», restera une des plus emblématiques de ses deux mandats.

À l'offensive sur le climat

En pointe sur ce dossier dès son arrivée au pouvoir, Barack Obama fut l'un des principaux architectes de l'accord mondial sur le climat conclu à Paris fin 2015.

Du fiasco du sommet de Copenhague en 2009, il a tiré un enseignement central: les négociations internationales sur le climat ne pouvaient aboutir sans un accord entre les Etas-Unis et la Chine, les deux principaux pollueurs de la planète.

Son bilan sur ce dossier pourrait cependant être largement détricoté par son successeur.

L'accord nucléaire iranien

L'accord conclu en juillet 2015 avec Téhéran visant à l'empêcher de se doter de l'arme nucléaire en échange d'une levée des sanctions fut la plus grande victoire diplomatique de Barack Obama.

Il a vu dans cet accord, qui a provoqué la colère d'Israël, mais a été largement salué ailleurs à travers le monde, la traduction concrète d'un des principes fondamentaux de sa politique étrangère: donner sa chance au dialogue, même avec les ennemis de l'Amérique.

La fragile percée Obamacare

La réforme de l'assurance-maladie, dont il avait fait la priorité absolue de son premier mandat, a été votée en 2010 à l'issue d'un combat parlementaire d'une rare violence qui a coûté cher aux démocrates.

Grâce à l'«Affordable Care Act», connu sous le surnom d'Obamacare, le nombre d'Américains sans couverture santé a chuté de 16 % en 2010 à 8,9 % en 2016. Le système, d'une extrême complexité, compte cependant nombre de détracteurs. Les républicains ont promis de supprimer cette loi qui incarne à leurs yeux tous les maux de la présidence Obama.

L'ouverture surprise à Cuba

Le 17 décembre 2014, après des mois de négociations menées dans le plus grand secret, Barack Obama annonce un rapprochement spectaculaire avec Cuba après des décennies de tensions héritées de la Guerre froide.

Son voyage sur place 15 mois plus tard marque un tournant dans ce rapprochement dont la dimension économique - opportunités d'investissement pour les groupes américains - pourrait être la garantie la meilleure.

Les tensions raciales persistantes

Très attendu sur la question des inégalités raciales, le premier président noir de l'histoire, élu grâce au soutien massif des minorités, a déçu.

Même s'il s'est parfois livré de façon personnelle, il a été soucieux de ne jamais apparaître comme le président d'une minorité et a observé une grande prudence - excessive selon une partie de son électorat - face à la succession de drames (hommes noirs tombés sous les balles de policiers).

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