Le moins que l'on puisse dire, c'est que la lettre publiée dans Le Devoir d'[hier] sur l'anglicisation du Québec, signée par messieurs Dion-Goudreau et Campeón, ne me laisse pas indifférente. Le débat sur la langue suscite de multiples réactions et tout cela finit par devenir ennuyeux, même les palabres et les impolitesses de VLB.
Mais cette lettre, peu importe les objectifs de ses auteurs, m'a fait sursauter. Ils évoquent l'anglicisation généralisée de la société québécoise qui passerait par l'éducation obligatoire en langue anglaise, ils ajoutent qu'en s'affranchissant d'une langue qui confine au repli (le français), les Québécois pourraient enfin s'épanouir pleinement... et patati et patata!
Je suis allée voir récemment au théâtre Le Trident la pièce de Daniel Danis, Terre océane. Une pièce magnifique, mise en scène habilement par Gil Champagne et qui n'est pas du tout une pièce de frileux replié sur lui-même. On y décrit des sentiments universels. Quand je lis des auteurs comme Robert Lalonde, Francine Noël, Michel Tremblay, quand je vois au cinéma, des films comme L'Audition, Tout est parfait, Continental, un film sans fusil, quand on regarde aller Robert Lepage, tout cela ne démontre pas un repli sur soi mais une ouverture sur le monde.
Il faudrait donc renoncer à cette richesse et tout créer dorénavant en anglais? Qui, à Toronto, remporte les trophées du cinéma canadien? Il faudrait faire du Québec une dixième province comme les autres? Faisons taire les «chialeux», qu'on les arrête de parler un français qu'eux seuls comprennent!
Par ailleurs, je dois donner le mérite à messieurs Dion-Goudreau et Campeón de nous renvoyer la vérité en plein visage lorsqu'ils rappellent que les Québécois ont refusé à deux reprises de se donner un pays, ayant donc maintenant à assumer ce choix. Les auteurs concluent toutefois qu'assumer ce choix, c'est faire le choix de l'anglicisation...
Pourquoi donc au Québec parler une deuxième langue comme l'anglais n'est-il pas vu comme un complément? Parler anglais ne signifie pas renoncer au français mais ajouter une corde de plus à son arc. Et pourquoi pas une troisième langue? C'est cette vision qu'il y aurait lieu de choisir plutôt que celle voulant qu'adopter une langue, c'est renoncer à une autre.
Aimer le français
J'ai une fille adolescente qui parle et écrit très bien le français. Elle lit également beaucoup. Elle étudie présentement à l'étranger en anglais et elle apprend l'allemand. Elle parle du Québec à ses amis et elle fait la promotion d'auteurs de chez nous.
Elle me disait récemment qu'elle aime ce qu'elle fait mais que tout cela lui fait apprécier encore plus son Québec et sa langue française. Elle n'est pas la seule, et j'ai foi en ces jeunes qui ne sont pas cyniques et qui, tout en ayant une ouverture sur le monde, conservent leur amour du Québec, de leurs origines et de leur langue française.
Je sais, plusieurs diront que tout cela relève d'un idéal fleur bleue. Je dirais plutôt qu'il s'agit d'un grand espoir en la jeunesse et aussi d'une grande fierté de notre langue française. Mais la fierté, on ne la trouve pas dans les boîtes de céréales, ça se cultive. Ça ne se trouve pas non plus en épousant l'anglicisation à outrance.
Merci, malgré tout, aux deux auteurs de cette lettre qui m'a secouée et m'a fait réagir!
***
Monique Girard, Québec
NDLR: Le texte provocateur Angliciser le Québec, publié hier en cette page, a fait réagir nos lecteurs, c'est le moins qu'on puisse dire. Il nous incombe de préciser toutefois que l'un des deux signataires de ce texte s'est présenté malgré nous sous un pseudonyme, ce qui est tout à fait contraire à notre pratique. L'auteur Roberto Campeón est donc en réalité Simon Carreau, étudiant à la maîtrise en sociologie à l'UQAM. Le second signataire demeure Emanuel Dion-Goudreau, il a étudié l'urbanisme à l'Université de Montréal puis, à la maîtrise, à l'Université de Paris XII.
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