Les médias et le West Island ont suffi!

Avec la pensée magique, on peut marcher sur des nuages

Tribune libre

En Septembre 2012, le P.Q. Marois avait habilement profité d’un vote qui n’était pas le sien. En effet, comme à toutes les élections depuis 1973, il y a eu alors dans les suffrages obtenus par le P.Q. un vote d’opposition aux rouges, aussi bien alors opposé à Charest, qu’à Johnson et Bourassa avant lui.

C’est précisément cette donnée fondamentale, pourtant élémentaire, que les grands stratèges péquistes ont sous-estimée en 2014, ce vote « flottant », présent aussi bien en 2012 qu’avant, souvent à la recherche d’une impossible « troisième voie », mais sachant fort adroitement se satisfaire d’un stationnement politique. Il s’agit d’un vote bleu, mou, traditionnel et conservateur, mais quand même fidèle et consistant contre les rouges. C’est un vote historiquement réparti aussi bien en faveur du P.Q. que de la C.A.Q. en 2014, mais avant, en faveur de l’A.D.Q. aussi, et jusqu’à la défunte U.N., et dont on peut observer la trace jusqu’aux aux temps où P.Q. était encore brave et imaginatif, c’est-à-dire au temps où il n’avait pas encore été pris en charge par les démissionnaires du progrès qui l’ont finalement mené là où il est maintenant.

C’est ce vote traditionnel, flottant, mais flottant exclusivement parmi Nous, (comment ne pas le remarquer ?) et dont les stratèges péquistes avaient pourtant profité en septembre 2012, qui a pu leur faire croire en 2014 ce qu’il ne fallait surtout pas qu’ils croient: QU’ILS POUVAIENT MARCHER SUR DES NUAGES. Croire à cette ineptie, en effet, que ce qui avait été en réalité un PLAFOND en septembre 2012, pouvait se transformer comme par magie en PLANCHER en 2014.

Évidemment, cette « magie » qui opère encore dans notre camp, c’est cette maudite pensée magique issue du référendum de 1995, celle-là qui n’a jamais cessé depuis de faire croire que notre force politique se situait à 49%, pour toujours, que cela constituait une sorte de plancher immuable- en vérité une pure illusion- cette illusion dont hélas, mille fois hélas, le P.Q. et tout le mouvement indépendantiste ne s’est jamais complètement débarrassé. Eh bien, le 7 Avril, le P.Q. et bien des péquistes sont revenus de bien des illusions. Car s’il est vrai que 320,000 électeurs ont boudé le P.Q. en 2014- c’est la réalité la plus cruelle- ce n’est pas parce qu’ils voulaient plusse-plusse d’Indépendance que n’en offrait le P.Q., ou alors O.N. aurait pu servir de refuge…alors pourtant et précisément qu’O.N. a lui aussi perdu des votes entre 2012 et 2014.

Avec le référendum qui leur sert de lampe de poche¹, les référendistes parmi nous, ceux qui ont espéré depuis si longtemps, mais d’autres qui ruminent, en particulier ceux qui ont constamment blâmé Pauline Marois de ne pas avoir su retrousser ses manches à la manière de Rambo, pour montrer de gros bras, ni de s’être mise à sacrer comme lui, ni en 2012 ni en 2014, ni jamais en fait parce que simplement Pauline Marois n’a jamais été une Rambo de la politique, qui lui reprochent de ne pas avoir su défendre ni la Cause ni ce « formidable-instrument-démocratique-du -référent-dum-dum-bla-bla- » avec la vigueur requise, fatalement, les référendistes sont incapables maintenant de prendre la bonne mesure de l’électorat et sont d’excellents candidats au déni. Voilà la première conséquence de l’emprise de la pensée magique issue d’une détestable spirale qui nous enveloppe depuis 1995. Et voilà bien aussi la condition essentielle pour mener à bien un autre de ces procès péquistes envers ses apparatchiks, une pure tradition au P.Q., le plus soviétique de tous les partis du Québec, à l’exception de Q.S. évidemment.

C’est simplement qu’une vieille boussole est défectueuse depuis très longtemps : plutôt que d’indiquer le bon cap au navire amiral, « Nous et l’Indépendance », son aiguille est restée collée sur un cap bien secondaire, le « Référendum sans Nous », et dont l’endos est évidemment, hélas encore, « l’élection référendaire sans Nous ».

C’est tellement facile, en effet, et tellement accommodant d’oublier que le West Island est en pleine expansion et qu’il vogue sur une mer tranquille. Depuis le 7 Avril, il est devenu très clair que le cap Référendum, avec ou sans Nous, n’a plus aucun sens. Une vieille boussole devrait être jetée, et avec elle tous vieux programmes péquistes, tous devenus obsolètes.

La très dure vérité, c’est que la culture péquiste du « référendisme » et de l’étapisme n’a jamais été capable de produire un plan B. La « gouvernance souverainiste » ne s’est jamais véritablement imposée et n’a jamais fait consensus auprès des indépendantistes malgré pourtant que c’est elle, cette méthode politique, qui a sauvé le P.Q. d’une déroute annoncée depuis bien avant le retour de Pauline Marois en politique. Quoi qu’on en dise, ce n’est pas Pauline Marois qui a vécu sur du temps emprunté, c’est le P.Q. lui-même qui a vécu sur du temps emprunté, et cela depuis bien avant le passage d’André Boisclair. Je suggère simplement ici que le P.Q. vit encore sur du temps emprunté en Mai 2014. Les rouges et le West Island sont en pleine expansion.

Essentiellement, la « gouvernance souverainiste » est le plan B que les référendistes et maintenant les tenants de l’élection référendaire n’ont jamais été capables de produire. Qu’on la nomme comme on voudra dans le futur, la « gouvernance » des indépendantistes, s’il doit y en avoir une… c’est le seul chemin qui reste accessible à court terme, si évidemment on croit que le pouvoir de faire le pays reste dans l’ordre de l’accessible, et non pas dans celui du mythique Grand Soir, lui devenu inaccessible d’irrémédiable façon depuis ce fatidique 7 Avril 2014.

Un parti politique, c’est avant toute chose une machine pour prendre le Pouvoir. Sa vocation n’est pas d’abord pédagogique. Pour instruire ceux et celles qui n’auraient pas « encore compris », un Mouvement suffit amplement. C’est la raison principale, et toujours la même d’ailleurs, pour laquelle un plan B existe : prendre et garder le pouvoir. Et s’il y a un plan B, c’est parce qu’hélas le maudit plan A et tous les programmes péquistes n’ont jamais suffi à la Tâche depuis 40 ans.

C’est la plus triste des ironies que la « gouvernance souverainiste » ait précisément été victime des referendum’lovers qui traînent encore au P.Q. Car, pris dans son ensemble, l’électorat n’a pas désavoué ni un mauvais gouvernement ni une « gouvernance ». Il a simplement désavoué, de la plus triste façon mais de la plus radicale aussi, un gouvernement à qui une patente anti-Québec avait violemment attribué l’idée qu’il s’apprêtait à faire un référendum s’il était élu. Ce n’est pas le « bon gouvernement » ou le mauvais gouvernement péquiste qui a été battu aux urnes. (Oh que non ! Et les libéraux ne seront pas meilleurs !) Ce sont les médias et le West Island derrière eux, qui ont mené Ensemble auprès de l’électorat québécois une immense charge de propagande contre les indépendantistes, en réalité contre les référendistes parmi nous.

Il y a un mot pour décrire ce que les médias du West Island ont fait en 2014 : déstabilisation.

Ce n’est pas la mauvaise gestion du gouvernement Marois qui a incité 320,000 électeurs à déserter le P.Q., ce serait plutôt l’action conjointe ou plutôt l’inaction conjointe des stratèges péquistes et ces forcenés, ces obsédés du référendum à l’intérieur du P.Q. qui s’agitent et qui réclament un pays à chaque conférence de presse, et qui n’admettent pas, ni les uns ni les autres, qu’un référendum puisse être seulement dans l’ordre des moyens, une menace, utile, très utile même à notre Cause, eh oui, une menace immensément redoutable et redoutée par les fédéraux, mais alors seulement et uniquement si un gouvernement indépendantiste est MAJORITAIRE, à défaut de quoi, il n’y a plus de menace du tout et les fédéraux n’ont plus peur de rien du tout. Mais hélas, il y a une contrepartie : cette simple « menace » dans les mains des indépendantistes se transforme invariablement en arme de destruction massive dans les mains sales du West Island. Et c’est bien ce qu’on a vu dès le lancement de la dernière élection : tout était déjà joué dans les médias dès le premier jour de la campagne électorale ¹, sur cette idée loufoque qu’un référendum se préparait, en prévision d’un pic à atteindre lors du vote par anticipation.

Ce n’est pas tant que Pauline Marois manquait de leadership ni qu’elle avait des p’tits bras d’alligator qui expliquent la mauvaise performance du P.Q. ce sont tous ceux-là qui ont cru, certains parce qu’ils voulaient tellement y croire, et d’autres en face qui le craignaient tellement en simple réaction, et qui tous ensemble ont cru ce qu’inventaient les médias à la solde d’Ottawa : qu’il y aurait un référendum bientôt advenant l’élection du P.Q. au gouvernement.

Il a donc été de la plus grande facilité aux médias mercenaires et au P.L.Q. de rappeler ensemble à l’électorat la tenue possible, probable, certaine, d’un maudit référendum, pour que cet électorat bleu, mou et traditionnel, flottant (pourtant-pourtant, eh oui, encore et toujours prêt à flotter à nouveau dans notre direction pour autant qu’on s’enlève les doigts de dedans le nez…) déguerpisse du stationnement péquiste et rejoigne le camp des rouges, mais aussi, eh oui, eh oui, il y a ici une très dure admission à faire dans notre camp : qu’il rejoigne surtout le camp de la C.A.Q., comme un autre stationnement.

Le 7 Avril, le P.Q. a été battu par les médias et le West Island ensemble, oui, oui, très certainement« Ensemble »… mais il a subi des pertes au profit de la C.A.Q. qui elle-même a perdu des votes au profit des rouges. CELA DEVRAIT SUFFIRE POUR LONGTEMPS À MESURER LA CAPACITÉ RÉPULSIVE DU RÉFÉRENDUM.

¹ Contrairement au bavardage de Pierre Duchesne, l’ex-ministre péquiste, qui croit encore qu’il y a eu un « glissement » de l’électorat au cours des 10 derniers jours de la campagne, je maintiens au contraire que dès le premier jour, les jeux étaient faits. C’est au cours des 10 derniers jours que les stratèges péquistes ont réalisé que c’est la stratégie du West Island qui fonctionnait. Le « glissement » avait déjà eu lieu 10 jours avant le vote par anticipation et non pas après.


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4 commentaires

  • Marcel Haché Répondre

    11 mai 2014

    @ Christian Bastille.
    Je crois avec vous qu'il faut que le P.Q.( et tous les indépendantistes) entendent bien le ton du peuple québécois. Ce peuple-là, quant à moi,c'est Nous.
    Bien que je n'en fus pas le plus grand fan,ni le plus grand féfane...René Lévesque fut indéniablement un grand leader. Il n'a jamais hésité à parler de Nous.Ni les souches, ni les Tremblay d'Amérique, ni les nous-zautres ne l'ont jamais gênés.
    le Québec serait ailleurs, paraît-il. Lévesque, c'était une autre époque, parait-il encore. Je peux comprendre ce qu'il y a à comprendre. Mais ne se pourrait-il pas que cette nouvelle époque que Nous devons vivre soit encore une époque qui Nous appartienne, à Nous spécifiquement, à Nous toujours et encore.
    Est-ce que ce n'est pas à Nous que le temps est désormais compté ?
    Je crois bien humblement que c'est pour Nous que le temps presse...pas pour le West Island, qui a tout son temps. Wake up P.Q.

  • Archives de Vigile Répondre

    9 mai 2014

    Très bon article. Vous avez mis le doigt sur le bobo. Le PQ doit se transformer radicalement. Effectivement, s'il y avait tant d'indépendantiste insatisfait du PQ ils auraient pu aller à ON. Seulement 1% de plus pour QS. Ça veux dire que les gens ne tiennent pas tant que ça à la souveraineté pour l'instant. Les gens de ma génération (40ans) en sont le plus atteint. Ils ont voter à 80% oui en 95. Tout le monde croyait que ce n'étais qu'une question de temps avant le pays, car les jeunes votaient oui en grande majorité. Aujourd'hui cette génération appuie le projet autour de 30%. Les 50% perdus ne veulent souvent plus entendre parler de souveraineté. Je sais ce que je dis, je n'ai cessé d'en parler depuis 95 et les gens ne veulent plus rien entendre. Alors même si les référendistes voudraient qu'on en parle plus, on en parle à qui? Entre convaincu? Certes il faut en parler qu'en même car il y a de nouveaux jeunes qu'il ne faut pas échapper. Mais ceux qui ont déjà vécu le débat, ça ne sert pas è grand chose. Je crois cependant que nous devrions refaire le long chemin des revendications traditionnelles du Québec auxquelles on ajouterait quelques points. Entre autre, faire un seul rapport d'impôt. Nous devons retourner au peuple et écouter le peuple. La population (66%) croît encore qu'il faut donner une dernière chance à Ottawa de renouveler le fédéralisme. Je ne croîs pas que c'est possible, mais on se doit de travailler avec ce que le peuple veux. Si on veux lui imposer notre idée de force, il réagira toujours de cette manière dès que quelqu'un sortira l'épouvantail du référendum. La seule manière de se faire écouter, c'est de démontrer de l'ouverture de notre côté. Les gens veulent aussi du concret. Il veulent le vivre, ils ne veulent pas ce le faire dire.

  • Marcel Haché Répondre

    8 mai 2014

    @ Florent Marquis.
    Je connais mieux Laval que la Rive Sud de Montréal. Lorsque j’écris que le West Island est en expansion, je pense à cette région du 450 où il suffit du vote mobilisé du West Island, le vote ethnique anti-Nous ¹, pour faire basculer l’élection en faveur du P.L.Q. pour cette raison très simple que Nous seuls sommes divisés.
    Le fait que le mouvement indépendantiste soit maintenant divisé lui-même en différentes chapelles accentue, bien évidemment, la faiblesse du seul porteur de ballon sérieux de l’Indépendance. Au plan électoral, la division des indépendantistes reste dans la marge. Cependant, ce n’est pas « à la marge » qui est en cause au niveau du discours politique à tenir à l’électorat si, à toutes les batailles qu’il faut faire, les « belles-mères » viennent faire un autre dernier tour de piste en faveur de tous les factieux du mouvement indépendantiste, tous prêts à faire sauter la baraque pour une virgule, surtout si à chaque fois que l’heure est « grave », les belles-mères viennent fournir gratuitement au West Island, aux médias inféodés au West Island, toutes les armes qu’il ne réclame même pas contre notre Cause.
    Vous visez Mario Dumont ? Je n’hésite pas à tirer sur Jacques Parizeau et sur son célèbre dauphin, le plus anti-Nous parmi nous : Gilles Duceppe.
    ¹ Anti-Nous ? J’exagère ? Faut avoir vécu et travaillé dans Chomedey…

  • Florent Marquis Répondre

    7 mai 2014

    Vous mettez en effet le doigt sur quelque chose de fondamental dont personne ne parle, ou presque. Ça fait plus de 20 ans que nous savons que le Canada Anglais n'a plus besoin du vote du Québec pour former un gouvernement majoritaire à Ottawa. Or, depuis le 7 avril dernier, et peut-être même depuis l'élection à répétition des libéraux de Jean Charest, le Canada Anglais n'a plus besoin de l'appui du Québec Français pour gouverner le Québec. Il lui suffit de s'appuyer sur le West Island et sur les couronnes nord et sud de Montréal qui sont de plus en plus colonisées par les immigrants, et bien entendu sur la division du vote du Québec Français entre PQ, QS, et CAQ.
    Dans les jours qui ont suivi la défaite du 7 avril, Mario Dumont notait dans sa chronique du Journal de Québec que du temps où il faisait de la politique active, le comté d'Anjou pouvait passer du PQ au PLQ et vice-versa d'une élection à l'autre, alors qu'aujourd'hui ce comté est acquis au PLQ à cause de sa composition ethnique. Observant les changements démographiques provoqués par l'immigration de masse, Dumont disait avoir anticipé que le PLQ détiendrait le pouvoir en permanence à partir des années 2020. Or, le résultat du 7 avril lui donnaient à penser qu'il s'était trompé de quelques années dans sa prévision.
    Dumont avait de l'ascendant sur une partie de l'électorat. Malheureusement, au lieu d'utiliser cet ascendant pour faire ramer son électorat dans le sens des intérêts supérieurs de la Nation, il l'aura plutôt utilisé pour Nous faire perdre du temps et Nous faire tourner en rond. Il est donc en partie responsable du désastre qu'il dit avoir vu venir. Qu'il n'ait rien fait pour prévenir ce désastre en dit long sur l'irresponsabilité du bonhomme et sur le politicien médiocre qu'il a été.
    Florent Marquis
    Québec