Avantage Legault

Débat des chefs - Québec 2012



À en entendre plusieurs, Jean Charest n’allait faire qu’une bouchée de François Legault, qui en était à sa première expérience d’un débat télévisé et n’a pas la réputation d’être très rapide sur la gâchette. Le chef de la CAQ a pourtant eu le dessus.
Comme la veille, face à Pauline Marois, M. Charest s’en est tiré mieux que prévu sur le thème de l’intégrité. Les nouvelles allégations rapportées opportunément par Radio-Canada concernant les finances de la campagne municipale de Jacques Duchesneau, en 1998, sont tombées pile pour le chef libéral. S’il n’y a pas de preuve formelle que l’Incorruptible en chef de la CAQ n’a pas commis d’irrégularités, la même présomption d’innocence doit être accordée à ceux de ses ministres dont l’intégrité a été mise en doute.
À force de l’accuser de vouloir tout bouleverser dans le domaine de la santé, de l’éducation ou encore à Hydro-Québec, M. Charest a cependant permis à M. Legault de le dépeindre comme un partisan du statu quo qui n’a pas le courage de changer les choses, alors que la CAQ avait des solutions à offrir. Pourquoi serait-il impossible pour les médecins québécois de voir autant de patients par année que leurs confrères britanniques ou allemands ? Le système est différent, a objecté M. Charest. Précisément.
Il ne s’est pas laissé avoir par les p’tites vite coutumières du premier ministre, qui l’accusait de vouloir couper les médicaments des personnes âgées, alors que le programme prévoit seulement d’ajuster les honoraires des pharmaciens en fonction de ceux de l’Ontario.

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Même sur le terrain économique, où il est en principe le champion, M. Charest a trouvé à qui parler, qu’il s’agisse du rôle de la Caisse de dépôt, de l’exode des sièges sociaux ou de l’abandon de nos ressources naturelles aux intérêts étrangers.
Le rappel des engagements reniés par le gouvernement libéral, qui avait promis des baisses d’impôt de 5 milliards, l’élimination des listes d’attente, une cure d’amaigrissement à Hydro-Québec, a permis à M. Legault de reprocher à son tour à M. Charest son manque de fiabilité.
M. Charest aurait bien voulu présenter la CAQ comme le fossoyeur du réseau public de santé au profit d’une « médecine à deux vitesses », comme il avait réussi à le faire avec l’ADQ, mais sa tentative de trouver une contradiction entre les positions de M. Legault et de son candidat au poste de ministre de la Santé, Gaétan Barette, n’a pas été très convaincante.
Quand il a voulu revenir encore une fois sur les mises à la retraite imposées par le gouvernement Bouchard, M. Legault lui a répliqué avec un sens de la répartie qu’on ne lui connaissait pas : « Vous vous mélangez avec Pauline Marois. C’était hier soir. »
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Après le ralliement à la CAQ d’un des militants libéraux les plus en vue de Québec, Jean Charest avait l’obligation de convaincre les fédéralistes qu’il est toujours le chef du Non.
« Voter libéral à la prochaine élection serait, pour moi, un gaspillage qui ne servira qu’à diviser le vote fédéraliste au profit des indépendantistes », a déclaré Jean-Paul Boily. Alors que M. Charest répète depuis près d’une semaine qu’un vote pour la CAQ sera un vote pour le PQ, M. Boily dit plutôt qu’un vote pour le PLQ sera un vote pour le PQ.
L’érosion du vote anglophone, tenu pour acquis par les libéraux, n’est qu’un aspect du problème. Le message lancé de Québec, bastion fédéraliste francophone par excellence, où le camp du Oui a perdu le référendum de 1995, était limpide : Fédéralistes de toutes les langues, unissez-vous derrière la CAQ.
M. Charest a eu beau rappeler le passé de souverainiste « enragé » et dénoncer sa conversion au fédéralisme « en quatre secondes », ses attaques n’avaient pas leur mordant habituel. Il a même laissé M. Legault s’inscrire « dans la tradition de Jean Lesage » sans protester. Il est vrai que cette discussion a été expédiée à la toute fin du débat, mais le premier ministre donnait l’impression d’avoir déjà baissé les bras.
Pauline Marois croit que le chef de la CAQ s’est définitivement aliéné le vote souverainiste, mais il faut reconnaître que son engagement envers « notre langue, notre économie, notre nation » était plutôt bien senti. Le face-à-face de ce soir s’annonce prometteur.


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