Rapport Bouchard-Taylor

Aux Québécois de s'ouvrir

Un certain élitisme répugnant. Ce Rapport qui "stigmatise des coupables" soulève un doute grave sur les intentions de ses auteurs et sur leurs propres préjugés.

Valérie Dufour - Les commissaires Gérard Bouchard et Charles Taylor concluent que la majorité n’a pas le droit d’imposer quelque façon de vivre aux nouveaux arrivants.
Et v'lan dans les dents! Les Québécois de souche francophone devraient mettre de côté leurs grandes peurs identitaires, apprendre l'anglais et s'ouvrir aux minorités qui sont sur leur territoire s'ils veulent devenir un grand peuple.
Le rapport de la Commission Bouchard- Taylor sera cinglant à l'égard d'une bonne proportion des 3 500 personnes qui ont exprimé des inquiétudes face à l'immigration durant les forums publics, selon ce qui ressort des extraits publiés hier dans le quotidien The Gazette.
Craintes futiles
«Le doute de soi et la peur de l'autre »sont« deux grands empêchements du passé canadien-français» qui risquent de conduire les Québécois à se replier sur eux-mêmes et à s'appauvrir. [...] Hier, c'était principalement l'anglophone qui menaçait [...] Aujourd'hui, pour plusieurs, c'est l'immigrant", écrivent les commissaires.
Dans une rhétorique toute universitaire, MM. Bouchard et Taylor jugent futiles les craintes concernant la survie de la langue française, le kirpan, la nourriture cachère ou le voile musulman.
Et ils rejettent la thèse voulant qu'une majorité ait le droit d'imposer certaines façons de vivre aux nouveaux arrivants.
Learn english
Gérard Bouchard et Charles Taylor y vont également d'un plaidoyer en faveur de l'apprentissage de l'anglais.
«En ces temps de brassage migratoire, d'Internet et de mondialisation, il est hautement souhaitable que le plus grand nombre possible de Québécois maîtrisent l'anglais.»
On invite également les francophones à s'informer avant de mettre les 130 000 musulmans québécois dans le même panier. Les sages notent que les gens de cette confession sont majoritairement des francophones hautement éduqués, qu'ils sont parmi les immigrants qui pratiquent le moins et qu'ils sont les moins ghettoïsés.
«L'idée d'un projet de conquête islamiste a peut-être quelques fondements en Europe, mais pas au Québec. Par mi les quelque 60 mosquées établies à Montréal, on en connaît deux ou trois, très conservatrices, qui prêchent la non-intégration à la société québécoise pour des raisons sociales», martèlent-ils.
Vilains médias
Les deux hommes sont également caustiques à l'égard des médias qu'ils qualifient de très «de souche» et très «blancs». Tout en admettant que les journalistes n'ont rien inventé, MM. Bouchard et Taylor soutiennent que ces reportages ont engendré une crise identitaire.
«Les médias devront apprendre à se discipliner; l'exploitation qui a été faite du personnage de l'imam Jaziri, marginal au sein des musulmans, fut néfaste dans la mesure où elle confortait les pires stéréotypes», affirme-t-on en invitant les médias à faire preuve de plus de «rigueur» quand ils parlent des communautés culturelles.
La Commission Bouchard-Taylor a coûté 5 M$.
Le premier ministre Jean Charest présentera le rapport mercredi à son conseil des ministres. Il sera rendu public vendredi.
Ce qu'ils espéraient
«Il y a au Québec une majorité, celle des Franco- Québécois, qui souhaite voir sa culture et ses valeurs être respectées par les nouveaux arrivants et le rapport final doit refléter cela. Les commissaires ne peuvent se contenter de vanter les vertus du pluralisme et de la diversité.»

Jacques Beauchemin, directeur du Centre de recherche du Canada en mondialisation, citoyenneté et démocratie de l'UQAM
«J'espère qu'on va aller au-delà de la langue de bois. [...] La vraie égalité, c'est l'égalité économique. Si les immigrants se trouvent des jobs à la hauteur de leurs compétences, ça va être plus facile de discuter de compromis.»

Rachad Antonius, sociologue à l'UQAM
«Il faut réaffirmer le principe d'accommodement raisonnable comme un principe nécessaire pour contrer la discrimination et pas seulement pour les groupes ethniques, pour toutes les minorités, pour les femmes, pour les personnes handicapées...»

Fo Niemi, directeur du Centre de recherche-action sur les relations raciales
«On souhaite que les commissaires dénoncent toute forme d'intolérance. (...) Il faut que le concept d'accommodement raisonnable tel que défini par la Cour suprême soit appliqué, car c'est un concept clair. Si on veut être une société juste, il faut être accueillant envers tout le monde.»

Steven Slimovitch, porte-parole du B'nai Brith
«Il faut que le rapport sonne le réveil au gouvernement. Il faut des mesures et des ressources pour aider les organismes qui sont sur le terrain à intégrer les nouveaux arrivants. Il y a beaucoup de problèmes qui ne sont que de la méconnaissance de part et d'autre.»
Stephan Reichhold, coordonnateur de la Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes
«Il faut reconnaître les diplômes et l'expertise acquise à l'étranger et il faut faire la francisation selon le métier.»

Elaheh Chokrai, présidente de l'Association des femmes iraniennes de Montréal
Extraits du rapport*
Sur la religion
«Le droit à la liberté religieuse inclut celui de la montrer. Enfin, ce sont les croyants eux-mêmes, et eux seuls, qui sont à l'origine de l'affaissement du catholicisme au Québec.»
Sur les accomodements (sic) raisonnables
"Nous pensons qu'il est possible de réconcilier les Québécois (francophones et autres) avec les pratiques d'harmonisation, une fois qu'il leur sera démontré:
# que ces pratiques respectent les valeurs fondamentales de notre société, notamment l'égalité hommes/femmes;

# qu'elles ne visent pas à des privilèges, mais à l'égalité bien comprise et au respect des droits de chacun;

# qu'elles encouragent l'intégration et non la marginalisation;

# qu'elles sont encadrées par des balises et protégées contre l'effet de spirale;
# qu'elles sont fondées sur le principe de réciprocité;

# qu'elles ne font pas le jeu de l'intégrisme;

# qu'elles ne compromettent pas les acquis de la Révolution tranquille."
Sur le code d'Hérouxville
«D'une façon très maladroite et excessive, le texte d'Hérouxville a exprimé une tension, une ambivalence présente chez plusieurs Québécois canadiens-français.»
Sur la communauté musulmane
«Le moyen de surmonter l'islamophobie, c'est de se rapprocher des musulmans et non pas de les fuir. En ce domaine comme en d'autres, la méfiance engendre la méfiance. Tout comme la peur, elle finit par se nourrir d'elle-même.»
Sur l'intégration et l'assimilation
«L'immigrant n'est pas un invité, il est là à demeure. Il n'est pas non plus un étranger, il est ici chez lui et partage les mêmes droits que tous. [...] La règle de l'assimilation n'est plus admise aujourd'hui parce qu'elle est contraire aux principes du pluralisme.»
Sur la nourriture cachère
«Il n'a pas été prouvé que la certification cachère exige une modification des ingrédients d'un produit ni qu'elle entraîne un trop lourd fardeau à l'ensemble des consommateurs.»
Sur l'apprentissage de l'anglais
«L'anglais qui devrait être enseigné et parlé aujourd'hui n'est pas celui que Lord Durham voulait imposer au Bas-Canada après les Rébellions de 1837-38.»
Photo d'archives Claude Rivest/Journal de Montréal
*Source: The Gazette


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