Autodénigrement : la redécouverte de soi comme nécessité

Tribune libre

Ca y est, le couperet est tombé. Le dernier sondage de La Presse-Angus-Reid démontre qu'une large majorité de Québécois estime leur province corrompue. Bien entendu, certains plaideront ca et là qu’il s’agit d’un mouvement d’humeur momentané, naissant de la grogne plus ou moins généralisée vis-à-vis divers scandales potentiels qui se profilent à l’horizon, voir encore de la prolifération des ouï-dire observant la dynamique du sitôt entendu, sitôt coupable. Puérilité et étroitesse d’esprit, que cette réflexion d’apparat!
Si d’aucuns nieront qu’il y a un peu de cela; quelques autres y verront la possibilité d’un lien de cause à effet. Au cœur du processus de causalité qui anime tel ou tel mouvement d’humeur ou d’opinion; la dynamique séculaire d’un Québec et de sa majorité historique qui n’en fini plus de pratiquer, à tord et immodérément, l’autodénigrement. Or ne serait-ce pas là conséquence logique d’un peuple qui s’est lui-même contraint, par crainte de l’immédiat ou par manque de vision, à l’immaturité politique?
Dans la trame historique d’un peuple dévalorisé par des siècles de domination, adoucie, intériorisée et synthétisée sous le nom de fédéralisme canadien, l’inscription de soi dans une dynamique faisant figure de prophétie auto-réalisatrice mènera finalement le peuple à un goût prononcé pour la fuite en avant, pour la précipitation de soi dans le vide abyssal de l’assimilation. Qu’on en finisse au plus vite, s’écrie un peuple fatigué d’être, prêchant la pénitence dans l’autodénigrement, le salut final dans la disparition collective. De peuple élu à peuple honni, anachronique, de Canadien français à Québécois, nous avons assez accaparé les esprits; effaçons-nous. Et quand un peuple endormit peine à se réveiller, certains lui proposeront en définitive l’ultime sommeil, la cure dans l’oubli et le refus de soi.
Dans la vie des peuples, il y a très certainement des hauts et des bas. De ceux-ci, il n’appartient qu’à nous de nous en accommoder. Mais il y a aussi des constantes, comme l’héritage pathologique de nos ancêtres Canadien français. Savoir le reconnaître, en identifier les tenants et les aboutissants pour mieux circonscrire cette part de nous-mêmes, en cela réside le salut véritable. Pour mieux se connaître soi-même aujourd’hui, il n’eût jamais été plus simple que de porter le regard sur ce que nous étions hier. Cela requiert que cesse l’oubli de notre passé prétendument honteux, d’un nous ancien coupable de repli identitaire, d’exclusion, de nationalisme ethnique ou que sais-je encore. Il n’en tient qu’à nous de découvrir le sens que doit prendre notre trajectoire historique, et pour cela il faut savoir d’où nous venons, sereins et résolus dans l’acceptation pleine et entière de nous-mêmes.
Nous le savons, discours vieilli, que cela! Vieillerie décadente, que l’amour de la patrie! Discours potentiellement génocidaire, que l’appel à la nation! Anachronisme désuet, que la nation d’histoire et de culture!
Ce discours, proféré par nos élites renonçantes, convaincus de leur justesse et de la parfaite synonymie des termes changements et progrès, peuvent bien se vautrer dans la pédance de leurs grandes idéologies postmodernes, dans leur avant-gardisme autoproclamé dans l’usage à la mode de leur novlangue multiculturelle. Leur suffisance n’a d’égale que le mépris du peuple qui est le leur, favorisant incessamment le cynisme et l’indifférence douce de ce dernier.
Qu’on invoque face à ces gens, cette résolution tranquille, cette force insoupçonnée qui nous eût permis de traverser de longues décennies de froid intense, de traverser ce désert glacé que fût l’hiver de la survivance. Qu’on leur oppose l’assurance, la confiance d’un peuple que nous voudrions bien, chaque jour meilleur, irradié de la redécouverte de sa trame historique nationale.


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