Depuis que monsieur Trump occupe la présidence des États-Unis, le monde vit en alerte du dernier tweet qui ici mettra fin à l’ALENA, qui là multipliera les droits compensatoires au nom de la sécurité nationale. Les traités ou les conventions signés par les États-Unis et les institutions internationales qui en découlent n’ont aucune valeur à ses yeux même si celles-ci, comme l’Organisation mondiale du commerce (OMC), précédée par le GATT, découlent des accords de Bretton Woods archidemandés, sinon exigés par les États-Unis à l’époque. Il faut croire qu’il veut, comme l’a si bien dit le gouverneur de l’Ohio, « an America first and… alone ».
Devant les constantes parades du paon américain, toujours en élection, le Canada tente de s’accrocher à un traité tripartite que notre voisin du Sud voudrait transformer en traités bilatéraux pour mieux écraser chacun de ses « partenaires ».
Il est maintenant le temps de s’interroger à savoir si cette galère est encore intéressante. Quand le premier ministre Mulroney et le président Reagan ont convenu en 1987 de signer un traité de libre-échange entre leurs pays respectifs, les États-Unis étaient notre premier partenaire économique et le nombre de traités de libre-échange pour le Canada était plutôt limité à l’époque. En effet, la Communauté européenne était en expansion et ne pensait qu’à ses problèmes ; les pays d’Asie, particulièrement la Chine et l’Inde, étaient encore dans le club des sous-développés. La consolidation du pacte de l’automobile et l’ouverture de plus en plus grande de nos entreprises vers l’exportation trouvaient dans l’ALENA une continuité toute naturelle.
Cependant, le Canada s’est installé dans la facilité ; la très grande majorité de nos exportations se dirige toujours vers un seul pays (75 %, contre 20 % pour les É.-U. en direction du Canada). Nous nous sommes installés à la merci de notre voisin du Sud. Pourtant, les signaux protectionnistes se sont souvent manifestés dans le passé ; pensons entre autres aux droits compensatoires à répétition sur le bois d’oeuvre depuis 25 ans. On gagnait toujours en cour, mais on payait quand même des redevances. Et voilà que Donald Trump est venu épaissir la couche.
Pourtant, les conditions ont changé depuis 1987. Nous avons signé un accord avec l’Europe (idée lancée par Jean Charest ; tout n’a pas été négatif dans sa gouvernance), un marché de 500 millions. Nous sommes engagés dans le Partenariat transpacifique, un autre marché d’environ 500 millions ; pas tous des pays riches, il faut le reconnaître, mais plusieurs en émergence. Les États-Unis s’en sont retirés, pensant sans doute que le Partenariat s’effondrerait sans eux. Deux marchés peut-être loin de chez nous mais probablement prometteurs, et surtout des marchés qui semblent avoir des comportements plus, comment dire, civilisés que ceux de notre voisin du Sud.
Mettre fin à l’ALENA n’est certes pas souhaitable ; notre PIB s’en ressentirait sans doute pendant quelques années. Détricoter le marché nord-américain de l’automobile ne sera pas une mince affaire. Je crains cependant que cette hypothèse doive sérieusement être envisagée, car l’homme aux commandes de la Maison-Blanche (qu’on aurait déjà brûlée, selon lui !) a une base électorale qui lui est dévouée et à qui il faut maintenant dire que le Canada n’est plus l’allié indéfectible.