Mafia et construction

Au-delà du folklore

Enquête publique - un PM complice?



Assassiné mercredi, le parrain de la mafia montréalaise, Nicolo Rizzuto, a eu droit hier à des funérailles solennelles en l'église Notre-Dame-de-la-Défense dans la Petite Italie. Sa «famille» s'y est réunie pour lui rendre un hommage à la hauteur de l'importance du personnage. Cette manifestation publique témoigne du pouvoir de cette organisation sur la société québécoise.
Il serait vain de nier que la mafia en général et la famille Rizzuto en particulier exercent une fascination sur l'opinion publique. La mafia est un fait de la vie. Ici, à Montréal, comme ailleurs, cette organisation domine un monde parallèle qui a ses propres règles et dont les activités, qu'il s'agisse de prostitution, de commerce de la drogue, de jeux de hasard, imprègnent la vie quotidienne. L'influence que détient cet autre pouvoir sur le plan social et sur le plan économique a été bien traduite par les pages et les heures de couverture consacrées par les médias à l'assassinat de Nicolo Rizzuto.
Fascinés par la carrière de Nicolo Rizzuto, tous nous l'avons été un peu ou beaucoup. Il ne faut pas oublier pour autant que la vie de Nicolo Rizzuto n'a rien eu d'honorable. Le quotidien de cet homme a été fait de meurtres (commis pour certains au nom d'un code dit d'honneur), d'extorsions, de règlements de comptes, de violences physiques et morales sans aucun égard pour les vies brisées par ses commerces interdits. Comment ne pas ressentir un vif malaise en voyant son cercueil franchir la grande porte de l'église Notre-Dame-de-la-Défense, puis en ressortir une fois le défunt pardonné de ses péchés? Ce folklore ne doit pas nous faire oublier ce qu'est la réalité du crime organisé.
La dépouille de Nicolo Rizzuto a été exposée le week-end dernier dans un salon funéraire lui appartenant. Étonnant? La fortune immense amassée par le crime ne peut qu'aboutir dans des activités licites qui sont de tous ordres. Tant qu'à être dans l'industrie de la mort, pourquoi ne pas y être jusqu'au bout? Il n'y a là aucune ironie, mais un profond cynisme qui montre bien que la mafia n'a aucune restriction morale lorsqu'il s'agit d'investir dans un secteur d'activité légale. L'assassinat de Nicolo Rizzuto nous le rappelle à point nommé, au moment où l'on débat de la nécessité de la tenue d'une enquête publique sur l'industrie de la construction.
Le folklore mafieux déteint depuis quelques semaines sur le monde de la politique québécoise, tout au moins dans le vocabulaire. Ce week-end, le chef de l'ADQ a ainsi fait une allusion assassine en qualifiant le premier ministre Jean Charest de «parrain de la famille libérale». Ce n'est certes pas la bonne façon d'obtenir cette enquête publique.
L'inquiétude a augmenté de plusieurs crans depuis que des porte-parole de corps policiers ont évoqué ouvertement l'existence de liens entre la mafia et un cartel de grandes entreprises de la construction à Montréal. La taxe qu'elle imposerait voudrait dire qu'elle a la main dans les finances publiques. Cela est intolérable.
Le refus obstiné du gouvernement crée un malaise profond, car, par là, il donne l'impression d'être prêt à tolérer cette intrusion du crime organisé dans les affaires publiques. Oui, l'escouade Marteau est au travail, mais il y a lieu de mobiliser toutes les ressources policières et juridiques pour réaliser le ménage qui s'impose. Jean Charest est à bout d'arguments. Il doit avoir l'humilité d'écouter ses concitoyens.


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