Arabie Saoudite: les États-Unis réclament la libération de Raïf Badawi

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La femme de Badawi veut rencontrer Trump pour le remercier


Washington a demandé à l’Arabie saoudite de libérer le blogueur Raïf Badawi, jeudi. Il s’agit de l’une des rares critiques du gouvernement de Donald Trump envers son allié.


Le vice-président des États-Unis, Mike Pence, s’est prononcé sur le cas du blogueur saoudien lors d’une conférence sur la liberté religieuse, à Washington. Il a cité son nom dans une liste de personnes emprisonnées pour avoir tenu des propos sur les religions en Arabie saoudite, mais également en Érythrée, en Mauritanie et au Pakistan. « Le peuple américain est à leurs côtés, et aujourd’hui les États-Unis d’Amérique appellent les gouvernements d’Érythrée, de Mauritanie, du Pakistan et d’Arabie saoudite à respecter le droit de conscience de ces hommes et à les libérer », a dit le vice-président républicain. « En Arabie saoudite, le blogueur Raïf Badawi est toujours en prison sous l’accusation d’avoir critiqué l’islam sur des médias électroniques », a-t-il poursuivi. Détenu depuis 2012, Raïf Badawi a été condamné à dix ans de prison et à 1000 coups de fouet en novembre 2014 pour « insulte à l’islam ».


La femme du blogueur, Ensaf Haidar, s’est dite reconnaissante envers M. Pence. Celle qui vit à Sherbrooke avec ses trois enfants a déclaré au Devoir qu’il s’agissait d’une « bonne nouvelle ». Elle désire maintenant s’entretenir avec Donald Trump pour discuter des solutions pouvant favoriser la libération de son mari. Selon elle, le président américain peut en faire plus que Justin Trudeau dans ce dossier. « J’ai demandé plusieurs fois la libération de Raïf, mais jusqu’à maintenant, je n’ai pas eu de vraies réponses [du gouvernement canadien] », déplore-t-elle.


De son côté, l’organisation Amnesty International qualifie les propos de M. Pense « d’agréable surprise ». « Ça fait longtemps chez Amnesty qu’on demande que les États sortent de leur réserve habituelle et dénoncent les violations des droits de la personne en l’Arabie saoudite », a fait savoir au Devoir Mireille Elchacar, responsable de la coordination pour l’Arabie saoudite et les pays du Golfe. L’organisation espère toutefois qu’il ne s’agit pas d’un geste isolé de la part du gouvernement américain. Elle désire également que les autres prisonniers d’opinion du régime saoudien fassent partie des discussions entre les gouvernements.


« Un coup bien calculé »


Selon Vincent Boucher, chercheur en résidence à l’Observatoire sur les États-Unis, il s’agit d’un « coup bien calculé » de la part du vice-président américain, pour apaiser les critiques du Congrès face à la politique étrangère de Donald Trump à l’égard de l’Arabie saoudite.


Le chercheur estime qu’il y a peu de chances que la sortie de M. Pence engendre une détérioration des relations entre Washington et Riyad, contrairement à celles du Canada avec le royaume wahhabite, qui s’étaient envenimées à la suite d’un tweet, en août 2018, de la ministre des Affaires étrangères, Chrystia Freeland, au sujet de l’emprisonnement de la soeur du blogueur, Samar Badawi.



Les États-Unis d’Amérique appellent les gouvernements d’Érythrée, de Mauritanie, du Pakistan et d’Arabie saoudite à respecter le droit de conscience de ces hommes et à les libérer 




« Les considérations sécuritaires priment pour le gouvernement [Trump], et pour arriver à mener à bien la politique [qu’il] souhaite mettre de l’avant pour endiguer l’Iran au Moyen-Orient, [il a] besoin de l’appui de l’Arabie saoudite », explique Vincent Boucher. « C’est assez exceptionnel de voir que quelques heures après l’annonce de M. Pence, le président Trump a annoncé que les États-Unis avaient frappé un drone iranien dans le détroit d’Ormuz », a-t-il constaté.


M. Boucher estime que la question des prisonniers politiques sera probablement abordée lors de la prochaine rencontre entre le secrétaire d’État américain, Mike Pompeo, et son homologue saoudien. Elle risque toutefois d’être rapidement éclipsée par le dossier iranien, prédit le chercheur.


Contactée par Le Devoir, une porte-parole de la ministre des Affaires étrangères, Chrystia Freeland, a répondu par courriel qu’Ottawa restait « extrêmement préoccupé par le cas de Raïf Badawi ». La porte-parole affirme que Justin Trudeau s’est entretenu directement avec le roi d’Arabie saoudite et que la ministre avait également évoqué le cas de M. Badawi avec son homologue saoudien. Elle ne s’est toutefois pas prononcée sur la sortie de Mike Pence.


Avec l’Agence France-Presse




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