Après la culture, la langue

La diversité linguistique pourrait devenir le prochain enjeu de la Francophonie

Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles


Cette semaine, le premier ministre du Québec, Jean Charest, est à Bucarest, en Roumanie, pour le XIe Sommet de la Francophonie. Plus de 20 ans après les âpres négociations avec le gouvernement du Canada qui permirent au Québec de prendre part aux discussions de l'Organisation internationale de la Francophonie (OIF) en tant que membre de plein droit, nous nous devons de constater le succès de cette expérience et de voir quelles orientations nous voulons désormais donner à notre implication au sein de ce forum.
Pour ma part, j'ai choisi de prendre comme point de départ de cette réflexion la plus grande réussite du Québec au sein de la Francophonie, c'est-à-dire la bataille qu'il y a menée pour la protection de la diversité culturelle.
Il convient en effet de rappeler que l'adoption à l'Unesco, en 2005, de la Convention internationale sur la diversité culturelle est en grande partie le fruit des efforts du Québec et de son infatigable ex-ministre des Relations internationales, Louise Beaudoin, qui contribuèrent à mettre cette question à l'agenda mondial. Or, c'est précisément au sein de la francophonie, lors des sommets de la francophonie de Beyrouth (2002) et d'Ouagadougou (2004) que cette initiative du Québec a reçu parmi ses premiers et ses plus solides appuis internationaux.
Une fois ratifiée, la Convention sur la diversité culturelle consacrera le droit des gouvernements signataires " d'adopter des mesures destinées à protéger et promouvoir la diversité des expressions culturelles sur " leur " territoire ". Les pays signataires trouveront ainsi dans la convention un argument juridique supplémentaire pour soutenir que leur droit de protéger, de financer et de promouvoir leur culture ne peut être subordonné à quelque autre accord international, incluant ceux sur le commerce.
À ce jour, seulement 15 des 144 pays signataires de la convention l'ont toutefois ratifiée, alors qu'il en faut 30, d'ici juin 2007, pour qu'elle entre officiellement en vigueur. J'offre donc tout mon appui à MM. Charest et Harper dans leur volonté annoncée d'encourager leurs homologues de la Francophonie à ratifier la convention au plus vite.
Malgré ses nombreuses vertus, cette convention comporte toutefois certaines limites, particulièrement en ce qui a trait aux garanties qu'elle offre quant au maintien de la capacité des États à protéger leur langue. Le préambule de la convention rappelle bien que " la diversité linguistique est un élément fondamental de la diversité culturelle ", mais force est de constater que, outre les mesures linguistiques touchant les activités, biens et services culturels, la convention se fait plutôt discrète sur la capacité des États à déployer des mesures de promotion et de protection linguistique.
On n'y retrouve par exemple aucun article qui nous permettrait d'asseoir la capacité des États d'exiger la présence d'une langue dans l'affichage ou sur des biens commerciaux, que ce soit sur les étiquettes ou dans les modes d'emploi. Bien que de telles mesures fassent l'objet d'un important consensus au sein de la société québécoise, rien n'empêcherait donc actuellement une entreprise ou un pays étranger d'en contester la validité devant un tribunal international.
Les démêlés de la France avec l'Union européenne concernant la loi Toubon sur l'affichage en français nous démontrent d'ailleurs que cette tension entre la réglementation linguistique et la libéralisation du commerce n'est pas qu'un péril imaginaire ou même une situation unique au Québec.
L'idée n'est pas ici d'agiter des épouvantails, mais bien d'éveiller les consciences à une problématique plus large, celle de la diversité linguistique.
Alors que, grâce aux efforts du Québec et des pays francophones, la diversité culturelle disposera bientôt de ses outils de protection internationaux, le temps ne serait-il pas venu d'en faire autant pour la diversité linguistique?
Un coup d'oeil à la dernière édition de l'Atlas des langues en péril dans le monde publiée par l'Unesco, qui nous révèle qu'environ la moitié des 6000 langues parlées sur la planète sont en voie de disparition, nous laisse d'ailleurs croire qu'une telle idée pourrait bien recevoir des appuis aux quatre coins de la planète.
Fort de son expérience dans le développement de mesures de protection linguistique innovatrices comme la Charte de la langue française et encouragé par ses succès à rallier la communauté internationale autour de l'enjeu de la diversité culturelle, le Québec est particulièrement crédible pour mener la charge une fois de plus sur cet important enjeu.
Le prochain Sommet de la Francophonie, qui se tiendra à Québec en 2008, à l'occasion du 400e anniversaire de notre capitale nationale, me semble l'occasion idéale pour faire de la diversité linguistique la priorité francophone des prochaines années. En prenant la pôle dans ce dossier, le Québec démontrerait encore une fois qu'il est un des animateurs incontournables de la Francophonie, laquelle demeure toujours le seul forum international où le Québec a véritablement voix au chapitre.
L'auteur est député de Pointe-aux-Trembles chef de l'opposition officielle et chef du Parti québécois.


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