Le commissaire aux élections fédérales doit se préparer à recevoir bientôt une plainte de la part du Parti conservateur du Canada qui allègue que le comportement de Martin Francoeur en matière de financement auprès de deux ex-collègues du Nouvelliste contrevient à la Loi électorale du Canada.
Le candidat libéral dans Trois-Rivières a reconnu avoir fait une erreur en sollicitant directement deux membres de la salle de rédaction du quotidien régional pour les inviter à contribuer financièrement à sa campagne à l’investiture tout en leur suggérant de faire le don au nom de leur conjoint si sa requête leur causait un malaise. Selon le Parti conservateur du Canada, les agissements de M. Francoeur méritent d’être enquêtés.
«Ce qu’on a vu dans l’article du Nouvelliste de ce matin (vendredi), c’est que Martin Francoeur sollicite des dons complètement irréguliers. Il dit aux gens que passer par leur époux, ça fait pareil. On cache une contribution», a déclaré vendredi après-midi Axel Rioux, attaché de presse au Québec du chef conservateur, Erin O’Toole, en précisant que cette lettre devait être envoyée dès vendredi au bureau du commissaire Yves Côté.
Le Nouvelliste a obtenu une copie du document. Celui-ci allègue notamment que la conduite du candidat libéral dans Trois-Rivières «est une tentative de recevoir des contributions de sources fausses et cachées, ce qui comprend une tentative d’agir de concert avec des donateurs potentiels à cette fin. Le personnel du Nouvelliste a résisté à ces approches et n’a pas fait de dons à la campagne de M. Francoeur: c’est tout à leur honneur. Cependant, M. Francoeur doit fournir des explications sur sa conduite».
La lettre indique également que les élections doivent être gagnées de façon juste et légale et accuse le Parti libéral du Canada d’exceller «dans le contournement – voire le dénigrement – des lois et normes sur l’éthique, l’intégrité et la démocratie».
Aucun don n’a été effectué à la suite de ces sollicitations du candidat libéral. M. Rioux croit que malgré cela, le comportement de ce dernier contrevient à la section 368 (2) de la Loi électorale qui interdit de cacher ou de tenter de cacher l’identité de l’auteur d’une contribution régie par la loi et qui interdit d’agir de concert avec d’autres personnes pour accomplir un tel fait.
«Même s’il n’y a pas eu de don, il a sollicité. Il encourage les gens à contrevenir à cette loi. C’est quand même grave», soutient M. Rioux.
Yves Lévesque estime que les gestes posés par Martin Francoeur s’apparentent à de l’usage de prête-nom.
«Ça me fait rire, son explication», dit le candidat conservateur. «C’est cousu de fil blanc. C’est un manque de jugement et d’éthique. Quand on lit ce qu’il a écrit, il admet que ce n’est pas la façon de faire. Et ça vient d’un éditorialiste qui souvent fait la morale aux gens. C’est l’arroseur arrosé. Il était conscient que ce n’était pas éthique. Il n’y a pas eu de dons, mais les intentions sont là. Avec cette histoire et ses éditoriaux, Martin Francoeur est notre meilleur allié jusqu’à maintenant!»
Yves Lévesque
SYLVAIN MAYER, LE NOUVELLISRE
Pour René Villemure, un tel comportement est la preuve d’une infraction à l’éthique, mais il ne croit pas que cela est une infraction à la loi électorale.
«Faire un don au nom d’une autre personne, c’est interdit par la loi électorale. Si la personne sollicitée avait fait le don, il aurait enfreint la loi électorale. S’il a incité une personne et que le don n’a pas été fait, il n’a pas enfreint la loi électorale. Mais au plan éthique, c’est un manquement. Sa réputation risque d’en prendre un coup. Mais c’est dans l’ADN des libéraux de manquer à l’éthique. Ce que M. Francoeur a fait, c’est pas joli», raconte le candidat bloquiste dans Trois-Rivières.
René Villemure
FRANÇOIS GERVAIS
Selon le candidat du NPD, Adis Simidzija, le candidat libéral a fait une erreur de bonne foi, mais une erreur qui contrevient à l’éthique.
«On dirait que ça va dans cette ligne de parti. Depuis qu’il s’est lancé avec le Parti libéral, il doit suivre une ligne de parti et s’est laissé prendre au jeu qui est d’aller chercher du cash pour gagner l’élection. Je suis surpris de son approche. Depuis qu’il s’est lancé, il a changé un petit peu. Il doit avoir une énorme pression du parti pour faire les choses de cette manière et on sait comment le Parti libéral fait les choses. Le Parti libéral manque d’éthique. M. Francoeur est quelqu’un d’intègre et on voit que la politique joue parfois de mauvais tours à des gens qui ont de bonnes intentions.»
Adis Simidzija
OLIVIER CROTEAU
René Villemure insiste lui aussi sur la question du financement en politique. Selon l’éthicien, le PLC prend cet aspect à la légère.
«L’ADN du Parti libéral, c’est une relation au financement plus ou moins éthique. De solliciter des gens de la profession (journalistique) est une erreur de junior! C’est pire quand ça vient d’un éditorialiste qui a été au conseil d’administration de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec. Il ne pouvait pas ne pas savoir. Je me serais attendu à mieux de M. Francoeur en termes d’exemplarité, de prudence. Quand on arrive en politique, on a une loupe sur nous. Les questions de financement sont très délicates. Comme politiciens et candidats, on a une part de responsabilité de ne pas alimenter le cynisme et les actes que vous (Le Nouvelliste) dénoncez avec raison alimentent le cynisme.»
Yves Lévesque s’explique mal comment Martin Francoeur a pu agir ainsi, lui qui a un solide bagage dans le milieu des médias.
«Ce n’est pas un candidat qui vient d’un milieu X, Y, Z, il vient du milieu journalistique. Il connaît les règles. En disant que si ça te gêne, tu passes par ton conjoint, provenant d’un ancien éditorialiste, il n’a pas d’excuse. S’il était toujours éditorialiste et que quelqu’un avait fait ça, il aurait fait un éditorial. Et heureusement que des journalistes se sont levés. Ils ont été impartiaux et je les félicite. Ils doivent être impartiaux.»