Hugo Chavez s'était donné jusqu'en 2021 pour construire son «socialisme du XXIe siècle». Il est mort huit ans avant cette échéance, laissant derrière lui un pays profondément divisé et un héritage controversé qui pourrait bien ne pas lui survivre.
En 14 ans de règne, l'homme au légendaire béret rouge aura réussi à réduire de moitié le taux de pauvreté dans un des pays les plus inégalitaires de la planète. Finançant de généreux programmes sociaux grâce aux revenus du pétrole, il s'est attaqué aux bidonvilles, a fait reculer la mortalité infantile, a diminué substantiellement le niveau d'analphabétisme. C'est énorme. Aucun pays de la région, et peut-être même de la planète, n'a fait autant, en si peu de temps.
Mais tout en soulageant l'extrême misère à grands coups de pétrodollars, Hugo Chavez a laissé sombrer l'économie de son pays. Il a exproprié massivement des terres agricoles, a laissé les infrastructures dans un état lamentable. Même s'ils sont assis sur une immense réserve d'or noir, les Vénézuéliens doivent faire face à des pannes électriques récurrentes, conduisent sur des routes défoncées et souffrent de pénuries alimentaires chroniques. Ajoutez-y une couche de corruption généralisée, et vous êtes loin, très loin, du paradis du socialisme...
«L'économie vénézuélienne est en très mauvais état», résume Graciela Ducatenzeiler, spécialiste de l'Amérique latine à l'Université de Montréal. Et cette crise s'aggrave. Au début de l'année, le bolivar a été dévalué de 30%. Ce qui entraîne une hausse des prix, qui s'ajoutera à une inflation déjà galopante.
Socialement, le «modèle Chavez» est un succès. Mais économiquement, il a du plomb dans l'aile. Et selon Graciela Ducatenzeiler, ce qui a permis au régime Chavez de tenir le coup, malgré ses échecs, c'est l'immense charisme du presidente.
Car même s'il a dirigé son pays à coups de décrets, qu'il a concentré le pouvoir entre ses mains, muselé les médias et donné libre cours à un ego gonflé à l'hélium, Hugo Chavez est resté, jusqu'à la fin, un leader aimé par son peuple. Assez, en tout cas, pour que celui-ci le reporte au pouvoir avec 55% des voix, en octobre 2012.
Une fois que sa bouille colorée et ses discours presque aussi longs, mais beaucoup plus amusants, que ceux de son ami et mentor Fidel Castro auront disparu des écrans de télévision, tout sera possible.
À court terme, son vice-président, Nicolas Maduro, a toutes les chances de remporter la prochaine élection. Pour l'instant, le Venezuela est un pays en deuil. Et ce deuil joue en faveur du régime sortant. Mais par la suite, tous les scénarios sont ouverts.
L'armée continuera-t-elle à soutenir le successeur de Chavez? La grogne suscitée par la dernière dévaluation du bolivar se traduira-t-elle par un mouvement de protestation plus vaste, une fois que les Vénézuéliens auront séché leurs pleurs?
Et si c'est le cas, si le «chavisme» s'effrite dans les mois et années suivant la mort de Chavez, quel sera l'impact pour des pays comme Cuba ou le Nicaragua, économiquement branchés sur le pétrole vénézuélien? Quel impact pour tout ce mouvement de pays alignés sur Caracas, qui rejettent les États-Unis et fréquentent des régimes douteux, tels que ceux de l'Iran et de la Syrie de Bachar al-Assad?
Pour l'instant, l'avenir du Venezuela est en forme d'immense point d'interrogation. Ce qu'on peut espérer, c'est que si le pays change de cap, il ne jette pas ses programmes sociaux avec la proverbiale eau du bain.
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Peu avant l'annonce de la mort de Chavez, le vice-président Nicolas Maduro a accusé les États-Unis et Israël de préparer un complot contre le Venezuela en lançant des rumeurs sur la santé du président. Ils pourraient même être responsables de cette maladie qui a fini par avoir raison du comandante, a-t-il ajouté, avant de renvoyer deux diplomates américains de Caracas. Décidément, l'après-Chavez commence sur une note de pur délire.
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