A-t-il vraiment dit «tapette» ?

Québec 2007 - le facteur «homophobie»


Je sais: cela s'est passé à Chicoutimi. L'animateur Louis Champagne, de la station de radio CKRS, est capable de tout. Mais il fallait bien que cette question fasse surface un jour ou l'autre dans cette campagne. « Les électeurs, en particulier les travailleurs d'usine, ne voteront jamais pour une tapette... »
Le candidat du Parti québécois dans la circonscription de Jonquière, Sylvain Gaudreault, s'était lui-même déclaré homosexuel au moment d'annoncer sa candidature. Menant une entrevue avec lui, l'animateur Louis Champagne avait lâché il y a une dizaine de jours : «À Jonquière, pensez-vous que, quand vous arrivez avec un autre homosexuel, vous n'allez pas vous faire poser vraiment la question: "Coudonc, le Parti québécois, c'est-tu un club de tapettes?"»
C'est le genre de langage auquel on s'est habitué au Saguenay - Lac St-Jean où les animateurs des radios privées rêvent de dépasser leurs collègues de Québec en grossièreté. Et il a fallu une dizaine de jours pour qu'un journaliste ose ramener la question sur le tapis. Qui a prévenu ce journaliste de l'incident d'il y a deux semaines? Sûrement pas l'attaché de presse d'André Boisclair.
Le chef du Parti québécois avait prévu parler d'éducation hier, revenant sur son plan de 450 millions $ pour améliorer la réussite scolaire, notamment en ajoutant une heure de cours par semaine et en engageant 1500 spécialistes de plus. Ce n'est pas du tout ce qu'en a retenu mon excellente collègue de la Presse canadienne, Isabelle Rodrigue. Son bilan de la journée porte plutôt sur l'impact de l'orientation sexuelle d'André Boisclair sur la campagne du Parti québécois.
C'est une question tellement cruelle que Carole Beaulieu et moi avons longuement hésité à l'aborder lors de notre rencontre avec le président du Parti québécois en septembre dernier. La réponse fut d'abord très politiquement correcte: « les Québécois sont très modernes, a dit Boisclair. Ils sont les premiers à avoir adopté une Charte des droits et libertés qui faisait mention explicite de l’orientation sexuelle… C’est au Québec qu’il y a eu un mouvement d’émancipation du droit des femmes qui a fait école partout au Canada, qui aujourd’hui nous a même permis d’adopter à l’unanimité de l’Assemblée nationale une loi sur l’équité salariale. Je ne connais pas d’équivalent en Amérique du Nord. Donc les Québécois sont très modernes… »
Mais lorsque nous sommes revenus à la charge, insistant pour savoir s'il croyait les Québécois prêts à faire d’un homosexuel, ou d’une femme d’ailleurs, leur chef de gouvernement, là le chef du PQ s'est fâché...
« Ce fut la première question qu’un journaliste me posa lorsque j’annonçai ma candidature… Bien sûr que j’y ai pensé. La population répondra à cela. J’ai bien confiance. Je ne vois pas de problème moral. Je ne serai pas le premier ministre au Canada à être homosexuel. Allez faire un tour dans les Maritimes. La réalité est que les valeurs qui sont inscrites dans la Charte des droits et libertés sont fièrement partagées par l’ensemble des Québécois. Il y a un idéal qui est inscrit dans ce document dans lequel nous croyons fondamentalement. Je suis, à ma façon, par mon engagement politique, un artisan de cette liberté. Je l’exerce, en tous cas, cette liberté et j’ai confiance dans le jugement du peuple québécois. Est-ce que cela me blesse ? J’ai l’habitude. J’exerce ma liberté. Je pourrais en discuter, je pourrais être prof d’université et réfléchir sur cette liberté. Je tente d’exercer ma liberté comme citoyen, je fais le choix de prendre la parole, de m’engager, de m’investir à la recherche du bien commun et de l’intérêt public, et c’est pour moi ce qui compte. »
L'hypocrisie des observateurs de la scène politique est réelle: ils discutent ouvertement de l'impact, sur ses chances de devenir premier ministre, du fait qu'il a consommé de la cocaïne. Mais personne n'ose aborder la question de son orientation sexuelle. «Cela ne se fait pas»... Ben voyons donc!
On ne pense qu'à cela dans les chaumières du Québec, sans le dire bien sûr. Et ce n'est pas l'apanage des régions éloignées comme le Saguenay - Lac St-Jean. De quoi croyez-vous discute-t-on dans les condos du Plateau Mont Royal?
La nature humaine est ainsi faite que l'électeur moyen sera plus indulgent pour l'hétérosexuel volage que pour un homosexuel rangé. Et maintenant que la question a été soulevée elle va hanter la campagne du Parti québécois pendant les 25 jours qu'il reste.
C'est triste mais je pense qu'André Boisclair aurait dû aborder cette question de front bien avant.


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