Il appert que les grands portefeuilles se méfient de plus en plus des bons du Trésor américain. Et que l'euro conserve l'essentiel de sa valeur malgré la crise de la dette en Europe, sous l'action des détenteurs de titres de créance américains cherchant à se diversifier davantage. LEAP/E2020 a déjà prévu la crise systémique, puis son extension à la dette souveraine. Le groupe prônant l'avènement de l'Euroland parle du prochain grand choc, celui de la dette fédérale américaine, avec la disparition de quelque 15 000 milliards de dollars d'éléments d'actif fantômes commençant à l'automne.
Dans sa lettre estivale de Global Europe Anticipation Bulletin, LEAP/E2020 annonce le début de cette troisième grande phase de la crise systémique mondiale ayant éclaté en 2008. «Dernière alerte avant le choc de l'automne 2011: quand 15 000 milliards $US d'actifs financiers partiront en fumée», avertissent les adeptes d'un gouvernement mondial. Le groupe avait sonné l'alerte d'une crise systémique globale dès 2006. Puis en février 2008, il parlait d'une phase d'effondrement de l'économie réelle aux États-Unis avec, pour cible, un troisième trimestre de 2008 marquant un nouveau point d'inflexion dans le développement de la crise mondiale. La faillite de Lehman Brothers en septembre 2008 est retenue comme étant le point de départ de la crise financière ayant alimenté la Grande Récession.
Dans sa dernière édition, LEAP 2020 soutient que nous sommes à l'orée du second semestre 2011, «avec une économie mondiale en plein désarroi, un système monétaire global de plus en plus instable et des places financières qui sont aux abois, tout cela malgré les milliers de milliards en argent public investis pour éviter précisément ce type de situation. L'insolvabilité du système financier mondial, et au premier chef du système financier occidental, revient à nouveau sur le devant de la scène après un peu plus d'une année de politiques cosmétiques visant à noyer ce problème fondamental sous des tombereaux de liquidités».
Ce groupe de chercheurs se disant indépendants avait estimé en 2009 que le système financier mondial abritait quelque 30 000 milliards $US d'actifs fantômes. «La moitié à peu près s'est envolée en fumée en six mois entre septembre 2008 et mars 2009. Pour notre équipe, c'est maintenant au tour de l'autre moitié, les 15 000 milliards d'actifs fantômes restants, de s'évanouir purement et simplement entre juillet 2011 et janvier 2012. Et cette fois-ci, les dettes publiques seront de la partie également, contrairement à 2008-2009, où ce sont essentiellement les acteurs privés qui avaient été touchés.»
Et l'on regarde du côté du gonflement de la dette américaine, que nombre d'observateurs comparent à un schème à la Ponzi, pour souligner que «même les banques américaines commencent à réduire leur utilisation des bons du Trésor américains pour garantir leurs transactions, par crainte des risques croissants pesant sur la dette publique américaine». Au total, cette dette atteignait les 10 000 milliards $US en 2008 et elle doit plus que doubler, pour dépasser les 20 000 milliards en 2016. Mais dans l'intervalle, si on exclut la portion intragouvernementale, la dette fédérale américaine sur le marché doit tripler pour passer de 5000 milliards à 15 000 milliards.
«Le socle du système financier mondial, le bon du Trésor américain, va s'enfoncer brutalement», lance LEAP. On associe à ce think tank européen l'idéologie prônant l'émergence d'un gouvernement d'abord européen, puis mondial, avec l'abandon des souverainetés nationales. Et l'ébauche d'un scénario catastrophe dans le cas contraire.
Ce groupe croit également à un complot orchestré par Wall Street et la City visant à fomenter l'explosion de la zone euro, un complot devant se retourner contre ces opérateurs financiers anglo-saxons. Car malgré la crise de la dette grecque «18 mois plus tard, l'euro se porte bien alors que le dollar continue sa descente aux enfers par rapport aux grandes devises mondiales. Et tous ceux qui ont parié sur la dislocation de la zone euro ont perdu beaucoup d'argent».
Pour les investisseurs, «la crise favorise l'émergence d'un nouveau souverain, l'Euroland, qui permet aujourd'hui à la zone euro d'être bien mieux préparée que le Japon, les États-Unis ou le Royaume-Uni au choc de l'automne 2011... même si elle est en train de jouer un rôle de détonateur en la matière, bien malgré elle».
LEAP aborde également le jeu des agences de notation. Ces «fidèles chiens de garde des deux places financières» se sont lancés dans une folle course à la dégradation des notes des pays, qui menace désormais de déborder au Royaume-Uni, à la France, au Japon et même aux États-Unis. «Rappelons-nous que ces agences n'ont jamais rien anticipé d'important (ni les subprimes, ni la crise mondiale, ni la crise grecque, ni le Printemps arabe...) Si elles dégradent à tout-va aujourd'hui, c'est qu'elles sont prises à leur propre jeu. Il n'est plus possible de dégrader A sans toucher à la note de B si B n'est pas en meilleure situation.» Le cercle est devenu infernal.
Rappel historique
Ces adeptes d'une économie mondiale aimeraient que le modèle européen puisse s'imposer, et par la suite inspirer l'émergence d'un gouvernement mondial sans quoi, la dépression perpétuelle nous guette. Que valent leurs propos? Petit rappel de l'histoire récente.
Déjà au début de 2008, et même depuis plus d'un an auparavant, et bien avant l'éclatement de la bulle des subprimes, LEAP/E2020 parlait de la Très Grande Dépression américaine de 2008-2018. Ce groupe de chercheurs voyait, dès 2006, l'émergence d'une crise financière systémique et retenait alors que, pour les États-Unis, 2007 a marqué l'entrée «dans une crise socio-économique sans précédent». Il nous proposait «les sept séquences de la phase d'impact de la crise systémique globale», qui devaient «atteindre simultanément leur pic au cours de 2008»:
- Séquence 1: l'infection financière mondiale par l'endettement américain (100 ans après les «emprunts russes», les «dettes américaines»);
- Séquence 2: l'effondrement boursier, en particulier en Asie et aux États-Unis (de -50 % à -20 % en un an, pour les Bourses, selon les régions du monde);
- Séquence 3: l'éclatement de l'ensemble des bulles immobilières mondiales (Royaume-Uni, Espagne, France et pays émergents);
- Séquence 4: tempête monétaire (la volatilité au plus haut sur fond de dollar américain au plus bas);
- Séquence 5: stagflation de l'économie globale (récess-flation aux États-Unis, croissance molle en Europe, récession mondiale);
- Séquence 6: Très Grande Dépression aux États-Unis, crise sociale et montée en puissance des militaires dans la gestion du pays;
- Séquence 7: accélération brutale de la recomposition stratégique globale, attaque sur l'Iran, Israël au bord du gouffre, chaos moyen-oriental, crise énergétique.
LEAP a ajouté, pour la fin de 2008, la déroute des caisses de retraite à son scénario de crise systémique mondiale. Et le plongeon des États-Unis et du Royaume-Uni dans une possible situation de défaut de paiement au troisième trimestre de 2009. Quant aux interventions massives des banques centrales, elles ne faisaient que préparer la prochaine explosion du marché des produits financiers dérivés, qui représente une grosse bulle de 500 000 milliards $US.
Si, au début de 2008, on ne voyait pas encore apparaître sur cette trame apocalyptique la crise grecque, et les risques d'explosion de la zone euro, l'on a ajouté depuis à la séquence initiale une dislocation géopolitique mondiale avec un risque de guerre civile. Et l'on met en exergue l'«isolement tragique» d'un Royaume-Uni affaibli politiquement par un gouvernement de coalition. Pour l'équipe de LEAP/E2020, le Royaume-Uni devra se débattre dans une crise historique à partir de cet été, plus isolé que jamais.
Par ailleurs, LEAP 2020 anticipait un éclatement d'une bulle immobilière, devenue généralisée, en 2015. Ce sera désormais pour 2012.
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