Pour sa première intervention à l'ONU, le président brésilien Jair Bolsonaro a rejeté avec fracas toute idée d'intervention internationale en Amazonie, accusant même certains pays d'attitude «coloniale» et critiquant - implicitement - la France.
Devant les chefs d'État du monde entier réunis pour l'Assemblée générale des Nations unies, le président brésilien d'extrême droite, climato-sceptique notoire, a adopté 30 minutes durant un ton offensif, défendant la souveraineté du Brésil et ses premiers mois à la tête du pays le plus peuplé d'Amérique latine.
Sur les incendies qui ravagent l'Amazonie, dont le président français Emmanuel Macron avait fait une priorité au sommet du G7 à Biarritz en août, le Brésilien a rejeté toute volonté d'intervention internationale.
«Il est faux de dire que l'Amazonie appartient au patrimoine de l'humanité, et c'est une erreur des scientifiques de dire que notre forêt est le poumon de la planète», a-t-il lancé.
«Au lieu de nous aider», certains pays, sur la base de «mensonges des médias», «se comportent de façon irrespectueuse et coloniale, attaquant notre souveraineté», a ajouté le président brésilien.
Sans citer directement la France, il a qualifié d'«absurde» les propositions d'Emmanuel Macron pour protéger l'Amazonie, y compris en lui conférant un «statut international».
«Un des pays a osé suggérer lors de la dernière réunion du G7 d'appliquer des sanctions au Brésil, sans même consulter le Brésil», a tonné M. Bolsonaro.
«Je remercie les pays qui ont refusé d'aller de l'avant sur cette proposition stupide. Et je remercie en particulier le président Donald Trump», a-t-il ajouté, faisant valoir que les valeurs de «respect, de liberté et de souveraineté» des pays devaient prévaloir au sein de l'ONU.
Raoni «instrumentalisé»
Après le G7, le Brésil s'était trouvé sous forte pression internationale, mais le gouvernement brésilien avait reçu le soutien des États-Unis, Donald Trump lui assurant d'un «soutien sans réserve».
Le président brésilien a aussi vivement critiqué le cacique Raoni, chef de la tribu Kayapo et figure de la lutte contre la déforestation en Amazonie qui avait été reçu par M. Macron en marge du G7, l'accusant d'être manipulé par l'étranger.
«Très souvent, certains leaders indigènes, comme le cacique Raoni, sont instrumentalisés par des gouvernements étrangers dans la guerre de l'information qu'ils mènent pour faire avancer leurs intérêts en Amazonie», a affirmé M. Bolsonaro, avant d'ajouter : «le monopole de Raoni sur l'Amazonie est terminé».
«Nous ne sommes utilisés par personne, nous répondons à l'appel de notre mère la Terre!» a rétorqué ensuite Sonia Guajajara, chef d'une coalition de peuples indiens brésiliens.
Entre début janvier et le 19 septembre, malgré un léger recul des incendies depuis le début de ce mois, le Brésil a enregistré une hausse de 56 % du nombre de feux de forêt par rapport à la même période l'année dernière, dont près de la moitié (47 %) touchent l' Amazonie.
Majoritairement volontaires, ces incendies visent à faire de la place pour l'élevage bovin et les cultures, et accompagnent une déforestation galopante : en Amazonie, celle-ci a quasiment doublé depuis l'arrivée au pouvoir de Jair Bolsonaro en janvier, au rythme de 110 terrains de football à l'heure.
Mais «l'Amazonie n'est aujourd'hui pas détruite par les flammes, comme les médias voudraient le faire croire», a assuré le président brésilien.
«N'hésitez pas à venir au Brésil, c'est un pays très différent de ce que vous voyez à la télé et dans les journaux», a-t-il encore lancé.
En intervenant à son tour dans l'après-midi devant l'Assemblée générale, le président français s'est gardé de répondre à ces attaques à peine voilées. Il a néanmoins rappelé les 500 millions de dollars que plusieurs pays et organisations internationales, dont la France, se sont engagés lundi à donner pour protéger l'Amazonie et les autres forêts tropicales.
«Nous avions les grands pays, les organisations internationales, les organisations non gouvernementales, et la plupart des pays concernés par l'Amazonie, pour rester pudique à cette tribune», a déclaré M. Macron, en allusion à l'absence du président brésilien à cette réunion.
Au-delà de l'Amazonie, Jair Bolsonaro s'en est vivement pris aux régimes communistes à Cuba et au Venezuela de Nicolas Maduro.
Tandis que Bolsonaro parlait à la tribune, une vingtaine de manifestants protestaient à proximité de l'ONU, agitant une poupée géante à son effigie et des panneaux le qualifiant notamment de «menteur» et de «menace pour la Terre».