3. Manifeste d'économistes atterrés

Fausse évidence n°2 : Les marchés financiers sont favorables à la croissance économique.

Économistes atterrés

Fausse évidence n°2 : Les marchés financiers sont favorables à la croissance économique.
L’intégration financière a porté le pouvoir de la finance à son zénith par le fait qu’elle unifie et centralise la propriété capitaliste à l’échelle mondiale. Désormais c'est elle qui détermine les normes de rentabilité exigées de l’ensemble des capitaux. Le projet était que la finance de marché se substitue au financement bancaire des investissements. Projet qui a d’ailleurs échoué, puisqu’aujourd’hui, globalement, ce sont les entreprises qui financent les actionnaires au lieu du contraire. La gouvernance des entreprises s'est néanmoins profondément transformée pour atteindre les normes de rentabilité du marché. Avec la montée en puissance de la valeur actionnariale, s’est imposée une conception nouvelle de l’entreprise et de sa gestion, pensées comme étant au service exclusif de l’actionnaire. L’idée d’un intérêt commun propre aux différentes parties prenantes liées à l’entreprise a disparu. Les dirigeants des entreprises cotées en Bourse ont désormais pour mission première de satisfaire le désir d’enrichissement des actionnaires et lui seul. En conséquence, ils cessent eux-mêmes d’être des salariés, comme le montre l’envolée démesurée de leurs rémunérations. Comme l’avance la théorie de « l’agence », il s’agit de faire en sorte que les intérêts des dirigeants soient désormais convergents avec ceux des actionnaires.
Le ROE (Return on Equity, ou rendement des capitaux propres) de 15% à 25% est désormais la norme qu'impose le pouvoir de la finance aux entreprises et aux salariés. La liquidité est l’instrument de ce pouvoir, permettant à tout moment aux capitaux non satisfaits d’aller voir ailleurs. Face à cette puissance, le salariat comme la souveraineté politique apparaissent de par leur fractionnement en état d’infériorité. Cette situation déséquilibrée conduit à des exigences de profit déraisonnables, car elles brident la croissance économique et conduisent à une augmentation continue des inégalités de revenu. D'une part les exigences de profitabilité inhibent fortement l’investissement : plus la rentabilité demandée est élevée, plus il est difficile de trouver des projets suffisamment performants pour la satisfaire. Les taux d’investissement restent historiquement faibles en Europe et aux États-Unis. D'autre part, ces exigences provoquent une constante pression à la baisse sur les salaires et le pouvoir d’achat, ce qui n’est pas favorable à la demande. Le freinage simultané de l'investissement et de la consommation conduit à une croissance faible et à un chômage endémique. Cette tendance a été contrecarrée dans les pays anglo-saxons par le développement de l’endettement des ménages et par les bulles financières qui créent une richesse fictive, permettent une croissance de la consommation sans salaires, mais se terminent par des krachs.
Pour remédier aux effets négatifs des marchés financiers sur l’activité économique nous mettons en débat trois mesures :
- Mesure n°5: renforcer significativement les contre-pouvoirs dans les entreprises pour obliger les directions à prendre en compte les intérêts de l'ensemble des parties prenantes
- Mesure n°6: accroître fortement l'imposition des très hauts revenus pour décourager la course aux rendements insoutenables
- Mesure n°7: réduire la dépendance des entreprises vis-à-vis des marchés financiers, en développant une politique publique du crédit (taux préférentiels pour les activités prioritaires au plan social et environnemental)
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Co-écrit par Philippe_Askenazy - Economiste, Directeur de recherche au CNRS, chercheur à l’École d'économie de Paris.


Co-écrit par Henri_Sterdyniak - Directeur du Département Économie de la Mondialisation à l'OFCE, Professeur associé à l'Université de Paris Dauphine.


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