L’étapisme et les limousines contre l’indépendance

16 mai 2007


En politique, l’échafaud, c’est souvent pour de grands personnages historiques. Alors, c’est un grand honneur que vous me faites, monsieur Turcotte, de me le prédire. Je n’en suis pas digne du tout, mille regrets, mais je vous en remercie quand même.

Vous savez, et ici je m’adresse aussi à vous, monsieur Gebello, je n’ai fait que plaider pour la simplicité. Le PQ est, du moins en principe, un parti indépendantiste. Alors, s’il remporte la prochaine élection ou la suivante, il n’a qu’à proclamer l’indépendance le soir même ou le lendemain matin, c’est tout. Où est le problème ? Où est le drame ?

Je le répète, c’est ainsi que le PQ lui-même, à l’origine, entendait réaliser l’indépendance. Et, pendant six ans, de 1968 à 1974, personne ne s’y est opposé, personne ne s’en est formalisé, personne n’y a vu le moindre inconvénient, pas même les fédéralistes. Pour eux, qui ne voulaient pas de l’indépendance, il s’agissait de battre le PQ à chaque élection. Et pour nous, qui voulions l’indépendance, il s’agissait de finir par le faire gagner. À cet égard, nous étions bien partis : 8% en 1966 (le RIN), 23% en 1970 et 31% en 1973. Le PQ promettait de déclarer l’indépendance le lendemain d’une victoire électorale et cela n’empêchait nullement ses appuis de croître à un bon rythme. Aussi, ce n’est pas un vaste courant d’opinion au sein du parti ou de la population, non, c’est Claude Morin, lui seul, qui, en 1974, a commencé à dire qu’une victoire électorale ne suffirait plus, qu’il faudrait aussi un référendum. Il en a convaincu René Lévesque, lequel a ensuite menacé les militants péquistes de démissionner s’ils n’acceptaient pas cette idée d’un référendum qu’on leur servait comme un cheveu sur la soupe.

On connaît la suite. Le PQ a remporté quatre victoires électorales. Il a tenu et perdu deux référendum, encore que celui de 1995 fut plutôt volé par Ottawa, un crime dont le gouvernement fédéral avait et a toujours les moyens. Aussi, nombreux sont ceux qui craignent, avec raison, une troisième défaite référendaire, laquelle aurait presque à coup sûr un terrible effet démobilisateur. Alors, on repousse le référendum à plus tard, toujours plus tard, dans la semaine des quatre jeudis. Mais, du même coup, c’est aussi l’indépendance qu’on remet aux calendes grecques. Or, ne serait-il pas beaucoup plus simple d’abandonner toute idée de référendum pour revenir à ce qui était la politique même du PQ à l’origine, c’est-à-dire l’indépendance par l’obtention d’une majorité de sièges ? Le PQ a parfaitement le droit de revenir à cette politique-là, surtout depuis qu’Ottawa a décidé, avec son Clarity Act, de s’immiscer dans le processus référendaire.

Les étapes, les détours, les complications, les chinoiseries et le fendage de cheveux en quatre, on en a assez, assez, assez ! Le PQ n’avait besoin ni de l’étapisme ni de Claude Morin pour finir par remporter une victoire électorale dans les années 70. Il n’en a pas davantage besoin aujourd’hui. Aujourd’hui comme hier, je dirais même aujourd’hui plus qu’hier, une victoire électorale est possible sans étapisme. Et une victoire électorale, c’est suffisant, amplement suffisant et même plus que suffisant pour déclarer et réaliser l’indépendance.

Enfin, quant à la proposition de M. Louis Bernard, ce que j’en retiens, c’est qu’elle est telle qu’elle fait presque du référendum une formalité. À ce titre, elle constitue une formule de compromis entre partisans et adversaires de l’étapisme. Si une majorité de militants adhérait à cette formule, je m’en réjouirais avec sobriété dans la mesure où elle s’avère quand même préférable à l’étapisme pur. Mais, dois-je le répéter, ma préférence, c’est l’indépendance sans aucun référendum, l’indépendance par simple victoire électorale, l’indépendance comme le PQ lui-même la promettait à l’origine, ce qui, rassurez-vous, M. Gebello, ne l’empêchait pas du tout d’avoir un programme politique assez substantiel, un programme qui donnait alors, conformément à vos justes attentes, une bonne idée de ce à quoi ressemblerait un Québec indépendant.

Luc Potvin