Power Corporation et Quebecor (3)

Guerre ou yeux doux ?

De nos ennemis, toujours redouter le pire

L'affaire Desmarais

Dans mon [précédent article->46169] sur tout ce qu'il y a d'étrange dans la rivalité entre Power Corporation et Québécor, j'ai abondamment parlé de Brian Mulroney et un petit peu de Claude Rousseau. Cette fois-ci, ce sera à peu près l'inverse.
Claude Rousseau, c’est l’homme d’affaire que le maire de Québec Régis Labeaume a choisi, le 20 février 2012, comme conseiller spécial pour le projet de futur amphithéâtre, un choix dont tout le monde s’est réjoui, y compris Pierre Karl Péladeau, président de Québécor. Claude Rousseau, ai-je déjà dit, est aussi le président des Remparts de Québec, une équipe de hockey junior dont l’un des copropriétaires s’appelle André Desmarais, co-chef de Power Corporation. Sans doute est-ce ce dernier fait qui explique pourquoi les journalistes, y compris ceux de Québécor, nous le présentent comme un homme parfaitement neutre.
Bon, d’accord, présider les Remparts et conseiller Labeaume, c’est très bien, mais ce Claude Rousseau, vous dites-vous, a probablement déjà fait autre chose dans la vie. Vous n’avez pas tort. Il a déjà bossé ailleurs et, aujourd’hui même, il trouve le temps de vaquer à d’autres tâches.
Ainsi, avant son arrivée chez les Remparts, en août 2008, il a passé au moins 28 ans chez Bell Canada. Y est-il resté jusqu’au 24 janvier 2011, date de son entrée chez Telus où il porte toujours le titre de «Conseiller à la haute direction» ? Peu importe. Notons seulement, même si cela paraît sans lien de prime abord, que le 24 janvier 2011, c’était un mois seulement avant l’arrivée d’André Desmarais chez les Remparts (à l’aile droite, bien sûr, là où ça se bouscule).
Durant sa longue carrière chez Bell, Rousseau occupa plusieurs postes importants et accomplit sans doute quelques bons coups par-ci par-là. Mais c’est peut-être le 20 septembre 2007 qu’il s’illustra le plus. Une grande date que ce 20 septembre 2007. Ce soir-là, à l’hôtel Windsor de Montréal, Rousseau présida un «hommage à un homme extraordinaire», rien de moins. La soirée fut organisée au profit du Portage, cet organisme qui lutte contre la toxicomanie. Y assistaient, entre autres : Rémi Marcoux de Transcontinental, l'imprimeur de La Presse, André Chagnon, celui qui aurait voulu vendre Vidéotron à la société ontarienne Rogers, Marcel Dutil du Groupe Canam, Larry Smith alors des Alouettes, André Bérard de la Banque Nationale et Henri-Paul Rousseau (tiens donc !) alors président de la Caisse de dépôt.
Oups ! j’allais oublier ! Qui diable était donc «l'homme extraordinaire» à qui on fit la fête ce soir-là ? Eh bien, nul autre que le grand patron de Bell à l’époque, Michael Sabia.

Ce n’est pas tout. En novembre 2009, Claude Rousseau, aussi mélomane que sportif, se joignit à un petit comité chargé d’organiser une campagne de financement pour l’Orchestre symphonique de Québec. Firent ou font encore partie de ce comité quelques autres monstres de neutralité : Charles Sirois de Télésystèmes, Andrew T. Molson de la famille du même nom et Paul Desmarais fils de Power Corporation.
Enfin, le même mois de la même année, Claude Rousseau a été choisi par John James Charest pour présider Équipe Québec, un comité chargé de préparer la candidature de la ville de Québec pour les Jeux olympiques d’hiver de 2022, 2026 ou 2030.

Alors, je ne sais pas pour vous, mais moi, à la place de PKP, après avoir appris le choix de Rousseau par Labeaume, loin de me réjouir, j’eusse été – comment dire ? – en tab… Oui, en tab…, ni plus ni moins. Car si une ombre se profile derrière Claude Rousseau, laquelle est-ce, sinon celle, pour le moins troublante, des Desmarais et de Power Corporation ?
À moins que la neutralité de Rousseau ressemble à celle de Brian Mulroney. Alors, là, franchement, rien à redire ! Quand, pendant au moins, je dis bien au moins sept ans, on sert aussi bien Power Corporation que Québécor et quand, de surcroît, on transpire toujours pour une société, Barrick Gold, qui finance à fond les bonnes œuvres (http://www.ccbc.com/fr/a-propos-de-nous/membres-fondateurs/) de la famille Desmarais en plus de s'unir à elle en Chine, c'est la preuve indubitable, n'est-ce pas, d'une neutralité à toute épreuve ! À moins...à moins, tout bonnement, qu'il n'y ait là aucune divergence d'intérêt, seulement de la... convergence...
Au fait, dans « Guerre ou cinéma ? », j’ai omis un détail à propos de l’ancien premier ministre fédéral. En 2009, donc assez longtemps après le Déluge, il a effectué une petite visite de quatre jours à Sagard. Ce n’était pas sa première ni probablement sa dernière. Quatre jours, c'est signe qu'il était le bienvenu. Me semble.

Les amis de nos ennemis ou même les amis des amis de nos ennemis peuvent-ils vraiment être nos amis ? Je sais, nul n'est immunisé contre ce vilain travers qu'est l'esprit sectaire et, qu'on se rassure, je me soigne. Mais entre esprit sectaire et simple prudence élémentaire, n'y a-t-il pas une bonne marge ?
Bref, ne comptons toujours que sur nous-mêmes.

Luc Potvin


Laissez un commentaire



1 commentaire

  • Jocelyn Boily Répondre

    25 mars 2012

    J'aime bien cet article.
    On dirait tout le même monde dans le même cercle d'amis. De plus j'apprenais ce matin en lisant les journaux que Paul Desmarais fait partie du même club ce chasse que l'ancien patron de vidéotron André Chagnon. Le club de chasse aux brigants(beau nom)sur l'île Reau qui vient d'être vendu.